Règles typographiques : d’Échelle à Extrait

Échelle Fraction.

Au sein d’un texte, l’échelle des cartes se compose :
•/•• soit en chiffres arabes : cette carte au 1/250 000 ne nous fournit aucune information utile ;
•• soit, plus rarement, en toutes lettres : j’ai retrouvé une vieille carte au vingt millième.
Impr. nat. 1990 (toujours en chiffres arabes).


École

L’École centrale des arts et manufactures, Centrale ; l’école Estienne, Estienne ; l’École nationale supérieure des arts décoratifs, les Arts décoratifs, l’ÉNSAD ; l’École normale supérieure, Normale sup, Normale ; l’École polytechnique, Polytechnique ; l’École pratique des hautes études, les Hautes Études ; l’École spéciale militaire ; l’École supérieure de guerre ; le Prytanée militaire (de La Flèche).


école ? École ?

À France-Langue, le 22 juillet 1998.
J.-L. DION : À votre avis, n’y a-t-il pas une différence importante de sens entre les deux termes des groupes suivants : École polytechnique, École Polytechnique ? Bibliothèque nationale, Bibliothèque Nationale ? Comédie française, Comédie Française ? Comme moi, vous devriez convenir facilement que les deux termes d’une paire ont des interprétations différentes.
Non… je n’en conviens pas… car j’ignore si la cap initiale du premier terme du premier élément de chaque paire est démarcative ou distinctive… ou les deux (ce qui est très probable)… Si elle se veut distinctive, aucune « interprétation » ne peut différencier École polytechnique et École Polytechnique… car, ici * (dans vos exemples), le statut de dénomination propre n’est pas indiqué par l’inutile cap initiale de l’adjectif postposé mais par celle du substantif. Il n’y a qu’une divergence de conception orthotypographique, et sur ce terrain je crois que la capitalisation outrancière, ou majusculite, est une pratique assez funeste.
* J’insiste sur ce point… car dans d’autres cas ce serait bien sûr inexact… En revanche, je crois, avec beaucoup d’autres, qu’il y a une différence énorme entre une école polytechnique et l’École polytechnique ou Polytechnique, entre une bibliothèque nationale et la Bibliothèque nationale, entre une comédie française et la Comédie-Française (cas très particulier), etc.
J.-L. DION : Ministère des ressources naturelles du Québec : MrnQ ? Ministère des Ressources Naturelles du Québec : MRNQ ? Université des sciences et techniques du Languedoc : UstL ? Université des Sciences et Techniques du Languedoc : USTL ?
Si je vous suis bien, vous pensez qu’il est indispensable que les capitales des sigles (et éventuellement des acronymes) correspondent à celles de la dénomination (ou de l’expression) développée ?… Alors, attention ! vous risquez de vous retrouver avec, par exemple, des prépositions capitalisées…
A.N.P.E. : Agence Nationale Pour l’Emploi ?… (« Agence nationale pour l’emploi » est largement suffisant…)
J.-L. DION : Pour ma part, les premiers sont indéfinis et désignent des institutions quelconques : il s’agit de noms communs. Ce fait est marqué par la minuscule du deuxième mot.
Non (en l’occurrence)… du premier… Pourquoi diable voulez-vous accorder une capitale à un nom commun ?…
J.-L. DION : Par contre, à mon sens, la majuscule du deuxième indique clairement qu’il s’agit d’institutions particulières bien définies : les deux mots de chaque terme constituent des noms propres.
Non… Dans les cas que vous citez, l’ensemble des termes constitue une dénomination propre et non une addition de noms propres […].
J.-L. DION : C’est tout simplement une simplification logique.
Non… Ce n’est pas une simplification logique… C’est une généralisation abusive… En effet, il est impossible de régler cette affaire en se contentant de parler de noms propres. Une « règle » unique et prétendument simplifiée ne peut s’appliquer aux noms de personnes, de collectivités, d’institutions, d’œuvres, de lieux, d’événements…
J.-L. Dion : Pourquoi s’embarrasser d’un tas d’exceptions et se compliquer la vie inutilement ?
Appliquez systématiquement votre règle… et vous verrez les exceptions pousser comme mauvaise herbe…
J.-L. DION : N’y a-t-il pas des choses plus importantes, à commencer par l’orthographe et la syntaxe en général !
Bien sûr… la syntaxe est plus importante que l’orthotypographie ! Et alors ? Dans la vie, il y a aussi des « choses » mille fois plus importantes que la syntaxe… Est-ce une raison suffisante pour mépriser ou piétiner celle-ci ? L’irruption du tragique rend dérisoire l’accord en genre et en nombre, c’est certain, mais à ce compte-là, fermons le ban… ou parlons d’autre chose…

À Typographie, le 6 novembre 2001.
J. TOMBEUR : Un trait d’union ? Mais pourquoi donc ?
Parce que c’est comme ça et que cela ne se discute pas ! […] Parce qu’il s’agit d’un établissement et non d’un être humain, et que la nuance n’est pas mince.
« Allez-vous au collège, Jules Renard ? »
« Allez-vous au collège Jules-Renard ? »
« Tu t’es farci Henri-IV ? — Non, Henri III. »
« Tu t’es farci Henri-IV ? — Non, Saint-Louis. »


Église Monument, Saint.

« L’Église ? Je dirai là toute ma pensée ; exactement
toute. L’appel au respect de la tradition ne va pas
sans danger. Car enfin les bûchers de Jean Hus et
de Savonarole appartiennent à la tradition ; ceux
des juifs aussi. »
Henri G
UILLEMIN, l’Affaire Jésus.

1. ••• Majuscule initiale (accentuée…) quand Église désigne soit l’assemblée (grec : ekklêsia) de ceux qui ont foi en Jésus-Christ, soit les fidèles et les prêtres d’une confession chrétienne, considérés dans leur ensemble ou au sein d’un groupe local, soit l’institution qui les représente (ceci que les dénominations soient exactes, tronquées, approximatives, voire erronées) : l’Église catholique, la sainte Église, les États de l’Église, l’Église de France, les Églises protestantes, l’Église anglicane, un homme d’Église, Marcel a trahi son Église.
Remarque. — Traditionnellement, l’emploi absolu (« l’Église ») est réservé à l’Église catholique, apostolique et romaine, qui, il est vrai, se veut « universelle » (grec : katholikos). Dans un contexte précis, il est cependant légitime et œcuménique d’accorder cette facilité à toutes les Églises, même si, dans bien des cas, renoncer à l’absolu sera salutaire à la clarté. Sans information complémentaire, une formule telle que « les rapports du Kremlin et de l’Église passionnent modérément ce pope » est très ambiguë.


2. ••• Minuscule initiale quand ce terme désigne un lieu de culte chrétien, un édifice : une église gothique, une église désaffectée, l’église Saint-Antoine-de-Padoue, l’église Notre-Dame de Lourdes (Lourdes), l’église Notre-Dame-de-Lourdes (Paris), Robert ne va plus à l’église.
Tout le monde…
Personne…
Remarque. — L’église (édifice) prend une majuscule initiale lorsqu’une autre règle l’impose : il habite rue de l’Église ; elle habite une des rues qui mènent à l’église.


3. •• La quasi-totalité des occurrences d’Église sont ainsi réglées. Les choses sont simples… Pourtant, elles vont se gâter sur la fin. L’unanimité ne fleurit jamais longtemps sur les terres orthotypographiques. Par la grâce d’une extension de sens, église peut désigner ou qualifier une école de pensée, un clan, un cénacle, voire un groupe humain quelconque, pourvu qu’il ait l’esprit de chapelle, qu’il soit un peu fermé, ou intolérant, ou idolâtre, ou tout cela à la fois : l’église lacanienne, l’église surréaliste.
Gouriou 1990, Guéry 1996, Impr. nat. 1990, Robert 1993 préconisent la minuscule.
Académie 1994, Doppagne 1991, Hachette 1995, Larousse 1933, 1960, Littré 1872, Robert 1985, Thomas 1971 préconisent la majuscule.

La majuscule est a priori le bon choix, car l’extension de sens est bien plus proche d’assemblée ou de communauté que d’édifice.
En revanche, elle introduit d’inutiles incohérences : l’Église lacanienne, mais la chapelle lacanienne, l’école lacanienne. Elle peut aussi faire accroire à quelques lecteurs, certes un peu niais, qu’ils ont affaire à une dénomination propre, revendiquée par le groupe concerné.
Pis, si l’on admet l’Église lacanienne, on risque de favoriser à terme la prolifération de tous les emplois abusifs au sens premier (religions non chrétiennes : [L’Église bouddhique], voir : § 4).
Pour ces motifs, si je m’abstiens de condamner trop vite la majuscule, je suis partisan de la minuscule dans toutes les occurrences où le mot église — attribué péjorativement à un groupe humain ne revendiquant pas cette appellation — pourrait être remplacé par chapelle sans altération considérable du sens : l’église hugolienne ; Arlette L. et Alain K. ne sont pas de la même église (mais : Karol W. et Martin L. n’appartiennent pas à la même Église).
Quand l’éventuel remplacement d’église par chapelle ne manquerait pas d’engendrer une contradiction désastreuse — le Kremlin fut le Vatican de l’Église communiste —, on a souvent affaire à une figure lourdement filée ou à une simple comparaison (l’extension est faible, le sens propre est dominant). La majuscule est alors judicieuse. Un amateur de lieux communs pourra donc écrire : « Breton fut le pape de l’Église surréaliste. »


4. Pour les religions non chrétiennes, l’emploi du terme Église est abusif et donc déconseillé : [l’Église shintoïste]. Corollaire : l’expression « Églises chrétiennes » est diablement pléonastique. Toutefois, si un mouvement non chrétien revendique lui-même ce titre, il faut hélas respecter son choix fallacieux : l’Église de Scientologie, l’Église druidique des Gaules. Bien qu’illicites, des guillemets ne seraient pas immérités… Encore moins licite, la minuscule serait parfaite. ( L’Église positiviste est un cas historique très particulier. Respectons ici la tradition et la sénilité d’Auguste Comte.)


