Règles typographiques : de Pacte à Point


Pacte Accord, conférence, traité, Alliance, Convention.

Le pacte Briand-Kellogg, le Pacte atlantique, le pacte de Varsovie.


Page Belle page, Feuille, feuillet, Folio, Ligne creuse.

Abréviation : P., p. (Page, pages).
•• Le mot page ne s’abrège que dans les notes, les annexes, etc. (voir : Abréviation, Index). Dans le texte courant, il ne s’abrège que dans les références situées entre parenthèses.
Lefevre 1883.

Page courte : qui a une ligne de moins qu’une page pleine.
Page longue : qui a une ligne de plus qu’une page pleine.
La dernière page d’un chapitre doit avoir plus de cinq lignes.
Impr. nat. 1990.

Paginer : folioter les pages d’un ouvrage.
Pagination : ensemble des folios d’un ouvrage.


Mises en page, mise en pages…

À Typographie, le 3 décembre 1997.
É. ANGELINI : J’aimerais savoir pourquoi personne, dans cette « lidie », ne met de s final à mise en pages ?
[…] Osons deux explications (sérieuses ?). Influence (abusive, car « mise en pages » n’appartient à aucune des catégories concernées) des rectifications du Conseil supérieur… Influence (abusive, également…) des metteurs en pages travaillant dans la publicité, où ils mettent souvent en pages une seule page (affiche, annonce de presse, etc.)…

À Typographie, le 28 novembre 2000.
J. ANDRÉ : Je n’ai jamais vu cette subtilité. Tous les bouquins que j’ai parlent toujours de mise en page sans s, même quand ils parlent d’imposition.
Même tes dictionnaires de la française langue ? La plupart des bouquins sérieux dont je dispose écrivent « mise en pages ».
S’agissant de l’édition et de la presse, c’est la seule forme correcte… car elle seule a un sens intelligible. Si un objet graphique n’avait qu’une « page »… par définition, il ne s’agirait pas d’une page en tant que telle… mais, par exemple, du recto d’un bout de papier… une affiche, une étiquette, un machin qu’on colle quelque part… ou que l’on insère au petit bonheur dans un flux ordonné… devenant ainsi une page, mais une page qui s’est fait mettre ailleurs, sous un autre nom.
Il est certain que « mettre en pages » une page de grand titre serait assez étrange. C’est pourquoi on la compose… Il me semble aussi que la tentation du singulier tient à la confusion de deux activités distinctes : la maquette et la mise en pages. A priori, la part dite créative ressortit « avant » tout à la maquette. La confusion tient probablement au fait que « maquettiste » désigne des gens qui le plus souvent ne font que de la mise en pages. (Attention ! Nul mépris dans cette observation ! Le grand art, la vraie création consiste souvent à bien mettre en pages à partir d’une maquette foireuse.)
Si l’on tient absolument à « mettre en page(s) » une affiche ou une étiquette de calendos, alors là… le singulier s’impose, évidemment… mais, encore une fois, faudra d’abord démontrer qu’il s’agit de pages… N’évoquons pas les « pages web », déjà que je passe pour un mec pas très à la page, inutile d’en remettre une dose…
J. ANDRÉ : D’aucuns ici disent, avec raison, qu’on met toujours en page deux pages (paire et impaire).
On ne devrait pas se donner l’inutile peine de mettre une (ou deux, ou mille…) page(s) en pages… Les pages n’ont pas à être mises en pages, les plis n’ont pas à être mis en plis, et la scène n’a pas à être mise en scène. […] On met du texte (ou des images) en pages… et, tu as raison, mieux vaut le mettre sur une double…


Palais Monument


Palme Académie


Panse

Partie arrondie des lettres : a b c d e g o p q.


Papier Format


Paragramme Coquille


Paragraphe Alinéa, Astérisque.

••• Souvent confondu avec l’alinéa (ligne dont le premier mot est rentré, renfoncement au début d’une ligne, portion d’un texte comprise entre deux de ces renfoncements), le paragraphe est séparé d’un autre paragraphe par une ou plusieurs lignes blanches (un ou trois astérisques viennent parfois aider à borner leurs territoires). Un paragraphe peut accueillir plusieurs alinéas.
Drillon 1991, Gradus 1980, Grevisse 1986, Impr. nat. 1990, Littré 1872.
Larousse 1999, Lexis 1989, Robert 1985.

Un paragraphe peut être extrêmement court :
« En arrivant, je coupais des roseaux secs et nous faisions un lit pour la Guitte, je ne vous ai pas dit : une belle petite que nous avions, grasse, rose, avec des cuisses…
Il s’arrêta.
— Quand on est si heureux, on devrait se méfier ; seulement, voilà, on ne s’en aperçoit jamais sur le moment.
J’avais mes soucis, comme tout le monde, mais je n’étais pas de gros désir. » – Jean G
IONO, « Champs », Solitude de la pitié.


Abréviation

Quoi qu’en pensent quantité de scripteurs, le signe § connaît de très sérieuses limitations d’emploi.
1. Il doit être nécessairement suivi d’un nombre exprimé en chiffres ou d’une combinaison quelconque de signes indiquant son rang : § 8.1 et 9.43, premier paragraphe ; § 5-A.
2. Le moindre déterminant exclut que l’on fasse appel à lui : les paragraphes 8 et 9.
Code typ. 1993, Impr. nat. 1990.

Exemples d’emplois fautifs : [§ « Agriculture » ; 2e § ; voir les § 6 et 7 ; je vous renvoie au § 5 ; relire l’ensemble du § 3.]
Conséquence. — § ne s’emploie que dans les notes et les renvois, sauf pour certaines publications spécialisées : techniques, juridiques, scientifiques, etc. Pour les autres ouvrages et si l’on tient absolument à l’amputation, l’abréviation régulière paragr. est, dans le corps du texte, la seule tolérable (voir : Abréviation).
Le signe § ne se « double » pas au pluriel : [§§ 4, 5, 8] > § 4, 5, 8.

¶ Espace insécable entre le signe § et le chiffre qui le suit.


Parallèles

|| Signe qui s’emploie surtout dans la composition des dictionnaires, afin de séparer deux acceptions d’un même terme.


Parangonner

¶ Aligner des caractères de différentes forces de corps.
Se parangonner (argot des typographes) : s’appuyer quelque part pour éviter de tomber.


Parc Jardin


Parenthèse Énumération, Ponctuation, Tiret.

Une parenthèse ouvrante doit être complétée par une parenthèse fermante. (Une parenthèse ouverte doit être fermée.)
Une parenthèse fermante n’est pas nécessairement précédée d’une parenthèse ouvrante. Ces parenthèses solitaires ne sont guère recommandables. Les romanciers font ce qu’ils veulent : « — Écoute, Maman, concentre-toi bien. Dois-tu utiliser les feux de croisement, aussi bien le jour que la nuit, 1) quand il pleut, 2) quand il y a des chutes de neige, 3) quand tu aperçois le Saint-Esprit au milieu de la route ? » – François W
EYERGANS, Je suis écrivain.

Si le texte entre parenthèses est une phrase autonome : point final avant la parenthèse fermante : « Ce sont des ânes… des ânes bâtés. (Elle parlait des médecins.) Je ne veux plus en voir un seul. » – Marcel P
RÉVOST, les Anges gardiens.
Si le texte entre parenthèses appartient à une phrase : pas de ponctuation avant la parenthèse ouvrante, ponctuation éventuelle avant et après la parenthèse fermante.
Girodet 1988, Lefevre 1883.


Espace

Voici la règle :

espace justifiante (pas d’espace — pas d’espace) espace justifiante

Eh bien, cette règle est trop stricte…
Jadis, on n’hésitait pas à jeter un peu de blanc après les parenthèses ouvrantes et avant les parenthèses fermantes. On veillait simplement à ce que ces blancs soient très inférieurs à l’espace des mots.


I. Tirets, ponctuation
et parenthèses imbriqués

À Typographie, le 1er décembre 1997.
D. PERNELLE : Quelles sont les règles admises en typo pour les imbrications de parenthèses ? Dans un texte et non pas dans une démonstration mathématique : peut-on en imbriquer plusieurs et, quand elles sont côte à côte, ne doit-on en mettre qu’une ?
Ça dépend… Si l’on écrit un texte sans rechercher d’effet (de tous ordres) particulier, on peut employer les crochets (à condition qu’ils ne jouent pas un rôle spécifique [par exemple la délimitation des interventions d’un tiers — par exemple l’éditeur, à tous les sens du terme — sur le texte d’un auteur])…
Si l’on s’appelle Raymond Roussel (ou si l’on cherche à l’imiter (ce qui est imprudent)), on peut s’amuser aussi à imbriquer les parenthèses (pour éviter le ridicule (toujours possible (hélas…)), une certaine maîtrise est nécessaire).
Le mieux, franchement, c’est encore d’éviter la multiplication des parenthèses et surtout leur imbrication… La plupart du temps, ce sont des béquilles (certes courbes) qui masquent mal une pensée claudicante…

À F.L.L.F., le 8 janvier 2002.
Hier soir, pour me consoler de la mort d’Étiemble, j’ai repris son Art d’écrire et j’y ai trouvé ceci :
« Par le Créateur, laissez tomber parenthèses et guillemets ! Pour les propositions incises, il y a un excellent signe de ponctuation, le double tiret (— le mot que vous voudrez —). Il y a deux sortes d’écrivains qui utilisent les guillemets : ceux qui sont timides et ceux qui n’ont pas de talent. » – Anton T
CHEKHOV, Lettre à Lazarev-Grouzinski.
J’ignore si les parenthèses sont du bon Anton ou du traducteur…

