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Télégramme
Petite capitale
Terre
Astre.
La
Terre Adélie, Terre-Neuve.
La
Terre sainte, voir : Saint.
Théâtre
Acte
d’une pièce de théâtre, Opéra.
« Le
théâtre, fertile en censeurs pointilleux, /
Chez nous, pour se produire est un champ périlleux. »
Nicolas BOILEAU,
Art poétique.
Apartés
et jeux de scène
Aujourd’hui,
les codes préconisent l’italique en toutes circonstances. Jadis,
ils se composaient en romain dans un corps inférieur à celui du
texte.
Tierce
Correcteur,
Correction.
Troisième
et dernière épreuve avant le tirage. « Réviser la
tierce », c’est s’assurer que toutes les corrections ont bien
été effectuées.
Le
Tiers, le tiers état, le Tiers Monde.
Tiret
Dialogue,
Trait d’union.
« Le
tiret, par son allure, a quelque
chose d’élégant. […] Il n’a pas, comme
sa congénère la parenthèse, le profil
bedonnant qui vous arrête au passage. »
Jules DENIS,
Grammaire typographique.
Le
tiret était un trait horizontal fondu sur cadratin.
Emploi.
— Incise, dialogues, insistance, remplacement,
bibliographies. Les tirets n’excluent pas la ponctuation
régulière :
« “À
propos…”, disait-elle — mais c’était pour changer de
conversation. » – Pierre MERTENS,
Une paix royale.
« Car
le rire — dit Spinoza — est une pure
joie. » – André COMTE-SPONVILLE,
le Mythe d’Icare.
« Mords
— Chien — et nul ne te mordra.
Emporte
le morceau — Hurrah ! —
.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
—
Pur ton sang ! pur ton chic sauvage !
—
Hurler, nager —
Et,
si l’on te fait enrager…
Enrage ! »
Tristan
CORBIÈRE,
« À mon chien Pope », les Amours jaunes.
Emplois
littéraires particuliers : suspension.
« Aussi
n’ai-je cessé de m’améliorer, à ce point de vue, car je — j’étais
intelligent et vif. » – Samuel BECKETT,
Molloy.
¶ Espace
La
plupart des codes modernes enseignent que les tirets sont précédés
et suivis d’une espace justifiante. C’est aller vite en besogne.
Avec
les tirets d’incise, rien ne devrait interdire de diminuer
sensiblement ces espaces si l’opération améliore la composition,
par exemple en éliminant une coupure en fin de ligne. En outre,
les tirets d’incise sont parfois suivis d’un autre signe de
ponctuation (souvent une virgule) qui imposera son propre
espacement, donc, éventuellement, l’absence d’espace.
Il
est indispensable de faire suivre les tirets de dialogue d’une
espace insécable. Si un nouvel alinéa est créé à chaque changement
d’interlocuteur, l’espace doit être fixe. Si le dialogue est
rapporté dans le même alinéa, le tiret (qui symbolise un
interlocuteur) ne peut finir une ligne.
Lefevre
1883.
I.
Tirets d’incise, espaces insécables
et débuts de ligne
À
Typographie, le 2 janvier 1999.
J.-D.
RONDINET :
Sur très petite justif, je tolère [un tiret d’incise ouvrant en
fin de ligne], bien sûr.
Ah !
cher JiDé, que ceci est juste et arrive à temps (ou trop tôt…). Je
m’apprêtais à rédiger un message vengeur dans lequel j’aurais dit
tout le mal que je pense de l’insécabilité systématique des
espaces internes des tirets d’incise ! Rien de tel pour créer
de faux problèmes dans les justifs étroites et même…
moyennes !
On
disserte sur les microns de l’alignement vertical mais on
n’hésiterait pas à « figer » la compo sur une longueur
valant au bas mot plusieurs cadratins (eh oui ! tiret
+ espace + mot bref ou portion de mot sécable
+ éventuelle div !) ? Cas
« typique » :
— joyau !… —
En
cas de besoin pressant, qu’est-ce qui est sécable ?
Pour
moi, pas d’hésitation… les deux espaces internes des tirets (et
évidemment… les deux espaces externes…) !