Élision Apostrophe


Empattement Classification typographique, Lisibilité.



Empire

L’Empire ottoman, l’Empire romain, l’Empire séleucide, l’empire d’Autriche. L’empire du Milieu, l’empire du Soleil-Levant.
Larousse 1999 : {empire du Soleil levant} (article « Soleil »), pays du Soleil-Levant (article « Japon »).


Enseigne

Si l’enseigne est reproduite intégralement, l’italique s’impose.
Si l’enseigne inclut un terme générique (auberge, café, hôtel, magasin, etc.), le romain s’impose : l’hôtel d’Angleterre, le café du Commerce. Mais : auberge Au Cheval-Blanc.
Les Auberges de la Jeunesse.


Entrelarder, larder

Introduire dans la composition des signes de divers caractères, de divers corps, graisses, styles, etc. :




Énumération Alinéa, Parenthèse, Tiret, Titre intérieur.

À Typographie, le 25 janvier 1998.
F. DELY : L’important, avant tout, c’est que le message et sa structure ressortent et perdurent.
Oui... si cette formule concerne des diapos ou des affiches bavardes.
1. Les plus belles structures ne sont pas exhibitionnistes…
2. Le lourd soulignement des articulations est une marque des discours insignifiants…
3. Sauf exception…
4. Mais, certes, ça dépend de quoi l’on parle…
5. Néanmoins, ce qui est frappant, c’est que les textes les plus ostensiblement structurés sont souvent, au bout du compte, les plus rudimentaires et même… les moins construits…
6. N’en déplaise à M. Richaudeau…
7. :-).

À Typographie, le 2 septembre 1998.
Y. GOUISSET : J’ai un problème avec les alinéas. Exemple :
« Les causes de ces dysfonctionnements sont principalement :
— implication mitigée de certains partenaires ;
— fragilité dans la continuité de la chaîne de décision ;
— préparation insuffisante des dossiers. »
Je crois savoir que la règle est de terminer les alinéas par des points-virgule et c’est ce que je fais.
Attention ! Vous parlez d’une règle… mais il existe plusieurs possibilités (à choisir en fonction de la structure de la phrase, de la nature de l’énumération et de sa place dans le flux du texte)…
La ponctuation — et les caps… — dépend du signe qui introduit chaque élément de l’énumération… Ils se répartissent en deux catégories…
Les signes « avec point » :
A. B.
I. II.1. 2.
Les signes « sans point » :
1o 2o
a) b)— (tiret… formule la plus fréquente).
Avec les premiers, on a une majuscule initiale au premier mot et un point final pour chaque élément de l’énumération. Avec les seconds, on a une minuscule initiale au premier mot et un point-virgule pour chaque élément de l’énumération (sauf le dernier, qui, dans les cas où l’énumération clôt la phrase, est un point final).
Selon les règles classiques… car certains (d’ailleurs estimables…) vous diront que dans le premier cas on a le choix entre le point et le point-virgule, dans le second entre le point-virgule et la virgule. Pour d’autres encore, le tiret appartient aux deux catégories et, de ce fait, est d’une magnifique souplesse d’emploi. À mon sens, ils ont tort (« certains »… comme les « autres »), car ils se privent de délicieuses subtilités (par exemple, les énumérations de second niveau, où les virgules entrent en jeu avec finesse)…

À Typographie, du 24 au 26 novembre 1998.
T. BOUCHE : Comment composez-vous un dialogue qui contient une liste (sans bien sûr perdre de vue les listes de tels dialogues, sachant que chaque niveau comprendra évidemment des incises) :
— Je t’aime.
— Moi non plus.
— Pourquoi ?
— T’es pas beau,
— t’es pas jojo,
— t’encombres ma liste.
— Quelle liste ?
— Toutes les listes :
— la liste typo,
— ma liste de courses,
— et j’en passe.
— Qu’est-ce que tu passes ?

• Version tradi •

La discussion fut animée. On s’étripa joyeusement pour des listes :
« Je t’aime, dit le quadra teint.
— Moi non plus, dit Aline.
— Pourquoi ?
— T’es pas beau, t’es pas jojo, t’encombres ma liste !
— Quelle liste ?
— Toutes les listes : la liste typo, la liste ériose, sa liste hoirs, ma liste of courses — et j’en passe !
— Qu’est-ce que tu passes ? »
Aline Néat resta sans voix. Il ne restait plus qu’à trouver un éditeur et c’était pas gagné d’avance… mais elle avait bon espoir : on avait déjà lu pire.

• Version high-tech •

La discussion fut animée. On s’étripa joyeusement pour des listes :
« Je t’aime, dit le quadra teint.
— Moi non plus, dit Aline.
— Pourquoi ?
— C’est simple :
a) t’es pas beau ;
b) t’es pas jojo ;
c) t’encombres ma liste !
— Quelle liste ?
— Toutes les listes :
1o ou firsto, la liste typo ;
2o ou deuzio, la liste ériose ;
3o ou troizio, sa liste hoirs ;
4o ou goitro, ma liste of courses ;
— et j’en passe !
— Qu’est-ce que tu passes ?
— Ta gueule… tu me fatigues. »
T. BOUCHE : Un autre différend sur la composition des listes. Pour moi, ça se compose comme ceci :

Mais pour d’autres comme cela :

[…] Des avis ?
A. HURTIG : Je ne comprends pas pourquoi Thierry ne compose pas sa liste (en tout cas les items principaux) sans retrait :
C’était une drôle d’époque :
— pendant l’horreur d’une profonde nuit ;
— en plus il neigeait ;
— et pour ne rien arranger, l’aigle baissait la tête.
On comprendra notre stupéfaction, etc.
Ça paraît le plus logique, puisque le retour-chariot n’indique pas une fin d’alinéa.
Mais… parce que c’est atroce ! hideux ! épouvantable ! En outre, contrairement à ce que tu dis, c’est beaucoup moins clair… Tu vas voir pourquoi…
Imagine, par exemple, que la dernière ligne avant l’énumération commence par un tiret d’incise (ce sont des choses qui peuvent arriver…) :

C’est du propre… Tu ne crains pas que, pour le coup, le lecteur « n’y voie plus rien et confonde tout ».
A. HURTIG : Je suis en train de regarder quelques exemples… et je maintiens que c’est beaucoup plus clair, et nettement plus logique !
Oc, oc… Disons que ta logique n’est pas la mienne… car pour moi chaque élément de la liste engendre un alinéa… Logique, puisque, à la fin de chacun d’entre eux, on va à la ligne… Sinon, j’y perds mon latin.
A. H
URTIG : « Imagine, par exemple, que la dernière ligne avant l’énumération commence par un tiret d’incise. » Jean-Pierre, tu n’as pas honte de sortir des arguments pareils ?
Pas le moins du monde… J’aurais dû t’envoyer un bordel encore plus vicieux, avec un peu de rab : des tirets d’incise dans un des éléments de la liste… Tiens, piskeu t’es têtu, le voici :

Eh oui, cinq tirets… et seulement deux pour la liste… Ah ! l’obscure clarté qui tombe des tirets (dommage qu’on cause point des astérisques).
A. HURTIG : Dans ce cas d’espèce (rarissime), je suppose que je trafiquerais un peu les lignes pour que la fameuse dernière ligne ne vienne pas m’embêter avec son tiret…
Et voui, parade connue (si t’as assez de jeu pour gagner ou chasser sur plus d’un cadratin, mais dans mon exemple, c’était pas couru d’avance)… et qui signifie quoi ? Que tu n’hésiterais pas à foutre ton gris en l’air pour maintenir un parti et une cause indéfendables… Oh ! que c’est laid…
P. CAZAUX : Ben pourquoi ne pas utiliser des tirets demi-cadratin pour la liste et cadratin pour les incises ? Hein ? Ça se fait pas ? Ça se fera.
Ben, pourquoi ne pas utiliser le renfoncement d’alinéa ? Ça se fait depuis longtemps… et ça se fera encore longtemps…



Épigraphe Dédicace.

••• Nom féminin. Une épigraphe est une citation placée en tête d’un texte (œuvre, partie, chapitre ou article). Selon sa définition traditionnelle, l’épigraphe vise soit à éclairer ou infléchir le sens d’un titre, soit à résumer ou à suggérer l’esprit du texte qu’elle précède. Cette mission semble à la fois ambitieuse et restrictive. Si certaines la remplissent, quantité d’épigraphes s’en affranchissent. Le registre va de la dérision à la pédanterie.


Place

L’épigraphe se rapportant à l’ensemble d’un ouvrage devrait être brève et composée sur la page de titre. Cette règle est aujourd’hui bien oubliée ; pour plusieurs raisons, tenant soit à l’évolution de la mise en pages (le grand titre n’est plus ce qu’il était…), soit aux pratiques des auteurs, qui n’hésitent pas à choisir de très longues citations, voire à les multiplier. Résultat, on voit des livres dont les épigraphes « générales » se baladent n’importe où : avant ou après les dédicaces, les avertissements, les préfaces, etc.
Si l’on renonce à l’associer au titre, l’épigraphe d’un ouvrage doit au moins être liée au texte principal. Ouvrages ayant des divisions internes (parties, chapitres, etc.) : épigraphe en belle page, immédiatement avant le texte principal. Ouvrages non divisés : soit en belle page, soit en tête du texte.
Les épigraphes se rapportant à une partie d’un ouvrage se composent sous le titre des parties principales, en belle page, soit en tête du texte concerné, sous le titre éventuel.
Ces citations peuvent être longues et multiples (sans excès…).


Composition

L’épigraphe reprenant une citation en français se compose en romain entre guillemets, ou en italique. Une citation étrangère en version originale se compose obligatoirement en italique, et l’éventuelle traduction en romain entre guillemets.