À F.L.L.F., le 3 juin 2002.
M. GOLDSTEIN : Que convient-il d’écrire ?
1. Va-t-en (il le pensait vraiment !). 2. Va-t’en (il le pensait vraiment !) 3. Une jupe bleue ou verte, je ne sais plus (?) 4. Une jupe bleue ou verte, je ne sais plus (?).
1… Mais : « Va-t’en. (Il le pensait vraiment !) » serait aussi bien…
4… Mais : « Une jupe bleue ou verte, je ne sais plus. » ; ou : « Une jupe bleue ou verte. Je ne sais plus. » ; ou : « Une jupe bleue ou verte ? Je ne sais plus. » suffirait largement…
M. GOLDSTEIN : Faut-il retenir que le point final est superflu lorsque la parenthèse se ferme sur un point d’exclamation ?
Non, rien à voir :
« Va-t’en (il le pensait vraiment !). » ; ou « Va-t’en. (Il le pensait vraiment !) »
F. B. : Si, par exemple, je tape « Comme démontré dans l’article de Machin, Journal de Tautologie Théorique (1995). », je suis certain que mon correcteur s’arrêtera dessus lors de la relecture, en me disant (je paraphrase) qu’une parenthèse ne saurait être suivie d’un point.
Puis-je dire que votre vérificateur électrochosique est un connard… sans susciter les protestations offusquées des ligues locales de vertu ?


II. Parenthèses, gras et italique

À Typographie, les 9 et 10 décembre 1999.
J. ANDRÉ : Si ce bout de texte est en gras, les parenthèses doivent-elles être en gras ? (Si, si : il y a des cas, rares il est vrai, où ça arrive.)
Oui, parenthèses grasses, mais j’espère bien qu’ils sont rares, tes cas… Parce que, hormis les entrées de glossaire ou quelques cas similaires, j’ai quelque peine à saisir l’astuce…
Si un fragment de texte est en gras (pouah…), c’est qu’il est salement important, first class, à ne pas manquer… et s’il est si important que ça… qu’est-ce qu’il fout entre parenthèses ?
J. ANDRÉ : Mais… p. 70 de l’I.N. (art. « Dialogues »), vous trouvez : « Ô rage ! (Se reprenant.) Homme de bien », etc.
Les tenants de la « non-italisation » des parenthèses balisant un fragment intégralement en italique et sis au sein d’une phrase en romain te répondront qu’il s’agit là d’un autre cas… celui de la parenthèse autonome.
Ce faisant, ils ruineront eux-mêmes leur argumentation… car, si une parenthèse peut être autonome… c’est bien la preuve que les deux signes qui la balisent lui appartiennent !
E. CURIS : Une convention souvent rencontrée en chimie, c’est de noter les produits par un nombre en gras. On a alors souvent des phrases du genre : « Soit le N,N-diméthylformamide (1) et le »
Je ne pense pas assez à ces choses-là… Remarque, cela vaut sans doute mieux, je n’y connais rien…
P. JALLON : J’avais l’habitude d’expliciter tous les sigles et acronymes, afin d’être intelligible pour tout le monde. Typiquement, ça donnait ceci : « Le nouveau patron de Canal France international (CFI) a rencontré le président-directeur général de l’Agence France-Presse (AFP) à la suite de l’affaire. »
Sauf que, là, tu fais exactement le contraire de ce que tu annonces… Tu n’explicites pas les sigles, tu précises qu’aux dénominations développées que tu emploies dans la phrase correspondent des sigles… Tu fais donc ce que je dénonçais : tu mets en gras le subalterne, le secondaire (qui est à sa place entre parenthèses…).
Expliciter un sigle, c’est ceci : « Le nouveau patron de C.F.I. (Canal France international) a rencontré… » Ici, tu peux engraisser ton sigle, bien qu’à mon sens la manœuvre soit hideuse et inutile (les caps suffisent largement à attirer l’attention des lecteurs distraits…).
P. JALLON : Pour d’évidentes raisons esthétiques, seul le sigle ou l’acronyme était mis en gras.
Je ne te demanderai pas de préciser ta conception de l’« esthétique » (cela nous entraînerait trop loin) mais celle de l’« évidence »…
P. JALLON : Dans tous les autres cas de figure, les noms en gras n’étaient jamais encadrés par des parenthèses.
Parce que cela aurait été trop évidemment inesthétique ?…


Parti, mouvement Adepte, Sigle.

« Une démocratie où la vie publique est constituée
par la lutte des partis politiques est incapable d’empêcher
la formation d’un parti qui ait pour but avoué de la détruire.
Si elle fait des lois d’exception, elle s’asphyxie elle-même.
Si elle n’en fait pas, elle est aussi en sécurité qu’un oiseau
devant un serpent. »
Simone W
EIL, l’Enracinement.

L’Action française, les Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.), les Frères musulmans, le Ku Klux Klan, le Mouvement de la paix, le Mouvement républicain populaire (M.R.P.), le Parti communiste français (P.C.F.).
« Le parti des Constipés exige, au dessert, les pruneaux. » – Georges B
ERNANOS, les Grands Cimetières sous la lune.


Particule Article dans les noms propres, Bibliographie, Index, Majuscule, Voie et espace public.

« Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire.
Être de quelque chose, ça pose un homme, comme être
de garenne, ça pose un lapin. »
Alphonse A
LLAIS, le Chat noir, le 25 janvier 1890.

1. Particules françaises

En français, il convient de bien distinguer la particule « de » (forme élidée : « d’ ») qui est une préposition, des particules « Du », « Des » (de le, de les) qui sont des articles contractés.
Rappel. — Dans les patronymes, l’article s’écrit avec une majuscule initiale ; il ne peut être supprimé, il détermine l’ordre alphabétique : La Mettrie, Le Goff.
Après une particule, il conserve la majuscule : Roger de La Fresnaye, Emmanuel de Las Cases. La minuscule était déjà un archaïsme à la fin du
XIXe siècle ; c’est aujourd’hui une faute ( sauf dans la composition « non modernisée » de textes anciens).
L’article appartenant (majuscule) à un patronyme ne doit pas être confondu avec l’article qui précède (minuscule) un patronyme ou un surnom : le Caravage, la Voisin, le Greco ; la Callas lisait-elle La Bruyère ?
Code typ. 1993, Impr. nat. 1990.
Gouriou 1990 [Jean de la Fontaine, M. de la Palisse, etc.], Leforestier 1890, Ramat 1994, Zacharia 1987.
La distinction entre particules nobiliaires et « roturières » n’a aujourd’hui aucun sens ; elle ne passionne que les nostalgiques des lettres de cachet.

••• Les particules « de » et « d’ » (prépositions) s’écrivent toujours en minuscules : Jean de La Fontaine, Alphonse de Lamartine, Jeanne d’Arc, Charles de Gaulle, la famille de La Rochefoucauld, Monsieur de M., le cardinal de Richelieu, le baron d’Holbach, le comte de Vigny.
Devant les patronymes plurisyllabiques, si un prénom, ou un terme de parenté (famille, frère, oncle, etc.), ou un titre (nobiliaire ou de civilité), une fonction ou un grade ne sont pas précisés, la particule « de » est supprimée : La Fontaine, Lamartine, Richelieu, Vigny ; mais, éventuellement, les frères Goncourt.
La particule élidée est, en principe, conservée : d’Artagnan, d’Holbach ; mais, éventuellement, les Orléans. On ne supprime pas la particule « de » devant les noms monosyllabiques (ou bisyllabiques avec un « e » muet final) : de Gaulle, de Grasse, de Lattre, de Mun, de Thou. Exceptions : cardinal de Retz, Retz, Donatien de Sade, Sade.
Les particules « de » et « d’ » ne déterminent pas l’ordre alphabétique (bibliographies, dictionnaires, index, etc.) : Holbach (d’), Labiche, La Fontaine (de), Larbaud, Vigny (de). La particule néerlandaise « De » n’est pas une préposition mais un article, voir : § 2.5.
Code typ. 1993, Girodet 1988.

••• Les particules « Du », « Des » (articles contractés) s’écrivent avec une majuscule initiale : Joachim Du Bellay, Bertrand Du Guesclin, Pierre Des Essarts. Le duc du Maine (Louis Auguste de Bourbon) ne saurait être présenté comme une exception… pas plus que le roi du Maroc.
Elles ne peuvent être supprimées : Du Bellay, Du Guesclin, Des Essarts.
Elles déterminent l’ordre alphabétique : Daumal, Des Essarts, Diderot, Du Bellay, Duclos, Du Guesclin.
Doppagne 1991, Larousse 1933, 1999.
Girodet 1988, Gouriou 1990 [du Bellay, du Guesclin, etc.], Larousse 1997, Ramat 1994, Typogr. romand 1993.
Grevisse 1975 et 1986 relèvent que l’usage est flottant ; certes, il l’est. On trouve, sous de bonnes (?) plumes contemporaines : [Jean de la Fontaine] ou [du Bellay] ; à ce triste constat, il faut opposer la subtilité grammaticale et la logique typographique, qui, pour une fois, font bon ménage.