D’accord
pour brider les minables tirets sur demi-cadratin, mais pas les
vrais tirets ! Ils sont suffisamment forts pour remplir
clairement leur office où qu’ils se trouvent. Accordons-leur un
peu d’autonomie. Sauf, bien sûr, dans quelques cas particuliers, à
commencer par celui que tu as mentionné. Bref, une fois de plus,
c’est l’I.N. qui est dans le vrai en
« préconisant » des espaces sécables, même si ce vrai
est un peu partiel… Impossible, ici encore, d’énoncer une
« règle tout-terrain » qui satisfasse les néophytes et
les amateurs de néofitness. Préférons la vraie finesse.
Insécabilité tant que c’est possible… mais oublions-la dès qu’elle
risque de foutre le bordel et que la sécabilité n’engendre pas
d’horreur…
Site
Web de Jean-Pierre Lacroux.
Ici,
pas moyen de faire la différence entre un quart de cadratin et
une espace-mot.
Jamais
de quart de cadratin avec les tirets. Espace justifiante.
Du
moment qu’elles sont insécables.
C’est
un peu plus compliqué que ça. Pour faire simple, retenons le seul
tiret d’incise fermant. Il est évident que l’espace doit être
rendue insécable devant la séquence « —, ».
Lorsque
le tiret est isolé, si l’on peut (en « gagnant »)
récupérer le tiret fermant en fin de ligne, tant mieux, mais il ne
faut pas qu’une insécabilité forcée ruine l’espacement. Supposez
que le dernier terme de l’incise soit lui aussi insécable…
Oui,
je comprends bien ce que vous dites. Mais, dites-moi, une espace
justifiante insécable n’a-t-elle pas la même valeur qu’une
espace sécable ?
Théoriquement,
oui… par définition. Dans les faits, non… car l’espace insécable
réellement justifiante n’est pas disponible en tout lieu. Une
espace sécable est nécessairement justifiante. Théoriquement et
dans les faits.
L’inverse
n’est pas théoriquement vrai (une justifiante n’est pas
nécessairement sécable…), pourtant, nombreux sont ceux qui font
comme si… y compris certains concepteurs de logiciels, d’où
quelques petits problèmes…
Mettons-nous
bien d’accord, si ces problèmes techniques n’existaient pas, les
espaces à l’intérieur des tirets longs sont justifiantes et
devraient être insécables. Non ?
Oui
et non… disons, de préférence, ou pas systématiquement. (C’est
l’« aveugle automatisation de l’insécabilité » que je
contestais ici !) J’ai donné l’exemple d’un tiret d’incise
fermant précédé d’un mot (ou d’un groupe de signes) lui-même
insécable. Dans de tels cas, si vous maintenez les deux
« insécabilités », vous pouvez engendrer des horreurs.
Si les belles compositions pouvaient être obtenues en respectant
toutes les contraintes conventionnelles et sans avoir à effectuer
des choix, la vie serait plus facile…
Supposons
cette fin d’incise :
tuyaux —
Si
besoin est, et s’il est impossible de remanier en amont, de gagner
ou de perdre suffisamment, il ne faut pas hésiter à envoyer le
tiret en début de ligne suivante. Mais pas toujours… Par exemple,
si le problème se pose en fin de première ligne d’alinéa (et c’est
là qu’il peut se poser avec force : impossible de gagner ou
de perdre beaucoup…), il n’est pas recommandé d’envoyer un tiret
cadratiné en dessous d’un retrait d’alinéa, en général proche du
cadratin… Effet garanti…
Maintenant,
supposons ceci :
tuyaux
—,
moyens […]
Problème
encore plus difficile…
Je
comprends bien toutes ces difficultés et je sais qu’il faut
jouer parfois avec l’interlettrage. Un peu.
En
dernier recours, et à peine. Avant, il faut jouer avec la division
des mots. La P.A.O. (et avant elle la photocompo et le
phototitrage) autorise des manœuvres jadis impossibles (entre
autres, la réduction de l’interlettrage…), c’est très bien, il ne
faut surtout pas s’en plaindre ! mais elle ne doit pas faire
oublier les priorités. […]
C’est
ça que vous appelez « gagner » ?