Quae lucis miseris tam dira cupido ?
VIRGILE, Ænidos.

Le nom de l’auteur se compose en petites capitales (initiales du nom et du prénom en grandes capitales), le titre de l’œuvre (facultatif, sauf pour les œuvres anonymes) en italique. Dans les ouvrages spécialisés, les références peuvent être détaillées.

« Aidons l’hydre à vider son brouillard. »
Stéphane M
ALLARMÉ, Divagations, p. 352.

La justification et le corps sont nécessairement très inférieurs à ceux du texte courant. Composition sans interlignage. Prose en alinéa. Renfoncement à droite d’un ou deux cadratins, selon le format.


Vocabulaire

Bien que des lexicographes et des grammairiens entérinent aujourd’hui ce fâcheux dérapage, un exergue n’est pas une épigraphe… Il ne s’agit pas de s’accrocher comme un forcené aux seules acceptions anciennes (exergue sur une médaille, épigraphe sur un monument ou, par extension, devant un texte) mais, bien au contraire, de défendre l’enrichissement de la langue. Par extension, « mettre en exergue » signifie mettre en évidence. D’excellents auteurs, comme Bénac 1978, peuvent légitimement écrire qu’une épigraphe met une citation en exergue.
Faire d’« exergue » et d’« épigraphe » des synonymes pour faciliter la vie des cancres n’est hélas pas seulement démagogique, on s’en accommoderait, cela revient à ravaler de bons stylistes au rang de manieurs de pléonasmes. Triste victoire du mauvais usage sur le bon. Dans trente ans, on nous apprendra peut-être qu’« épigramme » a rejoint la bande. Et dans soixante, « épitaphe » ?
Girodet 1988, Gouriou 1990, Gradus 1980, Larousse 1933, Littré 1872, Thomas 1971.
Hanse 1987, Larousse 1970, 1999, Lexis 1989.


Époque Âge, Ère, Événement historique.

L’Antiquité, le Consulat, le Directoire, l’Occupation, la Reconquête, la Réforme, la Renaissance, la Résistance, la Restauration, les Temps modernes.


À Typographie, le 25 janvier 2000.
O. RANDIER : Ma correctrice n’est pas d’accord avec l’Hyène […] : Siècle des lumières (I.N.) ou siècle des Lumières ?
Ah… mon bon monsieur… problème ! Beaucoup de sources sérieuses (Girodet 1988, Larousse 1985, Robert 1993, etc.) font comme l’Hyène. La prudence voudrait qu’on les suive… Pourtant, cette graphie est très conne, car dans le même texte, tu risques de te retrouver avec les Lumières et le Siècle des lumières… Donc, tu vois ce qu’il te reste à faire… À ta place, je suivrais la correctrice… et si les donneurs d’ordre discutent, renvoie-les au Grand Larousse universel… Ils y verront un épatant siècle des Lumières
O. RANDIER : Second Empire (I.N.) ou second Empire ? J’aurais tendance à suivre l’Hyène, mais aussi à éviter les conflits internes…
Là, aucune discussion… Suis l’Hyène
Un coup sur deux, c’est négociable…


Ère Âge.

Minuscule initiale à ère et aux adjectifs qui qualifient ce nom : l’ère chrétienne, l’ère tertiaire (mais le Tertiaire).
Impr. nat. 1990.


Errata, erratum

Errata : liste des erreurs et des fautes contenues dans un ouvrage, avec l’indication des corrections.


Espace Blanc, Cadratin, Deux-points, Espacement, Ponctuation, Tiret.

¶ Mot féminin : une espace est un blanc qui isole les mots ou les signes de ponctuation.
Berthelot 1992, Impr. nat. 1990, Lecerf 1956, Ramat 1994, Williams 1992.

Espace fine : un point.
Espace avant-fine : un point et demi.
Moyenne : quart de cadratin.
Forte ou grosse : tiers de cadratin (c’est l’espace-mot théorique).

Composition au plomb : petite lame de métal, moins haute que les caractères, qui sépare les mots.



I. Espaces insécables,
espaces fines et espaces justifiantes

À Typographie, le 13 janvier 1998.
J. ANDRÉ : Si on compare [le titre J’accuse, de Zola] de 1898 avec celui des compos d’aujourd’hui (par exemple le Monde d’hier soir), on remarque quelques différences. En 1898 : l’Aurore écrit J’accuse…! (sans espace avant le point d’exclamation). En 1998 : le Monde écrit J’accuse… ! (avec une fine devant).
Je me trompe peut-être, mais il me semble que le Monde, comme tant d’autres, a du mal à oublier la Linotype. J’ai l’impression qu’il tente de restituer l’énorme approche naturelle des ponctuations hautes en ajoutant une espace là où il n’en faudrait pas. Pas simple… S’il est impératif d’introduire des espaces insécables entre une lettre et une ponctuation haute, je crois qu’aujourd’hui (comme du temps de la composition manuelle, sauf dans les compos très blanches…) on devrait s’en abstenir entre deux signes de ponctuation (à l’exception des guillemets, évidemment, et, cas plus rares… du deux-points et du point-virgule) : xxx !, « xxx ! », mais xxx…!, xxx !?, xxx !!!, xxx (!), xxx [?], etc. Dans ces derniers cas, la petite approche « naturelle » de nos polices est largement suffisante. […]
Je n’aimerais guère que l’on adopte un système d’introduction automatique de blanc avant les ponctuations hautes (sauf, peut-être, pour le deux-points…). Ou alors, il faudrait qu’il soit « débrayable »… Sinon, ce ne serait qu’une ossification supplémentaire, une béquille pour les cancres mais une entrave à la liberté des autres. Le jeu sur les espaces liées à la ponctuation était et devrait redevenir un moyen, « gérable par le compositeur humain… », de justifier subtilement.

À Typographie, les 31 août et 1er septembre 1998.
B. LERAILLEZ : Dans le même genre de pression à exercer sur un éditeur, pourquoi ne pas demander aux éditeurs de polices de fournir des signes de ponctuation correctement espacés ?
NON !!! Surtout pas !!! Vous voyez pourquoi… (?). Non…?!
En outre, le jeu sur les espaces antérieures des signes de ponctuation a toujours été un procédé de justification très subtil ! […]
Si nous devions exercer une pression, je la verrais bien en sens inverse… En effet, certaines polices introduisent davantage de blanc à gauche des ponctuations hautes, d’autres s’en gardent bien… Dans Fontographer ou un logiciel similaire, comparez les points d’interrogation et d’exclamation en Times et en Palatino… En Times, ils sont légèrement décalés vers la droite et ménagent une solide approche à gauche, en Palatino ils sont strictement centrés et les approches sont faibles. Cela explique bien des choses…
Le léger blanc intégré ne fait l’affaire que des typographes anglo-saxons (et de leurs émules mondialisés…). Pour nous, il ne fait qu’augmenter stupidement la valeur des fines… Quant aux immenses insécables engendrées par les logiciels de traitement de texte, elles sombrent dans la caricature… S’il y a une pression à exercer, c’est bien celle-ci : imposer la présence de fines dans tous les logiciels traitant peu ou prou des textes… Qu’un machin aussi puissant que Word n’en dispose pas est un scandale… un scandale dangereux, car ils n’ont pas tout à fait tort tous ceux qui trouvent que ces prétendues « espaces françaises » avant les ponctuations hautes sont ridiculement grandes… De là à préférer les rustiques conventions des autres…
B. LERAILLEZ : À ce propos, pourquoi les espaces étaient rajoutées à la main du temps du plomb et pas intégrées au caractère ?
Quel temps du plomb ? Dans les matrices Lino, le (léger) blanc antérieur des points d’interrogation, d’exclamation et du point-virgule était intégré… Là aussi, cela explique bien des choses…
J. ANDRÉ : Il est exact que la tendance actuelle de la typographie est que c’est le dessinateur de caractères qui règle certaines espaces (notamment quelques approches) et non plus le compositeur.
C’est bien là le drame… Le blanc antérieur des ponctuations hautes est une approche pour les Anglo-Saxons, donc (avant tout) une affaire de dessinateur de caractères… alors que pour nous c’est une espace, donc une stricte affaire de compositeur…

À F.L.L.F., le 1er juin 2000.
P. CAZAUX : L’insécabilité n’a rien à voir avec la chasse.
Je ne l’ai pas prétendu (j’évoquais une différence de nature). Ce qui ne veut pas dire que ce soit complètement faux. En effet, hormis l’espace-mot, qui est éventuellement insécable (dans des circonstances précises), toutes les autres sont nécessairement insécables, toujours, sempre, always, immer, siempre. D’où la charmante inutilité d’au moins un quart des espaces xpressiennes… alors qu’il en manque d’indispensables…

À Typographie, le 3 octobre 2000.
OUDIN-SHANNON : Hurtig m’explique que si la suppression des espaces liées à la ponctuation permettait d’éviter des lézardes, pourquoi ne pas les supprimer toutes ? Merci, j’y songerai, mais en attendant pourquoi cette « évolution » faite par les Anglais serait inconcevable en France ?
Parce que, contrairement à ce que vous prétendez, si la suppression des fines devant les ponctuations hautes n’élimine pas nécessairement les lézardes… elle peut, éventuellement, en créer, et parfois de plus redoutables… car éliminer une fine au-dessus de plusieurs justifiantes a pour effet de rapprocher une justifiante de ses semblables… (sauf dans les cas où la fine précède plusieurs signes de ponctuation). Il conviendrait par conséquent d’imaginer d’autres « raisons », un tantinet plus convaincantes.