Exceptions.
Les particules « de » et « d’ »peuvent prendre une majuscule initiale dans les dénominations commerciales : une voiture De Dion-Bouton.
Elles doivent prendre la majuscule initiale dans tous les cas où une autre règle l’impose : « De Gaulle est monté sur le cuirassé De Grasse. »

Il est inutile — il est même déconseillé — de mettre une majuscule initiale à la particule « de » pour la distinguer de la préposition grammaticale : la flotte de de Grasse, le képi de de Gaulle, [la flotte de De Grasse, le képi de De Gaulle], « Ce fils à Papa de de Lorges ! Marquis de Lorges ou baron de Lorges, je ne sais plus. » – François WEYERGANS, Je suis écrivain.
La typographie n’a pas pour tâche de masquer les maladresses ou les subtilités d’expression. Dans certains cas, la majuscule introduirait au contraire une confusion ridicule : « Que les Français ne se fient pas à ceux qui se sont réclamés de de Gaulle pour défendre de Gaulle. » – François M
AURIAC, le Nouveau Bloc-Notes. La graphie adoptée par Mauriac est la seule correcte. [de De Gaulle pour défendre de Gaulle], [de De Gaulle pour défendre De Gaulle].
Gouriou 1990, Hanse 1987.
Code typ. 1993, Doppagne 1991, Girodet 1988.


2. Particules étrangères

En français, une particule patronymique désigne une préposition ou un article contracté (préposition + article) : l’article seul n’est pas une particule. Toutefois, il est difficile de respecter cette belle et claire acception dès lors qu’il s’agit d’examiner le comportement orthotypographique de « particules » étrangères au sein de textes ou d’ouvrages rédigés et composés en français. Dans les « particules » qui suivent se cachent des articles, voire des conjonctions…
••• Dans les textes, les bibliographies, les index, etc. rédigés en français, les « particules » ne prenant pas la majuscule initiale n’ont pas d’incidence sur le classement alphabétique, qu’elles soient « françaises » ou « étrangères » : Beethoven (Ludwig van), De Valera (Eamon), Kleist (Heinrich von), Van Gogh (Vincent), Viau (Théophile de).

2.1. Allemandes : an, auf, van, von, von dem, von den, von der, zu, Am, Im, Vom, Zum, Zur.
Dans le corps du texte, la particule « von » disparaît dans les mêmes circonstances, voire encore plus aisément que le « de » français : Otto von Bismarck, Herbert von Karajan, Walther von Wartburg ; le chancelier von Bismarck, {le chancelier Bismarck}, Bismarck, Karajan, Wartburg. Il est inutile de faire intervenir ici la notion difficilement appréciable de notoriété, voire d’ancienneté de la notoriété : Hans-Jürgen von Arnim, Werner von Braun, Franz von Papen, Joachim von Ribbentrop.

2.2. Anglo-saxonnes : Toutes les particules anglo-saxonnes (à l’exception de « of ») prennent une majuscule initiale : A, De, De La, Dos, Fitz, Mac, Mc, O’.
Gouriou 1990 [« les particules étrangères suivent, pour la majuscule, les mêmes règles que la particule française »].
Attention aux anciennes particules françaises, qui ont perdu leurs bonnes habitudes et prennent la majuscule initiale : Mazo De La Roche, Warren De La Rue.
Conséquence : quelle que soit leur origine, les patronymes américains, britanniques, irlandais et de la plupart des pays anglophones sont classés en tenant toujours compte du premier élément.
Attention au tri des « Mac ». Il y a des « Mac » et des « Mc » : tous doivent être classés à « Mac ».
¶ Les méthodes « automatiques » ne peuvent fournir un tri correct des patronymes que si la saisie des données prend en compte — dans un champ spécial — les règles relatives à cette opération.

Tri  automatique 
(erroné)
Tri manuel
(correct)
  Mac Orlan MacDonald
  MacDonald McEnroe
  Machin Machin
  Madeleine McLaren
  McEnroe Mac Orlan
  McLaren Madeleine

2.3. Espagnoles, hispano-américaines : la particule « de » disparaît dans les mêmes circonstances qu’en français : Miguel de Unamuno, Unamuno. En principe, aucune particule espagnole ne prend de majuscule initiale : de, del, de las, de les, de los, las, los, y.
Cette limpidité est séduisante. Elle n’a qu’un défaut, elle ne correspond pas à la tradition, et les exceptions sont nombreuses : Bartolomé de Las Casas. Pour les combinaisons préposition + article, la règle française ne peut hélas s’appliquer aveuglément, il faut « finasser », en gardant à l’esprit que « majuscule incidence alphabétique » : José de La Serna, La Serna ; Diego del Castillo, Castillo ; Fernando de las Infantas, Infantas.
Afnor 1990 [Casas (Le P. Bartolomé de las)] ; Larousse 1985 écrit « Fernando de las Infantas » dans le texte et donne l’entrée d’index à « Las Infantas ». Il faut choisir. Larousse 1933 est cohérent : article « Infantas ».

2.4. Italiennes : toutes les particules italiennes prennent une majuscule initiale : D’, Da, Dal, Dall’, De, Degli, Dei, Del, De li, Dell’, Della, Di, Lo. De Chirico, Dell’Abate, Della Rovere, Del Sarto.
La particule « De » ne doit pas être éliminée : [une toile de Chirico] > une toile de De Chirico.
Exceptions. — Pour ceux qui y tiennent… Traditionnellement, les particules d’anciennes familles nobles ont un comportement comparable à leurs homologues françaises.

2.5. Néerlandaises, flamandes : la tradition française a ici effectué un mauvais choix en adoptant les « règles » belges.
Capitale initiale au mot « Van » qui précède les noms flamands, « à moins que la personne désignée ne soit noble : dans ce cas, la particule van ne prend pas la capitale » (Dumont 1915). Cette distinction, qui semble indispensable à la félicité d’un grand nombre de sujets du roi des Belges, ne devrait pas être retenue.
Dans les patronymes néerlandais ou flamands, « De » n’est pas une préposition mais un article : De Klerk (Le Clerc), De Vos (Le Renard). Cette particule ne doit pas être confondue avec le « de » français (préposition) ; comme « Du » et « Des », elle a une incidence sur le classement alphabétique : David, De Crayer, De Vos, Dufy.
Ab, D’, De, Den, Der, In’t, Op, Op de, Op den, Op’t, Opde, Opden, ’s, s’, ’T, T’, Te, Ten, Ter, Thoe, Toe, Uit den, Uut den, Uut’t, Uyt den, Uyter, Van, Van de, Vande, Van den, Vanden, Van der, Van het, Van’s, Van’t, Ver, Voor…
Ruysdael (van).
Attention ! Des patronymes belges ont un « de » (préposition) français. Nulle différence de comportement avec leurs homologues de France.

2.6. Portugaises, brésiliennes : aucune particule portugaise ne prend de majuscule initiale : a, d’, da, das, de, do, dos.

2.7. Scandinaves : af, av, von, ne prennent pas de majuscule initiale.
La particule « De » (origine romane ou germanique) prend la majuscule initiale.


3. Récapitulation des tendances
(voir les exceptions mentionnées ci-dessus)

Majuscule et indexation des particules dans les patronymes anglo-saxons, italiens, néerlandais et flamands.
Minuscule et rejet des particules dans les patronymes allemands, espagnols, français, portugais, scandinaves.


I. Le problème de de Gaulle

À France-Langue, du 23 au 29 juillet 1997.
A. BOURLAKOFF : Après tout, le général De Gaulle, avec un D capitale, comme : van De Walle, dixit le Dictionnaire étymologique des noms et prénoms de France (Larousse) et… l’Institut Charles De Gaulle… Sorry pour les aficionados… c’est moins superbe !
Et le général de Gaulle orthographiait son nom comment ?… Comme Du Rempart ?… Cher ami, j’ai des doutes… et ils sont partagés par la quasi-totalité des ouvrages de référence (dont le dictionnaire de Dauzat que vous citez…) et par de Gaulle himself…
Même si l’on peut trouver une origine flamande à ce patronyme, il reste que ce « de » n’est plus un article (comme dans De Klerk, De Graaf, etc.)… mais est devenu une préposition… Le temps, la France et le français sont passés par là, et aujourd’hui « Gaulle » passera difficilement pour un mot flamand… Pourquoi vouloir réintroduire un article flamand (ou néerlandais) devant lui ? Je ne suis pas un aficionado du Général… mais des bas de casse…
D. CÔTE-COLISSON : Mon dictionnaire semble valider « de ». Mais l’annuaire du téléphone (CD-Rom de France Télécom, pages « Coup de fil ») confirme que les deux orthographes coexistent. Exemple : le collège Charles De Gaulle à 07 – Guilherand-Granges et le collège Charles de Gaulle à 56 – Ploemer.
Y a pas photo… Faites confiance à votre dictionnaire et oubliez France Télécom… D’autant que pour un nom de voie publique ou d’établissement scolaire, les traits d’union s’imposent… : collège Charles-de-Gaulle.
K. MUKUNDI : S’agissant de la position dans une liste alphabétique, les normes du catalogage elles-mêmes (en matière de bibliographie), leurs usages plutôt, varient d’une bibliothèque ou d’un centre de documentation à l’autre. Certains mettront par exemple (pour De Gaulle, je n’en suis pas sûre) : Ajuriaguerra, Julien de (ce qui placera cet auteur en tête de liste), tandis que d’autres préféreront : De Ajuriaguerra, Julien (il viendra ainsi loin après les patronymes commençant par A, B, C, et autres Da…).
Eh ! bien, certains ont raison, et les autres ont tort… (du moins selon les règles françaises). C’est quand même une drôle d’idée de classer à « D » un homme que l’on appelle Ajuriaguerra…