À F.L.L.F., le 23 septembre 2001.
S. NATARAJA : Pouvez-vous me rappeler quelles ponctuations reçoivent une espace fine subséquente ?
Subséquente ? Aucune…
S. NATARAJA : Bon, et mes espaces fines ?
Chaud devant ! les voici…
Entre une lettre (ou un chiffre) et ces ponctuations hautes (et non « doubles » *…) : point d’interrogation, point d’exclamation, point-virgule. Avant le deux-points, deux écoles : espace mots insécable ou, mieux (à mon sens), espace légèrement plus petite que la justifiante (mais plus grande qu’une fine…). Kif-kif après les guillemets ouvrants et avant les guillemets fermants. Vous vous demanderez peut-être pourquoi j’ai précisé « lettre (ou chiffre) »… En raison de ceci : (?), [!], ?!, …?, etc. Autant de cas qui rendent impossible l’insertion automatique et aveugle des fines (sauf à disposer d’un logiciel gérant finement les exceptions…).
* Les ponctuations doubles (intervenant deux fois…) sont les crochets, les parenthèses (dans leur rôle-titre, donc pas toujours), les guillemets (sauf cas particuliers…) et (le plus souvent) les tirets…

À F.L.L.F., du 5 au 10 décembre 2001.
J. FONTAINE : Mais ces signes devraient quand même être plus près du mot qui précède que du mot qui suit, ce qui n’est pas le cas si, toujours à défaut d’espace fine, on choisit plutôt d’insérer une espace-mot insécable.
[…] Tout dépend du parcours et de la destination ultime du texte. S’il doit migrer vers un logiciel de mise en pages, il est tout à fait inutile — voire nocif… — de se préoccuper de finesses visuelles au stade de la copie (dans ce processus, un fichier de traitement de texte n’est jamais que de la copie).
La question ne se pose que s’il doit être diffusé sous la forme qu’aura pu lui donner un logiciel incapable d’offrir des fines et d’autres subtilités typographiques… Ici, alternative angoissante. Faut-il s’y résigner ou tenter d’améliorer les choses en bricolant ? À chacun de voir…
Pour les fines, il existe une astuce bien connue (à ne surtout pas employer dans un processus d’édition digne de ce nom) : il suffit de réduire (considérablement) le corps de l’espace…
L. BENTZ : L’imprimerie distingue les espaces insécables (espaces fines et espaces-mots) et les espaces justifiantes.
Laissez tomber l’espace-mot, notion qui ne dit rien à personne ou presque. Quant à l’« imprimerie », elle pose un petit problème. Elle n’a pas toujours connu les espaces insécables. Au plomb, cela n’aurait eu aucun sens, sauf avec une scie… Ce sont les séquences de caractères qui étaient (et sont toujours…) insécables… La notion d’« espace insécable » est davantage liée à la P.A.O., que la destination finale de la « publication » soit le papier (imprimerie) ou l’écran…
J’écrirais volontiers : « La composition typographique et la P.A.O. distinguent quantité d’espaces, dont les espaces fines (toujours insécables) et les espaces justifiantes. »

Site Web de Jean-Pierre Lacroux.
Mais, dites-moi, une espace justifiante insécable n’a-t-elle pas la même valeur qu’une espace sécable ?
Théoriquement, oui… par définition. Dans les faits, non… car l’espace insécable réellement justifiante n’est pas disponible en tout lieu.
Une espace sécable est nécessairement justifiante. Théoriquement et dans les faits. L’inverse n’est pas théoriquement vrai (une espace justifiante n’est pas nécessairement sécable…). Pourtant, nombreux sont ceux qui font comme si… y compris certains concepteurs de logiciels, d’où quelques petits problèmes…



II. Un espace, une espace ?

À Typographie, le 31 mars 1998.
J.-D. RONDINET : Une espace fine crée un espace fin.
Théoriquement… je suis d’accord… mais… honnêtement… je ne fais pas cette distinction… Pour moi, toutes les espaces typographiques sont féminines, même sur le papier… J’veux ben être snob, attaché à nos traditions… mais dans des limites raisonnab’… Je ne me vois pas expliquer à un quidam que « cet » espace, là, sur le papier, est fautif, trop fort, trop gros, et qu’il conviendrait d’introduire une espace fine…

À F.L.L.F., le 3 mars 2000
M. GUILLOU : « Et d’où cela vient-il ? » Je n’en sais trop rien. J.-P. Lacroux va nous venir en aide, j’en suis certain.
Cela vient du français… tout simplement ! « Espace » fut longtemps masculin ou féminin, au choix. Le féminin a dépéri, sauf chez les typographes.

À F.L.L.F., du 19 au 20 mars 2001.
ALEXIA : Dans la phrase « Appuie sur la barre Espace pour laisser une espace entre les mots » : pour moi l’emploi du féminin est correct (Larousse : « Espace, n. f. Imprim. Blanc servant à séparer les mots »).
Cette définition est incomplète, disons… anecdotique, donc un tantinet erronée… « Ah ? » (Trois espaces, dont pas une ne sépare deux mots…)
ALEXIA : Le réviseur (de ma traduction) conteste l’emploi du féminin comme n’étant pas approprié dans ce contexte (il s’agit d’utiliser le clavier de l’ordinateur pour saisir du texte). Je suis perplexe et souhaiterais avoir différents avis.
Il y a de quoi être perplexe… à cause du verbe employé. Un puristissime (et votre réviseur en est peut-être un) vous dira que l’on introduit une espace pour engendrer (« laisser ») un espace. Selon moi et de nombreux acribiques décontractés, le masculin est à déconseiller dans tous les cas relatifs à la composition… « Une espace », qu’il s’agisse du caractère ou du blanc sur la page. Inutile de se compliquer inutilement la vie et le vocabulaire.
T. BOUCHE : Non, une espace imprime un blanc. À moins que ton puriste vive à l’échelle du micron et voie en effet l’espace laissé entre l’empreinte des caractères en relief (encre, toner…).
Tututut… Demande donc à Jean-Denis ou à des ancêtres qui connaissent encore la tradition…
T. BOUCHE : C’est la même chose d’ailleurs pour une interligne (lame de plomb ou de papier) qui engendre un interligne (un blanc).
Mais nous sommes d’accord… cette distinction archéopuriste n’a plus de raison d’être dans notre monde sans plomb… Féminin partout.


Espacement Approche, Coupure, Espace.

¶ L’espacement régulier des mots est une qualité primordiale pour toute composition typographique.


Est Point cardinal


Et, esperluette Etc.

I. La conjonction et/ou

À Typographie, du 10 novembre 1997 au 15 janvier 1998.
J. FONTAINE : Il faut reconnaître que ce et/ou est parfois pratique pour celui qui s’en sert, car il permet d’éviter de longues périphrases.
Il permet surtout d’éviter la mise au clair de la pensée… ce qui est le comble du « pratique »… (Le reste de votre message montre que nous sommes d’accord sur ce point.)
Je crois que le souci stylistique existe chez les maniaques du et/ou, mais il ne vise pas à éliminer les périphrases. Oh ! non… La preuve : leurs textes en sont farcis ! Leur quête est ailleurs : ils tentent de se conformer à un modèle surévalué.
D. PUNSOLA : De plus et/ou est un mot qui est créé par l’intermédiaire de l’écrit. Une telle création n’est pas du tout dans la logique du langage parlé.
D’accord pour critiquer et/ou, bien sûr, mais votre argument est dangereux… La néologie savante est pour l’essentiel opérée à l’écrit. Est-ce un indice de mépris pour l’oral ?
Ne mépriseriez-vous pas un peu l’écrit ? Pas prudent sur cette liste… Pour revenir à quelque chose de plus typographique, que dire alors des sigles ? Créés à l’écrit, ils se répandent sans frein à l’oral, qui, juste retour des choses, renvoie des dérivés qui s’installent à l’écrit.

À France-Langue, le 14 avril 1998.
A. MIGNEAULT : Mais tout ceci pourrait aussi s’appliquer à l’implication logique (le si… alors), qui présente le même genre de difficulté dans la langue de tous les jours : S’il pleut, j’irai au musée n’exclut pas, du point de vue logique, que s’il fait beau, je pourrais tout de même décider d’aller au musée. Mais on pourrait aussi croire que cette affirmation comporte tacitement le sens de s’il fait beau, je ferai autre chose, alors qu’en logique cette implication « en miroir » n’existe simplement pas.
Laissons la logique et revenons à la langue, c’est-à-dire au locuteur… S’il déclare S’il pleut, j’irai au musée avec l’intention de vous faire entendre que, même s’il ne pleut pas, il ira au musée, alors nous pourrions lui conseiller de choisir une autre formule… En revanche, s’il vous dit S’il fait beau, je n’irai pas au musée, il n’est pas déraisonnable de supposer que, s’il pleut, il ira au musée.
Quant au fameux et/ou… on lui trouve des vertus logiques mais on se garde bien d’envisager sa négation… Il est vrai que le moindre ni ni serait dangereux pour sa réputation.
O. BETTENS : Le ou logique est inclusif, c’est incontestable, mais il s’agit d’un axiome (donc d’une convention) qui ne répond à aucun impératif… logique. Il est parfaitement possible de construire une logique formelle dont le ou élémentaire serait exclusif.
C’est en particulier celle des restaurateurs… Fromage ou dessert.
O. BETTENS : Il existe des gens qui sont allergiques à et/ou. Malgré le caractère enflammé de certaines interventions, ils ne parviennent pas à imposer le point de vue selon lequel ou sans autre précision serait par défaut inclusif…
Je suis allergique au et/ou, mais je ne cherche pas à prouver que ou est par défaut inclusif…
Je suis allergique à et/ou, car cette chose est née de la confusion entre opérateur logique et conjonction. Qu’un opérateur puisse avoir la même gueule qu’une conjonction, c’est certain, mais cela n’entraîne pas mécaniquement que l’association de deux opérateurs engendre une nouvelle conjonction…
Qui a jamais entendu un et/ou oral émis par un individu sensé ? Alors que la plupart des opérateurs sont représentés par des signes non alphabétiques qui se lisent sans problème, ce machin qui associe les deux conjonctions les plus employées offre la particularité d’être une cheville strictement graphique… Pour quiconque s’intéresse davantage à la langue qu’à la logique, cette infirmité n’est pas négligeable…

À Typographie, le 17 mars 1999.
J. MELOT : On peut encore insister sur son caractère en quelque sorte contre nature. Isolément, la pseudo-conjonction et/ou se présente, certes, sous forme d’une opération logique aisément compréhensible. Toutefois, aussi étrange que cela puisse paraître, cela ne correspond pas à une opération spontanée élémentaire de la pensée humaine. Pour s’en apercevoir, il suffit de lire un texte où cette pseudo-conjonction est utilisée plusieurs fois à intervalles rapprochés.
Vous devez vous en douter, j’ai lu/bu votre intervention comme du petit-lait. Rien à ajouter, sauf peut-être ceci : inutile de lire des textes imbitables pour s’apercevoir que la conjonction et/ou est une pseudo-conjonction ne correspondant pas à une opération élémentaire de notre pensée, du moins de la pensée des francophones (pour les autres, je n’en sais rien). Avez-vous déjà entendu un de vos interlocuteurs l’employer spontanément à l’oral pour « préciser » par exemple une situation de sa vie quotidienne ou la nature d’un sentiment ? Ce machin moche et inutile est prononcé (lourdement) à la lecture ou, tic jargonnesque, à la restitution partielle de textes où il figure. C’est un artifice graphique, rien de plus, il n’appartient pas (encore) à notre langue.
Raison de plus pour en parler ici… L’affaire du et/ou, épisode affligeant des aventures de la barre oblique, est incontestablement typographique.
T. BOUCHE : L’écrit contient des tas de choses imprononçables qui y ont droit de cité.
C’est évident… mais je ne vois pas en quoi cela concerne une pseudo-conjonction comme et/ou, qui est parfaitement prononçable mais que personne ou presque ne prononce.
Ce machin n’est pas « une chose imprononçable », ce n’est pas davantage un signe (que l’on nommerait), c’est l’accouplement imbécile de deux conjonctions. On ne va pas s’éterniser sur cet hymen hideux et sur son fruit (lexical et syntaxique […]), ce qui nous intéresse c’est le rôle qu’y tient la barre oblique. Ce signe typographique est un leurre, un attrape-nigaud devenu un signe de reconnaissance. Dans et/ou (et dans d’autres cas récents), il joue un rôle en complète contradiction avec ses missions habituelles (anciennes et nouvelles).
Résultat, cette malheureuse barre oblique est devenue un signe flou, corvéable à merci, pour tout et pour rien, un ustensile providentiel pour les scripteurs et les penseurs pressés.


II. Étymologie de l’esperluette

À Typographie, le 11 mars 1998.
J. MELOT : Selon Grevisse (le Bon Usage) : « 87 […] La conjonction et est parfois représentée, en typographie, par la ligature & (autrefois nommée tout d’abord ête, dans les écoles, elle s’est appelée, par une sorte de jeu de mots amenant une rime plaisante, à la fin de l’alphabet, perluète, ou pirlouète, ou esperluète). »
Cette explication de l’étymologie me semble légèrement douteuse dans le détail (d’autant plus que Grevisse ne cite pas sa source) […]
En ce qui concerne & et son nom anglais (ampersand) voici ce qu’en dit l’Oxford English Dictionary : après avoir noté les variantes attestées (ampassy, ampussy, ampus) le mot ampersand est regardé comme altération de and per se-and, c’est-à-dire & by itself and. L’explication est simple. Jadis on utilisait l’expression a-per-se, a, c’est-à-dire a by itself makes the word a, cependant que la lettre elle-même était parfois appelée A-per-se-A, […] O-per-se-O, &-per-se-and (and-per-se, an-per-se, amperse). Il s’agit évidemment d’une habitude ayant son origine chez les lettrés, puisqu’il s’agit de latin. Elle peut donc être très ancienne.
Ma conclusion, pour le moment, est donc que l’étymologie & per l’et pour esperluette (et ses variantes) est probable et qu’il s’agit d’un calque de l’anglais (ou l’inverse)…
La pire, c’est celle de Bob et du Dictionnaire historique de Rey (croisement de perna et de sphaerula), qui est à mon sens désesperluante (pour une fois, parce que, à part ça, quelle merveille ce bouquin !). Comme la rime plaisante (après z, & prononcé ette, d’où rime amusante finale perluette…) est également la version de Vox, j’aimerais bien qu’elle soit fausse…
En ce qui concerne la vôtre, il faudrait que soit établie avec certitude l’ancienneté du terme et une très nette antériorité d’esperluette sur perluette… Or, selon plusieurs sources (mais on sait ce que ça vaut…), il semble que ces deux formes soient récentes (
XIXe siècle) et quasi synchrones. Ce qui, pour l’heure, me fait préférer la rime amusante, avec le bel espoir que d’anciens grimoires vous donneront raison !
J. MELOT : … sauf si cette formation remonte à l’époque médiévale ou même à la Renaissance où le latin était encore en usage général dans les milieux savants. Dans ce cas il s’agirait plutôt d’un calque du latin « récent », à la fois en anglais et en français. Ce calque a toute l’allure d’un emprunt professionnel (jargon de typographe ?) et l’explication par le jeu de mots enfantin (origine écolière) est, par conséquent, peu probable.
Pas si vite, cher ami… Votre étymologie (& per l’et) n’est pas incompatible avec nos rares certitudes &, parmi celles-ci, la scolarité de l’esperluette…
Si l’étymologie est obscure, quelques épisodes de la vie de l’esperluette ont été relatés par des gens dignes de foi… Bob & Rey donnent comme date de première attestation : 1878 *, c’est-à-dire la date de parution du « Premier supplément » de Pierre Larousse. Dans cet illustre monument, on lit ceci : « Nom qu’on donnait, dans les écoles élémentaires, au caractère &, qui terminait l’alphabet et qui représentait le mot “et”. »
* Comme quoi une date de première attestation, quand elle est uniquement fondée sur un dico d’antan, ça vaut ce que ça vaut…
Trois remarques…
— L’esperluette ne figurait pas dans le tome VII (1870).
— L’imparfait est intéressant… Il semble indiquer qu’en 1878 cet usage est éteint… Elle est bonne… Depuis quand ? Mystère, mais probablement pas depuis longtemps.
— Au
XIXe siècle, j’ai bien l’impression qu’esperluette n’est pas employé par les typographes…
Bref, il n’est pas interdit de penser que les deux hypothèses (latin & école) sont bonnes & peuvent cohabiter avec bonheur : quelques vieux maîtres des écoles élémentaires, fins latinistes (ou pieux conservateurs de très anciens usages ?), ont enseigné l’alphabet en ajoutant, après le z, « l’et-te per l’et-te », que de plaisants galopins ont transformé en esperluette plus sympathique, voire en perluette plus vive (et plus apte à clore brillamment l’alphabet)…

À F.L.L.F., le 18 avril 2000.
D. DIDIER : Selon le Robert historique, l’esperluette ou la perluette est issue du croisement du latin perna, jambe, sorte de coquillage, et de sphaerula, dérivé de sphaera, boule ou sphère.
C’est à mon sens une des rares bévues de ce remarquable ouvrage… Question à poser à l’auteur de l’article : quelle est donc l’étymologie de l’anglais ampersand ?…
Comme il est envisageable que le cheminement, à partir du latin de nos écoles : & (et/and) per se (et/and), ait été similaire dans les deux langues, je serais curieux de savoir où se nichent la « jambe » et la « sphère » dans le terme anglais…
D. DIDIER : Mais… mais… dans la Comédie des mots (Gallimard-jeunesse), Régine Detambel écrit que l’esperluette était la dernière lettre de l’alphabet que devaient réciter les élèves […]. À vous de choisir votre version…
La dernière, classique […], est sans doute proche de la vérité mais elle fait l’impasse sur l’origine réelle… Les écoliers ne sont pas passés tout seuls de « et-te » à « perluette » ou « esperluette ». On les a aidés !


III. Usage de l’esperluette

À Typographie, du 6 au 8 juin 1998.
Je viens de recevoir le programme de la conférence annuelle de l’Atypi. La conjonction « et » y est systématiquement remplacée par l’esperluette. Que pensez-vous de cette pratique ?
M. BOVANI : Ce qui me gêne moi, c’est plutôt que l’esperluette a un air de cap, je trouve que dans un texte en b. d. c., elle brise le rythme…
C’est ce qui m’ennuie aussi… Au sein de la phrase, elle confère trop d’importance à ce qui n’en a guère, du moins à ce qui n’en a pas plus que le reste…
On comprend que (dans les formes et l’œil globuleux qu’elle a adoptés et figés dans nos polices) l’esperluette soit devenue un « et commercial ». Elle s’intercale avec grâce entre deux mots dont l’initiale est une capitale (Dupont & Dupond, Durand & Cie, etc. On comprend moins que les typographes, jouant sur sa rareté et son indiscutable charme, l’utilisent comme une marque, un signe de reconnaissance, un emblème corporatif, jusque dans les compositions les plus ordinaires. Je ne suis pas loin de penser que cette utilisation n’est pas exempte de préciosité vulgaire.
C. LABOUISSE : Je pense que c’est une question d’habitude. Je me souviens avoir vu, dans le numéro 22 des Cahiers Gutenberg il me semble, un fac-similé d’un ouvrage du XVIIIe siècle qui utilisait l’esperluette comme elle l’a été dans le programme de l’Atypi. À l’époque de l’impression, personne ne devait trouver ça bizarre, mais c’est vrai qu’aujourd’hui…
Bien sûr que c’est une question d’habitude, et nous l’avons perdue. Pourquoi ? Peut-être parce que c’était une mauvaise habitude… et, si c’était une mauvaise habitude, pourquoi y revenir ?
T. BOUCHE : Cela dit, et avec J.-P. Bobillot (qui est aussi un surconsommateur d’esperluettes), je te rappellerai l’adage : « Votre temps est bref, soyez précieux ! »
Sûr… mais soyons précieux avec discrétion et seulement de temps en temps, quand ça s’impose… J’ai peut-être été un peu excessif avec ma « préciosité vulgaire »… « Ostentatoire », ça te va ?…
G. PEREZ : [Sur le site Web de T. Bouche], il y a de très belles démonstrations et interrogations typographiques : j’aime bien les elzéviriens en maths.
Moi aussi, j’aime beaucoup les chiffres elzéviriens ! Pour une raison qui est exactement l’inverse de celle qui me fait détester (bien grand mot, mais j’ai rien d’autre à portée de main…) l’esperluette dans les compos ordinaires : eux, au moins, ils n’ont pas des tronches de capitales ! ils sonts discrets & savent un peu baisser la tête… Ils t’arrêtent pas l’œil avec arrogance… L’esperluette, qui n’est jamais qu’un « et » à la con, se prend pour une balise essentielle, un phare de la phrase, le truc à ne surtout pas manquer… C’est bien simple, j’ai envie de lui taper sur la tête, histoire de lui apprendre à vivre… (Sa sœurette, l’esperluette petite cap, est d’une modestie bien séduisante, mais elle est hélas bien rare.)