II. Particules nobles
et particules « roturières »

Site Web de Jean-Pierre Lacroux.
L’origine noble ou roturière n’est plus un critère valide dans les règles typographiques françaises, qui ont un agréable cachet républicain depuis fort longtemps… […] On ne va tout de même pas passer notre temps (je parle surtout du mien…) à faire le tri entre les purs fins de race, les aristocrates de seconde main, les nouveaux riches, les prolos à particule syntaxique ! On s’en fout ! À moins d’être rédacteur à Point de vue ou à Gala, pourquoi vouloir repérer les vrais et les faux nobles, puisqu’il n’y a plus de noblesse ? Je me goure ? J’ai mal lu notre histoire et les maîtres typographes ? J’ai pas regardé ma montre et c’est déjà la Deuxième Restauration ?
Nobles ou roturiers, tous * les « de » précédant un patronyme « français » sont en France des prépositions (et des particules) qui ne prennent pas la capitale initiale et qui ne déterminent pas l’ordre alphabétique…
* Si les cas particuliers vous intéressent, on pourra y revenir… Ce soir, je n’ai plus beaucoup de temps (j’ai un calva à prendre)… Ah ! juste ça, pour éviter un débat inutile (je ne suis pas Mazo…) : cette affirmation péremptoire ne s’applique évidemment pas aux patronymes anglo-saxons d’origine française (De La Rue, De La Roche…), chacun fait ce qu’il veut chez lui, ni aux patronymes « français » dont l’origine flamande ou néerlandaise (article) est patente, assumée, revendiquée… ni (sauf exceptions se comptant sur les doigts d’un manchot) aux patronymes italiens… (mais aux patronymes espagnols et portugais…).
C’est simple, c’est démocratique, très pratique, c’est admis par tous les rédacteurs, réviseurs, correcteurs d’ouvrages de référence. L’Institut Charles-de-Gaulle peut dire et écrire ce qu’il veut… Sur le sujet, il a moins d’autorité et de compétence que, par exemple, l’Imprimerie nationale ou Larousse…
En outre, devant les patronymes plurisyllabiques non précédés d’un prénom, d’un titre de civilité, d’un grade ou d’une fonction, qu’elle soit noble ou roturière, la particule saute… Et vous voudriez coller une capitale initiale aux particules plébéiennes ? Vous voulez vraiment lire des romans de De Balzac ? C’est des astuces pour Villiers (Philippe de)…
« De Haan » et « de Haan » n’est pas le même nom, surtout en Belgique (même si l’origine flamande est attestée).
Cher ami, la Belgique est un royaume où le goût pour les particularités héréditaires est encore vivace. Dans mon message, j’ai bien précisé que j’évoquais les règles typographiques françaises (à mon sens, les seules qui comptent…). Elles s’appliquent aux patronymes des citoyens, mais les sujets du roi des Belges ont bien le droit de chérir des traditions différentes et de croire que les de Becker n’ont pas d’ancêtre boulanger alors que les De Becker en ont indiscutablement un.
Je croyais avoir écrit que les règles typographiques françaises respectent les usages étrangers : pour les patronymes belges, elles acceptent les « De » (article néerlandais) et les « de » (ancien article néerlandais devenu préposition française devant un nom francisé et même… simple article néerlandais honteux)…
L’on perd une information, ce qui est toujours dommage.
Quelle information ? La règle française élimine toutes les foutaises liées au sang, à la race, aux prétentions nobliardes, mais respecte toutes les subtilités grammaticales. Si l’on a un article, son initiale est capitalisée, as in french : De Haan (Le Coq). Si l’on a une véritable préposition française (cas assez rare devant un nom germanique), son initiale demeure minuscule : de Haan (Haan : lieu). La prétendue noblesse n’a rien à voir ici, seule la langue est à respecter…
Vous devrez chercher à deux endroits dans les bibliothèques, puisque vous aurez perdu cette information (étant donné les règles en vigueur, ou du moins celles que l’on m’a apprises) — von Bismarck est classé à B ; De Haan est classé à D, de Haan est classé à H et de Ghelderode à G.
Comprends pas… En quoi la règle que j’ai énoncée modifie-t-elle les conditions de cette recherche ?
Vous devrez donc réviser aussi les règles de catalographie ou multiplier les fiches de renvoi.
Non. Précisément, non.
En revanche, si vous soutenez ceux qui veulent écrire « De Gaulle » (car De Wall, Le Mur…, donc « De » serait encore un article devant un nom francisé depuis belle lurette), bonne chance avec les fiches de renvoi… En France, tout patronyme francisé peut rejoindre ses pairs… […]
Je veux dire que si vous écrivez « de » partout, vous perdez une information dont était porteuse la distinction de/De — particule ou article.
Voilà la preuve qu’un quiproquo s’est introduit entre nous… car je n’écris pas « de » partout et je maintiens évidemment la distinction préposition (en l’occurrence française)/article (en l’occurrence néerlandais). Ce que j’élimine (« je » stupide et abusif, car c’est la pratique commune en France), c’est la distinction particule nobilière/particule roturière, qui se situe sur un autre plan, dénué d’intérêt…
L’indécidable porterait donc sur l’« origine […] revendiquée… »
Dans le cas qui nous occupe (patronyme « français », et même francisé, d’origine flamande), oui… J’attends toujours une source fiable établissant que de Gaulle considérait son « de » comme un article… et une autre établissant que « Gaulle » est de nos jours un terme germanique signifiant encore « mur »… C’est un coup à réveiller les Pink Floyd. Pas prudent.
Pour « De Gaulle » par contre, est-ce une question d’usage ou bien y a-t-il une raison précise au maintien de la particule ?
Les deux. L’usage fait sauter la particule (s’il s’agit d’une simple préposition… et non d’un article contracté comme « Du » ou « Des »…) devant les patronymes plurisyllabiques (Alfred de Musset, Musset ; Jean de La Fontaine, La Fontaine — mais parfois l’élision fout le bordel : d’Artagnan…) employés « seuls » (sans prénom, titre, fonction, etc.) mais la maintient toujours devant les patronymes monosyllabiques (et assimilés…), qui sans elle se trouveraient bien pauvrets, voire équivoques : de Gaulle, de Grasse… Quelques exceptions célèbres : Sade, Retz…
Tout cela peut sembler inutilement compliqué mais n’a par bonheur qu’une médiocre importance…


Pays Département, État, Géographie, Saint, Trait d’union, Transcription, translittération, Ville et village.

En dépit des apparences — hélas confortées par quelques ouvrages de référence (dictionnaires, codes typographiques) —, les règles sont extrêmement simples…
Les règles énoncées dans cet article s’appliquent à toutes les dénominations de territoires administrativement organisés et aux entités politiques correspondantes : États souverains, États membres d’une confédération ou d’une fédération, provinces, régions, départements, etc., ainsi qu’aux communes, quelle que soit leur importance.
Attention ! Les règles générales (§ 1) concernent uniquement les dénominations « officielles » — entre guillemets, car, dans la plupart des cas, il s’agit de graphies francisées —, sous leur forme usuelle (l’Argentine) ou développée (la République argentine). Tenter de réunir sous une même règle la Corse-du-Sud (forme officielle) et l’ancienne Allemagne de l’Est (forme « fantaisiste », § 2) conduit inéluctablement au chaos orthotypographique.


1. Règles générales

1.1. Formes françaises et francisées.
••• Un seul mot : majuscule initiale… : Autriche, Mexique, Louisiane, Tarn.
S’agissant des noms usuels de pays, la plupart des cas sont ainsi réglés…
••• Lorsque plusieurs mots entrent dans la composition d’une dénomination française ou francisée, ils sont tous liés par un trait d’union (sauf l’éventuel article initial) ; tous les noms et tous les adjectifs prennent la majuscule initiale : Pays-Bas, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Trinité-et-Tobago, Basse-Saxe, Loire-Atlantique.

Exceptions.
Pas de trait d’union après les termes qui définissent la nature d’un État, c’est-à-dire son régime, ni après ceux qui définissent le statut d’une division administrative : l’Algérie, la République algérienne démocratique et populaire, la Suisse, la Confédération helvétique, les Émirats arabes unis, la République dominicaine, les Territoires du Nord-Ouest.
Seule exception à l’exception : le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
Remarque. — Figurant dans le nom usuel d’un État, le terme État est un cas particulier, mais pas une exception, car il serait abusif de prétendre qu’État définit à lui seul la nature d’un État : les États-Unis (d’Amérique, du Mexique, etc.).

Pas de trait d’union avant les éléments finaux (généralement des adjectifs) qui précisent un réel lien de dépendance (depuis le début des années soixante et la décolonisation, cette catégorie de dénominations est devenue rare) : les Antilles néerlandaises (qui dépendent des Pays-Bas), la Polynésie française, l’ancienne Afrique-Équatoriale française, l’ancien Honduras britannique.
Mais : la Colombie-Britannique (qui appartient au Canada et non à la Grande-Bretagne).