État Pays,

••• État prend la majuscule initiale s’il désigne une entité politique titulaire de la souveraineté et, par extension, sa forme de gouvernement, ses pouvoirs publics : les États baltes, les États-Unis, l’État d’Israël, les États du pape. Une affaire d’État, un chef d’État, le Conseil d’État, un conseiller d’État, un coup d’État, l’État providence, un homme d’État, un ministre d’État, la raison d’État, une religion d’État, un secret d’État, un secrétaire d’État, la sûreté de l’État.
On accorde la majuscule à des États qui n’ont jamais connu que la souveraineté limitée (États non-fondateurs d’un État fédéral : l’État du Montana) ; on la laissera à ceux qui souhaitent désormais s’en contenter : la France est un des États de l’Union européenne.
••• Dans tous les autres cas, la minuscule initiale s’impose : état civil.


États-Unis

Hawaii : deux i, pas de tréma.
Massachusetts : deux s, un s, deux t.
Mississippi : deux s, deux s, deux p.


Code
postal  
Abréviations
anglo-saxonnes
Abréviations
françaises




Alabama AL Ala. Alab.
Alaska AK

Arizona AZ Ariz.
Arkansas AR Ark.
Californie (California) CA Calif.
Caroline-du-Nord (North Carolina) NC N.C. Car.-du-N.
Caroline-du-Sud (South Carolina) SC S.C. Car.-du-S.
Colorado CO Colo. Color.
Connecticut CT Conn.
Dakota-du-Nord (North Dakota) ND N.D., N.Dak. Dak.-du-N.
Dakota-du-Sud (South Dakota) SD S.D., S.Dak. Dak.-du-S.
Delaware DE Del.
District de (of) Columbia DC D.C. D. C.
Floride (Florida) FL Fla. Flor.
Géorgie (Georgia) GA Ga.
Hawaii HI

Idaho ID

Illinois IL Ill.
Indiana IN Ind.
Iowa IA

Kansas KS Kans.
Kentucky KY Ky. — [Kent.]
Louisiane (Louisiana) LA La. — [Louis.]
Maine ME

Maryland MD Md. Mar.
Massachusetts MA Mass.
Michigan MI Mich.
Minnesota MN Minn.
Mississippi MS Miss. {Mississ.}
Missouri MO Mo.
Montana MT Mont.
Nebraska NE Nebr.
Nevada NV Nev.
New Hampshire NH N.H. N. H.
New Jersey NJ N.J. N. J.
New York NY N.Y. N. Y.
Nouveau-Mexique (New Mexico) NM N.M., N.Mex. N.-M.
Ohio OH

Oklahoma OK Okla. Okl.
Oregon OR Oreg.
Pennsylvanie (Pennsylvania) PA Pa., Penn., Penna.   Penns.
Rhode Island RI R.I. R. I.
Tennessee TN Tenn.
Texas TX Tex.
Utah UT

Vermont VT Vt. Verm.
Virginie (Virginia) VA Va. Virg.
Virginie-Occidentale (West Virginia)   WV W.Va. Virg.-Occ.
Washington WA Wash.
Wisconsin WI Wis. Wisc.
Wyoming WY Wyo. Wyom.

Larousse 1992 (Dakota du Nord, Virginie occidentale, etc.).


Etc. Abréviation, Latin.

« Mallarmé n’aimait pas cette locution, — ce
geste qui élimine l’infini inutile. Il la proscrivait.
Moi qui la goûtais, je m’étonnais. / L’esprit n’a
pas de réponse plus spécifique. C’est lui-même
que cette locution fait intervenir. / Pas d’Etc. dans
la nature, qui est énumération totale et impitoyable.
Énumération totale. »
Paul V
ALÉRY, Tel quel.

Abréviation conventionnelle d’et cetera (ou et cætera) : et le reste.
Conseil sup. 1990 écrit [etcétéra].
L’emploi de la forme complète (invariable), composée en romain, est licite (à très petites doses : hors des textes littéraires, tout abus témoigne d’une lourde pédanterie).


1.

••• Etc. est toujours précédé d’un signe de ponctuation et d’une espace-mot.
Plusieurs auteurs affirment que ce signe de ponctuation est nécessairement une virgule. C’est vrai dans la quasi-totalité des occurrences, mais des rencontres avec le point-virgule, les points d’exclamation et d’interrogation, les parenthèses et les crochets, pour peu heureuses qu’elles soient, ne sont pas exclues.
Girodet 1988, Vairel 1992.

Une série d’exemples séparés par des points-virgules sera interrompue par un etc. précédé d’un point-virgule, car une virgule transformerait la série en un ensemble complet dont seul le dernier élément serait constitué d’exemples…
Comparer :
Albanie, Belgique, Canada ; Danemark, Égypte, France ; etc.
Albanie, Belgique, Canada ; Danemark, Égypte, France, etc.


2.

¶ Dans un texte en romain, etc. comme et cetera se composent en romain. S’il y a une locution latine bien intégrée au français, c’est bien elle.
Dans une citation en italique, etc. est composé en italique s’il appartient au texte cité. S’il l’interrompt, le romain s’impose.
Denis 1952.
Impératives dans l’emploi ordinaire d’etc., les règles 1 et 2 ne s’appliquent évidemment pas dans les cas d’autonymie (désignation comme signe du discours).


3.

••• Le point abréviatif se confond avec le point final (et les éventuels points de suspension fautifs…). Il se maintient devant tous les autres signes de ponctuation : etc., etc. ! etc. ? etc.


4.

¶ Dans la composition, on ne chassera jamais etc. en début de ligne. Si etc. est le dernier mot de l’alinéa, cette faute grave devient monstrueuse. On aura donc intérêt à rendre insécable l’espace qui le précède.
Lefevre 1883.


5.

••• Etc. ne doit jamais être répété (doublé, triplé, etc.) ni suivi de points de suspension. Cette règle, peu respectée, a pour seul objet d’endiguer la prolifération des formes pléonastiques.
Girodet 1988, Impr. nat. 1990, Thomas 1971.
Hanse 1987.
La redondance maîtrisée a néanmoins son charme. Jacques Prévert dans Paroles a fourni l’un des plus célèbres exemples de quadruple entorse à la règle :

LES PARIS STUPIDES
Un certain Blaise Pascal
etc… etc…

La force d’une licence est proportionnelle à la rigidité de la règle qui est enfreinte. Un seul etc. orthodoxe et ce raccourci du pari pascalien serait, c’est certain, beaucoup moins troublant… (Cet exemple brillant n’est pas destiné à absoudre les innombrables emplois coupables…)
•• Si l’insistance s’avère indispensable, autant recourir aux grands moyens et employer la locution sous sa forme complète : et cetera, et cetera.


6.

••• Etc. indique au lecteur qu’une énumération pourrait se poursuivre, que ses termes sont des exemples. Est par conséquent gravement redondante, donc fautive, l’association hélas très fréquente d’etc. avec : entre autres, par exemple, comme, tel(le)s que.


7.

•• Il est très déconseillé d’employer etc. à la fin d’une énumération de noms propres désignant des êtres humains, réels ou fictifs. C’est une simple question de courtoisie typographique. En l’espèce, « et d’autres » ou les points de suspension sont préférables : Il interprète magnifiquement Bach, Rameau, Couperin…
Girodet 1988.
Hanse 1987.
•• L’expression du dénigrement peut néanmoins justifier le recours à l’abréviation d’une locution qui signifie « et le reste » : Rien ne l’arrête : Bach, Rameau, Elton John, etc.
•• Lorsque, dans une énumération interrompue, des patronymes sont réduits à l’état de compléments, les bonnes manières ne s’imposent pas : il interprète tout avec un égal bonheur : partitas de Bach, sonates de Beethoven, de Schubert, de Scriabine, etc.
Exemple d’emploi très subtil : « Je n’ai pas l’intention d’écrire un traité d’apiculture […]. La France a ceux de Dadant, de Georges de Layens et Bonnier, de Bertrand, de Hamet, de Weber, de Clément, de l’abbé Collin, etc. […] L’Allemagne a Dzierzon, Van Berlepsch, Pollmann, Vogel et bien d’autres. » – Maurice M
AETERLINCK, la Vie des abeilles. « Etc. » clôt une énumération d’œuvres (les traités d’apiculture) ; « et bien d’autres » clôt une énumération d’auteurs.
Exemple d’emploi redondant et doublement défectueux : « Hamm et Clov, successeurs de Gogo et Didi, ont retrouvé le sort commun de tous les personnages de Beckett : Pozzo, Lucky, Murphy, Molloy, Malone, Mahood, Worm…, etc. » – Alain R
OBBE-GRILLET, Pour un nouveau roman.


8.

•• L’emploi d’etc. après une énumération réduite à un seul terme est licite mais très déconseillé.
Vairel 1992.


Ethnique Peuple


Étirement Points de suspension.

« — Mais cômmmment peut-on ne
pas aimer Stendhaaaal ?
— On peut. »
Daniel P
ENNAC, Comme un roman.

•• L’étirement d’un phonème (son) peut se transcrire grâce à plusieurs procédés graphiques : points de suspension, répétition de lettres ou de voyelles. Aucune règle ne limite ici la fantaisie du scripteur.
On évitera toutefois le timide doublement d’une seule lettre, car le plus bienveillant des lecteurs verra là une faute d’orthographe plutôt qu’un procédé graphique : Archiimède, viens ici ! > Archiiimède, viens ici !


Étoile Astre


Euro Franc.

I. Euro : dessin d’un logotype

À Typographie, le 5 mai 1998.
O. RANDIER : Sinon, on a commandé à Match Software leur fonte d’euros (50 versions différentes).
J’ai été faire un tour là-bas… J’y ai lu ceci : « Nous avons créé une police de caractères spéciale, contenant toute une série de logos de l’euro, compatibles avec les styles les plus divers : Times, Helvetica, Courier, American Typewriter, Futura, Eurostyle, Gothique, manuscript, condensé, italique, etc. ! »
Bien, me suis-je dit. Puis, en dessous de ce texte, j’ai vu une image présentant l’intégralité de la police. Et là, un doute m’a saisi…
En principe, le symbole de l’euro est un « e », un peu déconnant, certes, genre « onciale techno-linéale », mais un « e » quand même, non ? Or, pour devenir « compatible » avec certaines polices poilues, notre « e » s’est mis à ressembler furieusement à un « c »…
Le symbole de l’euro n’est pas terrible, mais ceux qui l’ont conçu ne sont pas idiots : la graisse des deux barres est identique à celle de la boucle… Je conçois que les polices à pleins et à déliés se marient mal avec des signes dont la graisse est uniforme et qu’un soupçon de finesse s’impose, mais faut quand même rester raisonnable… Un euro didonesque ou garaldoïde avec deux barres filiformes deviendra nécessairement un « c barré » (surtout s’il a été dessiné à partir d’un « c », comme cela semble probable dans certains cas)…
Bref, le symbole de l’euro ressemble à un « U.S. cent » dont la barre se serait dédoublée et couchée… Normal, après un effort pareil…
Pourquoi est-il si difficile d’adapter le symbole de l’euro à différentes polices ? Ce n’est pas le premier symbole barré ($, £, ¥, ¢, etc.), mais c’est le premier * dont l’une des barres appartient au dessin et même au squelette de la lettre (on avait déjà tenté le coup avec le « F » du franc français, mais nous y avons échappé…).
* Sauf erreur… En tout cas, c’est le seul d’usage courant…
Enlevez la ou les barres du dollar, de la livre, du yen, du cent, il restera un S, un L, un Y, un c. Par conséquent, vous pouvez prendre n’importe quel S, ou L, ou Y, ou c, et y ajouter une ou deux barres, vous obtiendrez un dollar, une livre, un yen, un cent… Ça marche avec toutes les polices… Enlevez les deux barres de l’euro, vous avez un c. Ajoutez-les à un machin ressemblant à un c d’une police quelconque, vous aurez un euro foireux…
Tout ça pour dire que les pères du symbole de l’euro sont certainement plus graphistes que typographes… et que nous voilà dans la merde… Bien fait…

À Typographie, le 30 novembre 1998.
M. BUJARDET : Il est vraisemblable que le symbole de l’euro deviendra rapidement de fait l’habitude dans la vie courante, tout en perdant de sa rigidité, comme la livre anglaise ou le dollar ont naguère eux aussi évolué ainsi.
Là, j’ai de sérieux doutes… Facile de faire évoluer et de décliner $, £, ¥ ou ¢… puisqu’il s’agit de S, L, Y, c… barrés. […] Maintenant, essayez de faire la même chose avec le génial logo de l’euro…
J. ANDRÉ : Encore une FAQ à écrire : d’où vient le symbole du dollar ? D’un P et non d’un S !
En tout cas, pour en dessiner un, il est plus facile de partir d’un « S » que d’un « P »…
J. ANDRÉ : P comme peseto. Toute autre légende (Gibraltar, US crénés, etc.) a été rejetée par… un spécialiste de l’histoire des maths !
Les anciennes légendes ( ?) relatives au dollar, au peso, voire à la peseta, avaient du mérite…
Si l’origine est le peso, quelle autre explication vient remplacer les Colonnes d’Hercule (et la bannière), symbole que l’on retrouve dans des armoiries, sur des drapeaux espagnols et même sur une pièce d’un peso ? Légende rejetée, mais au profit de quelle explication ? S’il y en a une, décisive, nous voulons la connaître !
Par ailleurs, la piste du shilling, retenue par d’estimables typographes du Nouveau Monde, dont R. Bringhurst, est-elle définitivement abandonnée ? A priori, elle n’est pas absurde…


II. Usage et typographie de l’euro

À Typographie, du 22 avril au 11 mai 1998.
J. ANDRÉ : La presse parle beaucoup de l’euro, mais l’écrit Euro, EURO, parfois EURO en petites capitales.
Ces eurotomanes sont des zéros. La presse… écrit n’importe comment (histoire de réveiller JiDé…), mais les dictionnaires (des types sérieux) écrivent : euro.
Cet euro est intéressant… Tous les noms de monnaies se composent intégralement en bas de casse (même s’ils reprennent un nom propre : cinq louis), ils prennent la marque du pluriel (deux bolivars), mais tous les symboles (à l’exception des unités fractionnaires) sont des capitales (F, £, $)… à l’exception de cet eu-rot, que certains écrivent Euro, et dont le symbole rappelle fâcheusement une onciale (c’est-à-dire tout sauf une capitale)…
Bref, c’est bien parti pour faire un malheur !
O. RANDIER : Si l’on pouvait s’en tenir à une lettre (« E » ?), ce serait l’idéal, pour l’alignement dans les tableaux. Vos avis ?
C’est également mon avis, et je le partage… Dans l’usage courant (hors des opérations bancaires…), « E » devrait largement suffire pour représenter l’euro, comme « F » suffisait largement pour représenter le franc…
Toutefois, comme le mien, ton avis est sans poids face à la séduction des logotypes : y a de plus en plus de clients pour les petites images archaïques…
Tant mieux si le modeste « E » a davantage de supporters que le ballon rond barré… Toutefois, quand l’heure sera venue (et que la petite image sera intégrée à la plupart des polices…), je crains que nul ne soit à l’abri d’oukases directoriaux ou eurocratiques, d’arbitrages vicieux… En attendant, je suis bien de votre avis : utilisons « E » à tire-larigot… non pour qu’il élimine le logotype (c’est perdu d’avance, on ne lutte pas contre le onze des banquiers centraux), pour lui assurer un statut de remplaçant intelligent…

À Typographie, du 27 au 30 novembre 1998.
A. LABONTÉ : Il y a plusieurs bonnes raisons de s’en servir [de ], dont une qui a trait à la longueur des champs dans de vieilles applications, pour minimiser l’impact du changement. Un caractère passera partout, trois caractères pour en remplacer un poseront problème (et il y aura confusion avec escudo si « E » tout court est utilisé)… Il y a bien d’autres raisons, mais surtout la volonté d’attirer l’attention et d’éviter toute confusion. [Je suis très] impliqué dans ces supposées « c…s », pas si « c… » que ça… en y pensant bien… en ce qui concerne les caractères et les claviers…
Alain, je ne te suis pas… Il ne s’agit pas de ça… La connerie en question est que le symbole de l’euro n’est pas un caractère mais un logotype, c’est-à-dire… une image (et, pour l’heure, rien de plus). Tu n’y es pour rien…
Cette confusion, cette méprise, bref, cette épouvantable connerie a déjà été évoquée ici, ainsi que ses « raisons ». Ainsi que l’énorme difficulté à décliner cette petite mais raide image selon des critères typographiques !
Quant à l’éventuelle confusion (entre l’escudo et l’euro) engendrée par l’abréviation courante « E » (que nous sommes nombreux ici à appeler de nos vœux… puisque l’euro lui-même semble hélas inéluctable), hors du Portugal, elle n’est pas plus réelle que ne l’est (encore pour deux ans) celle que le simple et parfaitement correct « F » aurait pu introduire entre, par exemple, le franc français et le franc belge… J’en sais quelque chose… Aucun risque… car, tu es bien placé pour le savoir, dès que les circonstances l’exigent, on a recours à la norme et à ses FRF, BEF.
Si tu me dis que « E » (pour euro) est incorrect, tu devras m’expliquer aussi que « F » pour franc l’était… Or, c’était et c’est encore l’abréviation courante recommandée par les typographes… Tu me diras que l’euro est européen et qu’il vaudrait mieux que l’abréviation courante soit la même partout. J’en conviens… mais j’ajoute : pas à n’importe quel prix… […]
Je suis d’accord avec toi pour clamer haut et fort que, s’agissant de « formes abrégées », la seule façon d’éviter les méprises c’est la norme ISO 4217. Donc : EUR, USD, GBP, CHF… Pour le reste, laissons aux typographes et aux dernières marchandes des quatre-saisons la liberté d’employer l’abréviation qui leur convient le mieux…
L’idéal serait évidemment que les euronuls se rendent compte de leur erreur et qu’ils fassent dessiner un caractère pour l’euro… en partant d’un « E » (et non d’un « C », comme c’est le cas pour notre dingbat actuel)… mais je n’y crois pas trop…
L’autre solution (hormis les cas où la norme s’impose avec ses trois lettres…) serait de ne jamais abréger l’euro… Après tout, quatre lettres, c’est peu… Mais on tombera sur le délicat problème du pluriel…
O. RANDIER : « E », « e. », « Eu », « Eo », « eu. », « eo. », …  ?
Tu peux déjà éliminer toutes les formes avec un point abréviatif… On parle d’abréviation, mais c’est par pure facilité… Les « abréviations » courantes des noms de devises sont des symboles et non des abréviations au sens strict. Aucune n’a de point abréviatif. (La plus fautive des formes proposées est évidemment « eo. »… puisqu’elle viole joyeusement deux règles : obtenue par retranchement médian, elle n’aurait pas de point abréviatif… même si elle était une véritable abréviation…)
Tu peux également éliminer toutes les formes dans lesquelles le bas de casse intervient (surtout en initiale ou en caractère unique !)… Tous les symboles de devises sont en caps (alors que tous les noms de devises sont intégralement en b. d. c…).
Reste pas grand-chose…
Il n’y a, pour l’heure, que quatre façons de coucher par écrit notre future monnaie unique. La première est évidente… La deuxième est légitime et intelligente. La troisième est légitime et grotesque (mais seul le premier qualificatif a du poids). La quatrième n’a pour elle que sa simplicité et sa cohérence avec l’ensemble de notre système de conventions typographiques (ce dont tout le monde se fout, ce qui n’a rien de surprenant) : euro – EUR – (logo) – E.
Perso. Ne t’inquiète pas… tu n’es pas le seul à penser qu’un ouvrage expliquant en détail le comment et surtout le pourquoi de nos coutumes ne serait pas complètement inutile.
P. ANDRIES : Je trouve cette notation excellente car elle correspond exactement à la manière habituelle de prononcer les montants : deux écus 25 centimes (et non 2,25 écus).
Pas d’accord, cher ami… S’agissant de décimales, cet argument peut vous entraîner très loin…
Dans la vie courante, si vous avez à prononcer « 1,6 m », il est probable que vous lirez « un mètre soixante »… De là à défendre la notation « 1m60 »… Cela est réservé au monde non décimal… … 8 h 42, etc. Depuis que la livre britannique a rejoint le gros des troupes, j’ignore si le cas se présente encore pour les monnaies…