1.2. Formes étrangères.
••• Aujourd’hui, le strict respect de la graphie d’origine (alphabet latin) hélas s’impose (faute de quoi on obtient une forme francisée qui obéira aux règles exposées ci-dessus) : New Hampshire.
Naguère, toutes les dénominations, françaises, francisées ou « étrangères », étaient soumises aux mêmes règles de composition. C’était simple. Ça manquait de subtilité mais n’était guère gênant, car la plupart des dénominations étrangères étaient francisées.
•• Devrait être considérée comme française toute dénomination intégralement composée de mots français, y compris celles de lieux situés hors de l’espace francophone. C’était la règle. Naguère. Félicitons ceux qui la respectent encore, mais n’entretenons aucun espoir quant au succès de leur combat : Saint Louis (États-Unis) ou Saint-Louis.
•• Doit être considérée comme francisée toute dénomination modifiée par le « bon usage francophone », ce qui inclut les transcriptions et les translittérations effectuées conformément à cet usage mais exclut toutes les autres : Nijni-Novgorod.

1.3. Formes usuelles et formes « officielles » développées.
À de rares exceptions près, les formes usuelles vieillissent bien. Les formes développées sont soumises aux aléas de l’histoire. Dans bien des cas, il est prudent d’éviter leur emploi, à moins de disposer de sources très récentes et fiables.
Les formes usuelles sont des toponymes (noms propres de lieux) particuliers, car elles désignent à la fois un lieu et une entité politique (dans certains cas, celle-ci ne se limite pas nécessairement à celui-là) : j’habite en France ; la France et le Canada ne parviennent pas à un accord sur les zones de pêche. (Certaines formes « officielles » développées ne sont jamais des toponymes : « La République française est une et indivisible. »)

L’appartenance à deux mondes — « espace, géographie, lieux » et « temps, histoire, organismes, institutions, etc. » — que les règles typographiques traitent différemment est une contradiction résolue depuis longtemps : les noms de territoires organisés constituent une catégorie particulière, soumise à des règles simples. Justifier l’incohérence actuelle en puisant des règles dans l’un ou l’autre domaine est un procédé contestable :
— les Émirats arabes unis, la République centrafricaine, la République dominicaine, la République tchèque ;
— l’Australie, la Barbade, le Cambodge, le Canada, la Grenade, la Jamaïque, le Japon, la Malaisie, la Mongolie, la Roumanie, les Îles Salomon, la Somalie, l’Ukraine, la Yougoslavie ;
— le grand-duché de Luxembourg, la principauté d’Andorre, la principauté de Monaco ;
— les royaumes de Belgique, de Norvège, du Danemark ;
Et : l’Albanie (la république d’Albanie), l’Allemagne (la république fédérale d’Allemagne et l’ancienne République démocratique allemande), l’Argentine (la République argentine), la Grèce (la République hellénique), l’Italie (la République italienne).


2. Formes « fantaisistes »

Les groupes nominaux finaux et non officiels qui précisent la situation géographique d’une entité politique, afin de la distinguer d’une ou de plusieurs autres entités homonymes : la Corée du Sud, l’ancienne Allemagne de l’Est. Mais (formes officielles) : le Dakota-du-Sud, la Virginie-Occidentale, le Mecklembourg–Poméranie-Occidentale, les anciennes Côtes-du-Nord, la Rhénanie-du-Nord–Westphalie.
Exceptions. — L’Afrique du Sud, l’Irlande du Nord.


3.

La tradition française était d’une grande limpidité. C’était trop beau. Elle s’est progressivement dégradée, au point de devenir déconcertante, quasi inexplicable. Il serait aujourd’hui recommandé de traiter différemment des entités comparables, d’appliquer à leurs noms des règles jusqu’alors réservées à d’autres catégories de dénominations propres, etc.

Des spécialistes (membres de commissions officielles de terminologie, ministres, etc.) nous enseignent que les formes « Cap-Vert », « Pays-Bas », imposées par l’usage — sous-entendu : archaïque et un brin fantaisiste —, sont des exceptions à la règle qui veut que l’adjectif postposé conserve la minuscule initiale (principe il est vrai applicable à plusieurs catégories de dénominations propres) et ne soit pas lié par un trait d’union au nom qui le précède… Cette règle n’existe que dans le chef de ceux qui sont prêts à compliquer la « grammaire orthotypographique » dans le seul dessein d’entériner tous les dérapages du mauvais usage. « Cap-Vert » ou « Pays-Bas » ne sont pas des exceptions mais des formes qui respectent la règle française. Il faut être singulièrement audacieux pour affirmer que seul l’usage (la routine…) les a imposées, alors que c’est la règle qui nous donne {les Samoa occidentales}.
L’ennui… c’est que les greffiers de l’usage sont d’une incohérence (interne et externe) assez troublante (pour l’usager) : Guatemala, Guatémala. Liberia, Libéria. Hong-Kong, Hongkong, Hong Kong, Surinam, Suriname. Taïwan, Taiwan. Dans le Français et les Siècles, Claude Hagège écrit : Hong Kong, Kénya, Nigéria, Vietnam.
Larousse 1992 : {Virginie occidentale}, Colombie-Britannique.
Hachette 1995, Micro-Robert 1990 : Virginie-Occidentale, {Colombie britannique}.
Robert 1994 est sur ce point un des rares usuels cohérents.
Afnor 1990, qui ignore ou méprise hardiment les normes de l’orthographe, écrit [Côte d’Ivoire]… Doppagne 1991 écrit [Guinée Bissau, Tai-Wan].


4. Pays et gentilés

Hormis quelques cas inadmissibles, sont privilégiées les formes et les graphies recommandées par l’arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la terminologie des noms d’États et de capitales.


Période historique Âge, Époque, Style artistique


Petite capitale Capitale, Majuscule, Sigle.

Les petites capitales ne sont pas des majuscules ! La preuve… dans un groupe de mots composé en petites capitales, les majuscules se composent en grandes capitales : Jean de LA FONTAINE.

Dans le corps du texte, un mot composé en grandes capitales acquiert un poids énorme.
Inscriptions lapidaires, reproduction d’un télégramme :
BIEN ARRIVÉ AUX ANTILLES. VOUS EMBRASSE. Dans de tels cas, les majuscules (grandes capitales) ne s’imposent pas en début de phrase (majuscule démarcative) ni comme initiale des noms propres (majuscule distinctive), car leur présence ruinerait l’effet d’imitation graphique.
Impr. nat. 1990.

¶ Manuscrit : les mots à composer en petites capitales sont soulignés deux fois :




Composition des petites capitales

À Typographie, le 9 novembre 1997.
É. DOMERGUE : [Écrire les noms de personnes tout en capitales] permet de différencier le nom du prénom et ce n’est pas toujours évident lorsque le nom ressemble à un prénom ou lorsqu’il s’agit de patronymes étrangers. Pour éviter le saut à la figure, il suffira de descendre la force de ces capitales en changeant le corps ou d’utiliser des petites capitales.
Il me semble abusif de considérer que grandes et petites capitales sont des éléments graphiques de même nature, ne différant que par la taille (relative) et éventuellement par le dessin. Les petites capitales ne sont pas des majuscules (grammaticales) mais des minuscules dont le dessin est quasi identique à celui des capitales.
Cela signifie (à mon avis…) que si l’emploi des capitales est avant tout un problème de graphie, c’est-à-dire de langue (écrite…), celui des petites caps est exclusivement un problème typographique. L’attitude face à la tradition est bien différente : avec les caps, y a du monde dans (et sur) les rangs ; avec les petites caps, beaucoup moins…
Si demain la plupart des néocompositeurs se mettent à multiplier inconsidérément les petites caps, personne n’y pourra rien et une nouvelle tradition s’instaurera peut-être. Si certains veulent abuser des caps, tant pis pour eux, seule leur réputation aura à en souffrir.
É. DOMERGUE : Le choix va dépendre aussi de l’expression visuelle du contexte. J’aime bien l’absence des capitales et même de la majuscule dans des environnements très graphiques, avec du Futura par exemple.
De quoi parle-t-on ? De graphisme ou de composition ? De texte courant ou de titres ? D’ouvrages courants ou spécialisés ? De nos goûts respectifs ou de l’usage ?
Nul ne va donner de leçons posthumes aux peintres cubistes en leur rappelant les recommandations des codes typographiques… Les graphistes d’aujourd’hui peuvent faire ce qu’ils veulent avec les lettres, les chiffres et tous les signes qui leur tombent sous la main !
Mais, si l’on parle de composition typographique, hors de certains titres, on ne devrait rien composer en toutes capitales (si… quelques menus détails comme les chiffres romains des divisions principales, les vrais sigles, quelques abréviations, l’insistance assez lourde ou la traduction graphique de divers beuglements…). Dans le corps du texte, on ne compose pas les noms propres en toutes caps, pas même les patronymes pour les distinguer des prénoms !
S’agissant de la composition des patronymes, les petites caps (avec grande cap initiale…) sont recommandées dans les bibliographies (et dans quelques autres lieux…). Si elles sont souvent inutiles, voire ridicules (mais non fautives *) dans le corps du texte (dans cet emploi et dans les ouvrages « spécialisés »), elles sont d’une rare élégance et d’une belle efficacité dans les notes et les annexes.
* Pour m’expliquer un peu mieux… Dans une publication scientifique ou technique, s’il est absurde de composer en petites caps tous les patronymes, il n’est pas nécessairement idiot (dans certains cas) de composer ainsi des noms d’auteurs dont les ouvrages ou les travaux sont évoqués. Même remarque pour les citations.