À Typographie, le 9 janvier 1999.
B. LERAILLEZ : Quelqu’un sait si la place de l’euro «  » a été définie ?
Elle n’a pas à être définie… Elle est.
Un montant en euros (ou en quelque devise que ce soit) est un cardinal, donc pas de discussion… en tête. 3 EUR (ça fait tard…), 3 km, 3 pages… Pour tout individu civilisé, un nombre placé en seconde position est immédiatement transformé en ordinal (page 3). Même les militaires le savent, qui font très bien la différence entre « 24 km » et « km 24 »… Il n’y a que les banquiers et les comptables pour ignorer ce petit détail chiffresque.

À Langue-Fr., le 7 janvier 2002.
H. LANDROIT : Éliminons tout de suite « e » ou « E » qui sont des abréviations fantaisistes, calquées sur « f » ou « F » pour franc.
Bonne raison pour ne pas les éliminer. D’autant que l’usage les sauvera…
H. LANDROIT : Le symbole est nouveau, …
Ce n’est pas un symbole… mais un logotype. C’est bien là le problème et l’effarante absurdité de la chose.
H. LANDROIT : 100 EUR.
Oui.
H. LANDROIT : Mais l’on préférera, dans la langue écrite soutenue, 100 euros.
Oui. Ou, encore plus soutenu, « cent euros ».
H. LANDROIT : «  100  » sera réservé à l’affichage commercial.
Non… c’est fréquent mais inadmissible en toutes circonstances. Pour une raison simple : en français, l’antéposition de l’unité transforme un cardinal en ordinal.
Exemples : 100 km (cent kilomètres) et km 100 (centième kilomètre). 100 p. (cent pages), p. 100 (page cent, c’est-à-dire la centième page). Pour rire un peu : 14 louis et Louis XIV.
H. LANDROIT : La virgule sera préférée au point pour séparer les unités des décimales (ainsi 20,58 euros).
« Préférée » me semble un peu faible… Le point est fautif.
H. LANDROIT : En résumé et pour répondre plus précisément aux questions posées sur la liste : l’euro doit s’accorder au pluriel, il ne porte pas de majuscule ; centime est préférable à cent.
D’accord sur tout (sauf, de nouveau, sur « préférable »…).


Évangile Bible.

L’Évangile (doctrine du Christ), l’Évangile selon saint Luc (livre biblique) ; pendant l’évangile (moment de la messe), le curé s’est mis à tousser ; ton laïus, c’est pas franchement parole d’évangile ; Démocratie française fut un temps l’évangile libéral.


Événement historique Âge, Date, Époque, Guerre, Révolution.

« L’histoire est l’ironie en marche, le ricanement
de l’Esprit à travers les hommes et les événements. »
Émile Michel C
IORAN, Précis de décomposition.

La Commune, le Déluge, le Front populaire, la Libération, la Longue Marche, le troisième choc pétrolier.

Exemple de mauvais usage : « La France, neuf ans après la libération, a mauvaise mine ; et d’autre part elle ne se sent pas bien. » – Jules R
OMAINS, Examen de conscience des Français.
Seraient meilleures les formes « neuf ans après la Libération » ou « neuf ans après sa libération ».


••• Événements datés

La dénomination de nombreux événements historiques fait référence à une date, à une durée ou à un élément temporel quelconque (saison, fête, etc.) : les Cent-Jours, la guerre de Cent Ans, la journée des Dupes, les Trois Glorieuses, les Trente Glorieuses, le 9 Thermidor, le 18 Brumaire, Mai 1968, les massacres de Septembre, les Pâques sanglantes, le Printemps de Prague ; le 18 juin, la nuit du 4 août, le 14 juillet 1789, le 18 brumaire an VIII, la révolution de 1848.


Événement sportif Manifestation sportive


Exergue Épigraphe


Expédition Guerre


Exposant Abréviation, Appel de note, Madame, mademoiselle, monsieur, Numéro.

Les éditeurs et les traducteurs de logiciels feignent de l’ignorer mais les typographes français ont un vocabulaire respectable. Ils ne connaissent ni exposant ni indice, mais des lettres, des chiffres, des signes supérieurs ou inférieurs. Les exposants des mathématiciens se composent en caractères supérieurs, les indices en caractères inférieurs.
Berthelot 1992.


À Typographie, le 5 janvier 1999.
T. BOUCHE : Quelle est la distinction fondamentale entre « exposants » et « supérieurs » ?
Pour la distinction fondamentale, faut t’adresser à un typofondamentaliste.
Pour l’anecdote, un signe supérieur est un caractère en tant que tel. Un signe en exposant est n’importe quel signe ordinaire mis en exposant…
À mon sens, les lettres et les chiffres supérieurs, indispensables au temps du plomb (t’imagines sinon les parangonnages d’enfer…), ont perdu beaucoup de leur intérêt… Est-il plus habile (et rapide…) de changer de police (faut de la police expert pour avoir un jeu plus ou moins utilisable) ou de mettre en exposant (bien réglé…) ?

À F.L.L.F., le 30 novembre 2000.
LAN CHAN THEUR : J’avais rejeté d’office exposant puisque la définition de ce terme le réserve au domaine des mathématiques (on ne met pas un r ou un o en exposant).
Si, justement… on peut mettre un r ou un o en exposant (et même en indice…). J’ajoute que l’immense majorité des lettres que vous voyez flotter au-dessus de la ligne de base sont hélas mises en exposant.
Yé m’explique… Au temps du plomb, il y avait déjà des « exposants » (que l’on n’appelait pas comme ça) et des lettres supérieures. (Comprendre « lettre » au sens large, c’est-à-dire « signe », y compris les chiffres…)
Les premiers s’obtenaient en parangonnant péniblement un corps beaucoup plus petit que celui du texte courant. Les secondes, d’un emploi aisé, étaient fondues dans le corps employé. Aujourd’hui, c’est presque la même chose, sauf que le dessin des exposants n’est plus spécifique à leur œil… ce qui est parfois ennuyeux.
Donc, aujourd’hui, sur nos drôles de machines :
— « exposant » désigne uniquement un format, disponible partout ;
— « lettre supérieure » désigne soit un format (dans les logiciels de mise en pages), soit un simple glyphe (« dessin ») associé à un caractère quelconque (police dite « expert »), soit un caractère (encore rare…) associé à des glyphes spécifiques.
Il vaut mieux employer les « vraies » lettres supérieures, dont le dessin devrait — en principe… — offrir des corrections optiques […], mais rares sont ceux qui perdent leur temps à aller pêcher de vraies lettres supérieures dans les polices « expert ». Dans quelques années, quand les polices auront enfin acquis une saine corpulence et les logiciels de bons réflexes, la situation s’améliorera…
Dernier mot… Dans les logiciels qui disposent de deux formats (exposant et lettre supérieure), il est bon d’employer les deux, afin de régler finement des pourcentages spécifiques.
LAN CHAN THEUR : Dans un imprimé produit à l’aide d’un logiciel « moyen », on n’obtient, en règle générale, qu’une approximation de la « vraie » lettre supérieure du typographe.
Oui, mais il ne faut pas exagérer les méfaits de cette approximation… (C’est beaucoup plus grave avec les « fausses » petites capitales.) En outre et en P.A.O., n’oubliez pas que le phénomène concerne (pour l’heure) toutes les grandes variations de corps… et que vous ne pouvez donc y échapper… Une garalde ou plus encore une didone bien dessinée pour les corps 9 à 12 sera nécessairement déficiente en corps 6 et hideusement empâtée en corps 72…
LAN CHAN THEUR : Le logiciel « moyen » utilise une technique analogue au parangonnage et des caractères grossièrement proportionnés pour simuler une lettre supérieure.
Oui. (Sauf pour le « grossièrement »… puisque le problème est qu’ils sont strictement, précisément, mathématiquement, obtusément réduits… D’accord quand même pour le grossièrement, car ce n’est pas la géométrie qui manque ici, c’est la finesse…)


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