À Typographie, le 28 mai 1998.
A. HURTIG : Il me semble qu’interlettrer plus fortement un groupe de mots tout en caps (par exemple : un titre, ou un nom en petites caps) est une habitude récente (d’origine américaine ?), et que cette pratique est plutôt néfaste, parce qu’elle blanchit trop la ligne et fausse (ou ralentit) la lecture.
Je parlais d’une compo tout en caps… et là l’interlettrage subtil n’est pas une pratique récente. Interlettré ou non, un seul mot en caps au sein d’une compo en bas de casse fout le boxon. D’où l’intérêt des petites capitales, qui en outre n’imposent pas nécessairement de jouer sur l’interlettrage.

À Typographie, les 31 janvier et 1er février 2002.
Ah si… il y a un cas où les petites caps peuvent légitimement représenter des majuscules… Très spécial, très rare, très littéraire… Bon, foin des coquetteries : il s’agit, dans la prose romanesque, de la reproduction « typographiquement fidèle » des télégrammes (ou, à la rigueur, d’inscriptions lapidaires un peu longuettes). Là, comme le tout cap est évidemment exclu, le souci « imitatif » autorise la composition des majuscules en petites caps…
T. BOUCHE : Moui, mais alors il s’agit de caps de petite taille et non de petites caps ; sinon ce serait parfaitement illégitime.
Illégitime pour les seules majuscules. Théoriquement, tu as raison. Seulement, voilà : les télégrammes ou les inscriptions lapidaires un peu longuettes sont le plus souvent composés de plusieurs mots, voire de plusieurs phrases… Or, au sein`du texte courant et pour nos yeux attachés à leurs petites habitudes, il est plus agréable de « lire » de vraies petites capitales que des grandes capitales atrocement réduites. Si les petites n’ont pas le même dessin que les grandes, ce n’est pas le fait du hasard ou d’une lubie ancestrale… (Il va sans dire que je parle ici des vraies petites capitales et non de leurs succédanés, sinon le débat n’aurait aucun sens…)
T. BOUCHE : En fait, tu nous fais le coup [des sigles en petites capitales] en l’admettant dans un cas similaire au prétexte que ce serait très littéraire & très spécial…
Pas exactement similaire… Tu oublies le « souci imitatif ». Où se situe-t-il dans le cas des sigles ?
Revenons à l’« illégitimité » et mesurons son poids… Dans le cas (très rare…) des télégrammes en petites caps, seules les majuscules (démarcatives et distinctives) sont « illégitimes »… Autrement dit, quasiment que dalle, un petit 5 % à vue de nez. Dans les sigles (très fréquents…) en petites caps, tous les caractères sont illégitimes, du 100 % garanti ! Et tu oses comparer !



Peuple Pays.

« Duclos disait, pour ne pas profaner le
nom de Romain, en parlant des Romains
modernes : Un Italien de Rome. »
Nicolas de C
HAMFORT,
Anecdotes et Caractères.

Les noms de races, d’ethnies, de peuples, d’habitants (ou de ressortissants) prennent la majuscule initiale : un Blanc, deux Noirs, trois Jaunes. Les Européens, les Africains. Un Arabe, deux Berbères. Un Allemand, deux Brésiliens, trois Chinoises, quatre Danois, une Russe. Quatre Méridionaux, trois Provençaux, un Tarnais. Un Parisien, deux New-Yorkais, une Castrothéodoricienne. Quelques Batignollais.
Ce privilège n’est accordé qu’aux humains et à leurs éventuels homologues extraterrestres : deux Terriens, quatre Martiens, mille Arcturiens.
Les autres espèces animales n’y ont pas droit : un européen tigré, deux siamois, un beau danois (femelle), cinq grands malinois.
La règle s’applique à certaines * désignations péjoratives, argotiques ou familières : un Rital, deux Boches, trois Amerloques. Les Rosbeefs ne sont pas frais, les Macaronis sont cuits. Parisien, tête de chien, Parigot, tête de veau.
* La différence entre xénophobie et racisme est parfois ténue. La règle énoncée ci-dessus étant admise par la quasi-totalité des auteurs (sans gêne apparente), il convient de lui donner une justification admissible, et, pour ce faire, de réintroduire ici une distinction entre gentilé et appartenance ethnique (distinction qui n’intervient pas dans les désignations normales).
Les exemples donnés ici qualifient des hommes ou des femmes originaires d’une nation, d’une province, d’une ville, c’est-à-dire d’un lieu, ce qui rend ces termes assimilables à des gentilés, des « gentilés xénophobes ». Pour certains d’entre eux, une part du mépris initial s’est peu à peu convertie en familiarité. Ce n’est bien sûr pas le cas des termes racistes [bicot, bougnoul, etc.] qui désignent un groupe ethnique ou supposé tel : à jamais immondes, ils n’ont pas à se parer d’une majuscule initiale. On me dira qu’avec ou sans majuscule ils n’ont pas à figurer dans un texte quelconque, que la minuscule n’est pas une garantie contre les pogroms et les ratonnades, et que ces précautions orthotypographiques sont dérisoires.
Certes. Mais à ce compte-là, toute l’orthotypographie est dérisoire. Et la grammaire. Même si leur formation et leur emploi sont moins malsains, les termes familiers revendiqués voire forgés au sein d’un groupe qui se définit en partie sur des critères raciaux ou supposés tels n’ont pas davantage à prendre la majuscule initiale : un beur, deux beurettes (mais trois jeunes Français d’origine arabe, ou, plus fréquemment depuis que la République a perdu la mémoire, trois jeunes Maghrébins nés en France), quatre blacks (mais cinq Noirs).

Pour Albigeois-albigeois, Juif-juif, Vaudois-vaudois, voir : Adepte, Religion.


Adjectif

Une femme blanche, un poète africain, le peuple allemand, la tradition boche, un Belge naturalisé français. Je suis Français, c’est un citoyen français. — D’où vient ce chocolat ? — Il est belge. — Et toi ? — Je suis Français.
On nous explique parfois que dans : « Je suis Français », l’attribut du sujet est un adjectif (ellipse : « Je suis [un citoyen, un ressortissant] français ») et qu’il convient par conséquent d’écrire [« Je suis français »] comme on écrit : « Je suis débile ».
C’est bien sûr inexact ; l’attribut est un substantif, comme dans : je suis marin, elle est boulangère, etc.
Dumont 1915, Hanse 1987.


Accord en nombre

« Ces réflexions sont particulièrement appropriées au cas des Mbaya-Guaicuru dont, avec les Toba et les Pilaga du Paraguay, les Caduveo du Brésil sont aujourd’hui les derniers représentants. » – Claude LÉVI-STRAUSS, Tristes Tropiques.


Mots composés

Les Sud-Américains, les Canadiens français.
(Selon Maurice Grevisse, si nous sommes des francophones, les Anglo-Saxons ne peuvent être que des anglo-saxophones.)



Formes particulières

Les ministres des Affaires étrangères et de l’Éducation nationale recommandent Émirien(s), Émirienne(s) pour désigner les habitants des Émirats arabes unis.
Dérivation ingénieuse. Si la République arabe unie fait une nouvelle apparition, ses ressortissants seront-ils appelés Républicain(s), Républicaine(s) ?


Langues

Il lit le russe,
Impr. nat. 1990.


« Étazuniens »

À F.L.L.F., les 2 et 3 juin 2000.
D. LIÉGEOIS : Eh bien, il n’y a pas de quoi être fier. Comment le Petit Larousse justifie-t-il l’escamotage du « t »  [dans « étasunien »] ?
Le Petit Larousse n’a pas à justifier un escamotage qu’il n’effectue pas… Il donne « états-unien », sans variante. C’est le Petit Robert qui privilégie l’entrée « étasunien », avec la variante « états-unien » et une très belle référence à l’ancienne forme « étazunien », qui ne manquait ni d’attrait ni de mérite…
D. LIÉGEOIS : Je n’arrive pas à le croire. Mon Robert à moi (1994) lemmatise « états-unien » et donne : « Rare (parfois par plais.). Des États-Unis (l’adjectif usuel américain — ou américain du Nord, nord-américain — n’étant pas aussi précis). — Américain. — REM. On écrit aussi états unien, sans trait d’union. »
Votre Robert n’est pas un Petit Robert… Dix ans plus tôt, l’entrée privilégiée était déjà « étasunien » (choix contestable, je suis d’accord), avec l’excellente variante « états-unien ». Quant à l’ineptissime graphie « états unien », si elle figure encore dans les premiers Petit Robert (l’héritage est encore pesant) sous la forme « états[-]unien », elle est heureusement éliminée depuis longtemps.
SCHTROUMPFIX : L’ennui, c’est que s’il y a plusieurs pays en Amérique, il y a aussi plusieurs pays qui sont des « États-Unis » : le Brésil, la Malaisie, …
Quand un pays n’a pas de véritable nom, il ne faut pas s’attendre à des dérivations miraculeuses. (En français, les Soviétiques ne s’en étaient pas trop mal sortis.) Un joli nom n’est hélas pas une garantie : comment appelez-vous les habitants de l’État de la Cité du Vatican ?
D. LIÉGEOIS : Si je comprends bien, ce sinistre solécisme fait son entrée triomphale dans la langue française en 1989 et entre aussi sec dans le dictionnaire.
Mais non… il est « entré » (timidement) dans notre langue bien avant 1989. Prenez par exemple la citation de la Croix dans le Petit Robert : 1965… Quant à « étazunien », la même source vous renvoie à 1955 !
D. LIÉGEOIS : [Il entre] par la grande porte, sans commentaire, et en sort l’année suivante par la petite.
Il n’en est pas « sorti ». Il a changé de graphie.
D. LIÉGEOIS : Admirez la « réactivité ». J’en ferais un argument de vente : « Le dictionnaire qui ne craint pas d’encenser cette année des mots qu’il balancera l’année prochaine. »
Pourquoi pas ? Un dictionnaire de la langue — et singulièrement un dictionnaire d’usage courant — n’est pas qu’un répertoire académique, un club de mots assis. C’est avant tout un outil répondant à des attentes très diverses. Fournir la signification de termes que le lecteur a des chances de rencontrer dans des textes pas nécessairement spécialisés est une mission honorable, utile, indispensable.
Que certains de ces termes aient une durée de vie brève ou longue, que certains soient des horreurs ou des bouffonneries est une autre affaire. Le cas d’« étasunien, états-unien » est néanmoins particulier : il ne pose pas de véritable problème de compréhension… et pourtant, c’est un des très rares gentilés à mériter une entrée dans le Petit Robert. C’est compréhensible.


« Sydneysiders »

À F.L.L.F., le 22 août 2000.
M. GEVERS : Mais pour les habitants de Sydney, en effet, il n’y a pas de terme bien défini.
On a Belleysans ou Veveysans, pourquoi pas Sydneysans ?… Ou « Montpelliérains orientaux »… car je viens d’apprendre (chez le miraculeux Pierre L.) que jadis Sydney mérita le surnom de « Montpellier de l’Orient » ! Ben mon colon…
M. GEVERS : Cela fait un peu trop japonais ! (San veut dire Monsieur, je crois).
Chacun sait que le parmesan est une spécialité japonaise !
M. GEVERS : Personnellement je n’ai jamais vu cette expression utilisée dans la presse, alors je ne m’y fie pas trop…
Ne vous y fiez pas du tout ! Ce n’était qu’une proposition « analogique »… mais… doit-on comprendre que vous vous fiez surtout à ce que vous avez vu dans la presse ?…
M. GEVERS : Je crois qu’il vaudrait mieux dire « les Sydneyens » (qui peut aussi se mettre facilement au féminin).
Oui, pourquoi pas ? C’est bien aussi.
Remarquez, Sydneysane, comme Veveysane, est également d’une formation facile…
M. GEVERS : Je crois que Sydney est bien plus beau (plus belle ?) que Montpellier… !
« La modestie en plus ! » Selon P. L., c’est son climat et la fécondité de son sol qui ont valu à cette vilaine bourgade une comparaison si flatteuse…
C. LEDENT : Je viens de lire un article sur Sydney publié dans le Figaro Magazine de samedi dernier, les habitants y sont qualifiés de « sydneysiders ».
Sidérant ! À placer d’urgence dans le top ten du mois ! Un must de quartier de no bless, parole d’évangile, Good « news magazine »… N’en changez pas !


« Eskimos »

À F.L.L.F., le 12 août 2001.
Dr PHONENSTEIN : « Les Inuits » (pas les Eskimos, c’est une insulte et cela veut dire bouffeur de viande crue).
Pas si simple. En français, « Esquimau » n’est pas péjoratif.
Voici des extraits de messages échangés en 1997 :
Si l’on étudie la question sur l’ensemble de la région circumpolaire, on se rend vite compte qu’il est impossible de remplacer partout Esquimau par Inuit. Esquimau est un mot français non péjoratif qui désigne plusieurs groupes ethniques dont certains revendiquent le nom d’Inuit, pluriel d’Inuk (« être humain »). Si je voulais pinailler, je vous demanderais si vous ne trouvez pas que ce terme (« êtres humains ») n’est pas un peu péjoratif pour ceux qui ne sont pas Inuits… (Je sais bien que jadis certains de ces groupes, isolés du reste des hommes par l’effroyable dureté de leur habitat, se considéraient comme les « seuls » humains. Mais aujourd’hui, même pour respecter la tradition, est-ce bien raisonnable de s’appeler ainsi ?…)
[…] Pendant plusieurs mois, j’ai travaillé avec Jean Malaurie (spécialiste de l’Arctique, auteur des Derniers Rois de Thulé, d’Ultima Thulé et fondateur de la collection Terre humaine) […], qui n’est pas suspect de mépris pour les peuples hyperboréens (personnellement, je pense même qu’il en rajoute un peu…). […] J’ai cru comprendre qu’un certain type de « respect » ethnotruc pour les Esquimaux (terme qu’il n’hésite pas à employer) redevenus Inuits (terme qu’il emploie également) est un moyen assez sûr de les maintenir en état de dépendance.
Les Canadiens sont des experts en la matière ; les Scandinaves *, les Russes et les Américains ne sont pas mal non plus… Appelons-les comme ils le souhaitent et réservons-leur l’avenir que nous souhaitons.
* Même si le cas du Groenland semble a priori d’une nature différente.
C’est un simple marché de dupes. Nous n’avons pas à le cautionner en condamnant définitivement Esquimau. Inuit s’impose peu à peu dans notre langue, même hors de l’usage spécialisé. C’est bien… mais il ne remplace pas Esquimau, car tous les Esquimaux ne se prétendent pas Inuits… C’est bien joli de suivre nos amis canadiens dans leur zèle, mais il ne faudrait pas qu’ils nous entraînent à dire n’importe quoi…
Bref, avant d’adopter l’« Inuit à tout faire », faudrait peut-être songer aux autres Esquimaux, qui ne sont pas moins respectables… (Il est vrai qu’aujourd’hui les Inuits ont réussi à imposer leur nom à la quasi-totalité des Esquimaux… Le paninuitisme est en marche.)
Cela dit, eskimo veut dire « mangeur de viande crue », un terme montagnais que les Inuits (qui veut dire « les hommes ») n’ont jamais accepté car les Montagnais les appelaient ainsi par mépris profond.
Pas si sûr… Voici un extrait de l’Universalis :
« Depuis les années 1970, certains groupes rejettent l’appellation Eskimo, qu’ils estiment péjorative. Au Canada, ils préfèrent se désigner eux-mêmes par le terme Inuit (singulier Inuk) et au Groenland par le terme Kalaallit (singulier Kalaaleq). En Alaska, l’appellation Eskimo est toujours utilisée, avec la distinction géographique et culturelle Inupiat (pour les communautés du Nord) et Yuit (pour celles de l’Ouest et du Sud-Ouest). Les Eskimo sibériens adoptent aussi, de nos jours, le terme Yuit pour se désigner.
« Il fut longtemps admis que le terme “Esquimau”, connu depuis le début du
XVIIe siècle par les Français établis en Nouvelle-France, aurait été attribué à ces populations du Grand Nord canadien (qui elles-mêmes se désignaient simplement du nom d’Inuit, c’est-à-dire les “êtres humains”) par leurs voisins, leurs ennemis héréditaires, les Indiens algonquins — ce mot d’“esquimau” signifiant dans leur dialecte “mangeurs de [viande] crue”. Une recherche de scientifiques québécois conduit à envisager une autre origine et une signification différente du terme. Il dériverait, selon eux, plutôt de Ayassimew, de la langue des Indiens montagnais, ou de Esgimow, des Indiens micmac, les deux mots signifiant “ceux qui parlent la langue d’une terre étrangère” et désignant tantôt les Inuit, tantôt d’autres Indiens dont le langage leur était inintelligible. »
Fin de citation […].
Quoi qu’il en soit de l’étymologie, il reste que tous les Esquimaux ne sont pas des Inuits… Hormis les spécialistes, personne ne va attribuer à chaque groupe son véritable nom… Un terme générique comme Esquimaux *, qui en français n’a rien de péjoratif, n’est donc pas inutile. […]
* Ou Hyperboréens…
Poussés par des ethnolâtres aux intentions diverses, les Lapons (du suédois lapp) sont en train de nous faire le même coup et veulent se faire appeler Sámi dans toutes les langues de la planète bleue, en attendant mieux…
L’affaire lapone est étrange. Tout le monde sait que, même dans les cas où l’ethnique français n’est pas péjoratif, le recours à la forme originelle est une marque de mépris : « un Anglais » est préférable à « un English ». Renvoyer l’autre à sa langue (lui refuser le terme français adéquat…), c’est la marque des xénophobes. (Ce n’était pas, jusqu’alors, une pratique française. Elle nous vient d’une autre tradition : celle des ghettos, des réserves et de la ségrégation raciale.) Dans ce débat, je crois que l’on a un peu trop tendance, comme souvent, à inverser facilement les rôles.
Certes, X ne fait que reprendre et défendre une revendication des Lapons. Je dis « des Lapons », mais j’ignore si elle s’appuie sur le sentiment d’un peuple ou sur celui de quelques esprits éclairés (j’entends la revendication visant à épurer toutes les langues du monde…). Ce que je sais, comme Z, c’est qu’elle ne nous concerne pas. Ce que je crois, c’est qu’elle est médiocrement inspirée.
D’autres peuples ont une attitude plus saine. Les Berbères, par exemple, ne veulent pas renoncer à ce nom qu’en français ils portent avec courage et fierté. Selon les critères défendus par X, il est pourtant bien pire que « Lapon » ou « Esquimau » : non seulement il leur a été donné par les Arabes, qui l’avaient piqué aux Romains, qui l’avaient piqué aux Grecs, mais sa signification est horriblement méprisante, indistincte, xénophobe (non par déduction ou supposition, mais d’une manière avérée, attestée…). Et pourtant, ce nom est porté, revendiqué, il est même devenu un symbole de liberté, d’ouverture d’esprit, de résistance à l’obscurantisme.
[…] La volonté d’imposer son nom sous une forme quasi unique et estampillée pure à l’ensemble des peuples de la planète me semble une entreprise diablement inquiétante, pour ne pas dire plus. Je souhaite vivement que l’ensemble des peuples francophones résiste le plus longtemps possible à ce genre d’appel. Francophones, nous reconnaissons aux autres peuples le droit de nous nommer comme ils l’entendent. Nous n’avons ni la prétention ni l’arrogance de dicter aux autres ce qu’ils doivent dire et écrire, même lorsqu’il s’agit de nous nommer.
Nous n’espérons plus que cette liberté de pensée et de parole soit partagée par tous, mais nous tenons modestement à la préserver.


Place Voie et espace public


Planète Astre


Planche Figure.

Numérotation en chiffres romains grandes capitales.
Abréviation : pl. (planche, planches).
•• Le mot planche ne s’abrège que dans les notes, les annexes, etc. Dans le texte courant, il ne s’abrège que dans les références situées entre parenthèses.
Lefevre 1883.


Pléonasme

Les pires d’entre eux sont les clichés pléonastiques. [Car en effet] certains scripteurs les [préfèrent volontiers], [mais pourtant] nul n’en a le [monopole exclusif] : Prévoyant d’avance une secousse sismique, il a opposé son veto à la poursuite des travaux actuellement en cours dans les dunes de sable.


Pluriel des mots étrangers

« ÉCORCE. — Zim… Boum…
Trémolos à l’orchestre.
C
ARTHAGÈNE. — On dit
“Tremoli”, mossieu. »
Max J
ACOB, Saint Matorel.

 « Un gigolo, des gigoli ;
un spaghetto, des spaghetti »
(généralement attribué à Alphonse Allais)

À France-Langue, le 25 février 1997.
RF3FINN : Je suis étudiant de français à l’université de Swansea et je cherche des informations sur un aspect spécifique de la langue française : la pluralisation de mots étrangers dans la langue française, en particulier, la série de changements d’orthographe proposée par le Conseil supérieur de la langue française en 1990-1991. Par exemple : la décision d’écrire « lieds » plutôt que « lieder », comme le pluriel de « lied », en français.
Il n’y a pas de « décision » mais des « recommandations de graphies » (aux lexicographes), fondées sur une série d’« analyses » et de « règles » (dont certaines sont très discutables, ce qui n’est heureusement pas le cas de celles qui concernent le pluriel des mots empruntés).
Extraits du rapport (texte intégral dans le no 100 du Journal officiel du 6 décembre 1990) :
« Analyses. 6.1. Singulier et plu
riel : On renforcera l’intégration des mots empruntés en leur appliquant les règles du pluriel du français, ce qui implique dans certains cas la fixation d’une forme au singulier.
« Règles. 7. Singulier et pluriel des mots empruntés : les noms ou adjectifs d’origine étrangère ont un singulier et un pluriel réguliers : un zakouski, des zakouskis ; un ravioli, des raviolis ; un graffiti, des graffitis ; un lazzi, des lazzis ; un confetti, des confettis ; un scénario, des scénarios ; un jazzman, des jazzmans, etc. On choisit comme forme du singulier la forme la plus fréquente, même s’il s’agit d’un pluriel dans l’autre langue. Ces mots forment régulièrement leur pluriel avec un “s” non prononcé (exemples : des matchs, des lands, des lieds, des solos, des apparatchiks). Il en est de même pour les noms d’origine latine (exemples : des maximums, des médias). Cette proposition ne s’applique pas aux mots ayant conservé valeur de citation (exemple : des mea culpa). Cependant, comme il est normal en français, les mots terminés par s, x et z restent invariables (exemples : un boss, des boss ; un kibboutz, des kibboutz ; un box, des box). »
Fin de citation.
Tout cela est bien joli mais ne règle pas tout… (ces règles ne sont, par exemple, pas applicables aux noms de monnaies : un leu, des lei…). Bien des problèmes subsistent (le Conseil en élimine beaucoup par la soudure systématique des mots composés, mais sur ce terrain il est loin d’avoir obtenu un assentiment général, c’est le moins que l’on puisse dire…). Il convient toutefois de remarquer que les recommandations concernant le pluriel des mots empruntés sont certainement celles qui ont engendré les protestations les moins vives.
Je vous suggère la lecture de la Réforme de l’orthographe au banc d’essai du Robert, Josette Rey-Debove et Béatrice Le Beau-Bensa, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1991, et de Trait d’union, anomalies et cætera, Syndicat des correcteurs et des professions connexes de la correction, éditions Climats, Castelnau-le-Lez, 1991.

À Typographie, le 30 octobre 2000.
T. BOUCHE : Zut, je m’avais gouré cause l’analogie avec un spaghetto, des spaghetti !
T’en fais pas… « Un(e) Targui(e), des Touareg, un chamelier targui, des chameliers touareg, une tente targuie, des tentes touareg » sont réservés aux pédants ethnoscientistes (le summum de l’accord franco-targo-alternatif étant atteint avec « la langue targuie » qui s’appelle le touareg…) ; les gens raisonnables écrivent en français et en toute simplicité « un(e) Touareg, des Touaregs, le touareg, un chamelier touareg, des chameliers touaregs, une tente touareg, des tentes touaregs »… Hors des cercles ethno-obscurantistes, l’accord en nombre avec la marque française du pluriel est chaudement recommandé. Tu peux même oser, à tes risques et périls (mais je te soutiendrai !), l’accord en genre avec « une Touarègue, une tente touarègue ».
Sinon, pour les ethnopuristes modérément atteints, l’invariabilité (en genre et en nombre) de « Touareg, touareg » est bien entendu admissible.
P. PICHAUREAU : Si on veut être ultraethnoscientiste, on ne devrait pas dire une targui ? Puisque le mot targui est transcrit d’une langue étrangère…
C’est ce que j’entendais par l’accord « franco-targo-alternatif »… Ici, nous avons une belle illustration des méfaits combinés de l’ethnoscientisme et de la linguistique sexiste, deux des plaies du siècle…
Le premier récuse la francisation, au nom du respect sacré de la pureté originelle ; la seconde impose la féminisation systématique et donc la marque du féminin. Tel le fruit de la négociation de deux intégrismes, « targuie » est une forme qui récuse la francisation… tout en admettant la marque française du féminin. C’est chouette, la science, surtout quand elle est humaine…

À F.L.L.F., le 20 novembre 2000.
R. BUTHIGIEG : Or, le gars du bureau d’en face me dit : « Lorsqu’un nom est importé d’une langue, comme scénario, la grammaire (pluriel/accord/ singulier) se fait en français, et donc on dit “scénarios”, et ceux qui disent “scenarii”, c’est des andouilles. »
Il est très bien le gars du bureau d’en face (Jules de chez Smith ?). Suivez son excellent conseil.

À Langue-Fr., le 25 mai 2001.
P. SCOTT HORNE : Sans « s » parce que c’est pluriel. (« Talib » au singulier, « talibân » au pluriel.)
En français : un taliban, des talibans.

À F.L.L.F., le 24 avril 2001.
B. B
ONNEJEAN : Un box, des boxes.
Un box, des box… La boxe, les boxes… Un juke-box, des juke-box… Un fox, des fox… Un match, des matchs… Un boss, des boss…
Si vous respectez les « pluriels étrangers », composez les mots en italique, même au singulier… car cela signifie que vous ne les tenez pas pour francisés, intégrés, digérés…
I. DEPAPE HAMEY : Je continuerai à écrire « boxes »…
Inflexible, vous envoyez des faxes ?
I. DEPAPE HAMEY : … envers et contre toutes les « autorités » et tous ceux qui s’y plient…
Des boxes française et thaïlandaise, quelle est celle qui exige le plus de souplesse ?
I. DEPAPE HAMEY : Vous savez, moi, à part le foot et, dans une moindre mesure, le rugby…
Je vois… les penalties (ou, mieux : penaltys… ou, encore mieux, quoique « incorrect » à ce jour : pénaltys) et, dans une moindre mesure, les pénalités… C’est décidément un autre monde…
Mais revenons à vos « box, boxes »… Loin de moi la volonté d’entraver votre liberté d’expression graphique… d’autant qu’elle est cautionnée par… devinez qui ?… la French Académie herself… dans la dernière édition de son dictionnaire humoristique. (Elle est très étourdie… Elle soutient certaines pitreries nonantensteiniennes, mais, sur un des rares points indiscutables, elle oublie de modifier ses exemples… La vieillesse est un naufrage…)
L’ennui, c’est qu’aujourd’hui les ouvrages de référence sérieux (Larousse, Robert) ne retiennent pas cette graphie exotique. Cela suffit à la rendre incorrecte dans un texte rédigé en français, fautive (sauf en italique), condamnable, à fuir… à corriger systématiquement, ce que fera tout réviseur ou correcteur digne de ce nom auquel vos textes seront soumis.
B. BONNEJEAN : Alors ? !
Alors… nous ne sommes plus en 1975… depuis un quart de siècle. Ni même en 1985, année où le Petit Robert donnait encore le pluriel « boxes ». En 1993, il ne donnera plus que « des box ». Évolution comparable, imparable et saine chez Larousse


Pluriel des noms propres Nom propre


Poème

Titre, voir : Titre d’œuvre.
Composition des vers, voir : Vers.


Point Ponctuation.

Point typographique, voir : Mesure typographique.