Oui,
enfin… pas exactement. « Gagner », c’est faire remonter
des signes en amont, quel que soit le procédé employé, et il y en
a plusieurs. « Perdre », c’est bien entendu le
contraire.
II.
Tirets et ponctuation
À
Typographie, le 7 janvier 1999.
J.
TOMBEUR :
En tout cas, même en me replongeant dans divers codes, je n’ai
jamais réussi à comprendre dans quel cas la virgule s’imposerait
après le second tiret.
Exemple
1 : bla bla ba — bla bla bla bla bla bla — bla bla,
etc.
Exemple
2 : bla bla ba — bla bla bla bla bla bla —, bla bla,
etc. (soit : tiret + virgule)
Je
vais te dire comment j’ai compris la chose et comment je pratique
(car d’autres, jadis et naguère ont suivi d’autres voies…).
C’est
très simple (mais on a le droit de faire plus compliqué…). Si les
tirets d’incise interviennent dans une « phrase sans
virgule », on n’en ajoute pas une… S’ils s’insèrent dans une
« phrase avec virgule », on ne fait pas sauter celle-ci.
Exemples :
Ce
président — pas le camembert, l’autre — m’énerve un maximum.
Ce
mec, au premier rang sur la photo — oui, le connard —, m’agace
prodigieusement.
À
Typographie, le 26 avril 2001.
J.
ANDRÉ :
Je dois avouer que, quand je joue les correcteurs, je m’énerve
et peste contre les auteurs qui écrivent des trucs du
type : xxx — yyyy —, etc., car à 99 % des cas
la virgule est complètement inutile, voire nuisible…
Oui…
mais elle est obligatoire avant « etc. » ! S’il y a
quelque chose à éliminer, ce n’est certainement pas elle.
J.
ANDRÉ :
Idem en fin de phrase où je considère qu’en général —
xxx—. est une faute (le dernier tiret étant inutile).
Pourquoi
« en général » ? C’est une faute en toutes
circonstances…
À
F.L.L.F., le 14 août 2001.
G.
DELIÉGE :
Lorsque l’on se sert de tirets à la manière de parenthèses et
que la phrase se termine, doit-on d’abord clore par un tiret
final avant le point…
Non.
G.
DELIÉGE :
… ou faut-il seulement mettre un point ?
Pas
nécessairement « un point » — qui n’est pas le seul
signe de ponctuation de fin de phrase !…
À
F.L.L.F., le 4 juin 2002.
L.
BENTZ :
Il disparaît devant une ponctuation « forte » :
point-virgule, …
Aïe…
Drillon le prétend, mais c’est faux…
L.
BENTZ :
… point d’interrogation, point d’exclamation final, point tout
court.
Oui,
sauf que « final » devrait être au pluriel… car un point
d’interrogation n’est pas nécessairement final — non ? — et
s’il ne l’est pas, rien n’interdit qu’un tiret le suive.
III.
Tirets sur demi-cadratin
À
F.L.L.F., les 21 et 22 août 2000.
D.
LIÉGEOIS :
J’ai appris par hasard que les appellations anglaises em
dash et en dash, dont je me suis longtemps demandé ce
qu’elles signifiaient, désignent en fait des tirets dont la
longueur est respectivement égale, typographiquement, aux
combinaisons « em » et « en », tout
simplement.
Non…
Essayez de mettre deux « en » dans la largeur d’un
« em » ! Quelle que soit la police, vous n’y
parviendrez pas. […]
En
fait, c’est encore plus simple et beaucoup plus précis :
—
em : cadratin (carré dont le côté est égal à la force
du corps) ;
—
en : demi-cadratin ;
—
em dash : tiret sur cadratin ;
—
en dash : tiret sur demi-cadratin.
J.
ANDRÉ :
Alors qu’on utilisait autrefois le tiret sur cadratin pour les
incises, etc., on a tendance aujourd’hui à n’utiliser que le
demi-cadratin (c’est ce que fait l’I.N. par exemple).
L’Hyène
a bien tort (d’autant qu’elle y va sournoisement… on en a discuté
ailleurs…). C’est une mode funeste ! qui ne se justifie que
dans les justifications très étroites… donc, surtout dans la
presse.
À
Typographie, le 7 janvier 1999.
J.
FONTAINE :
Acceptez-vous la distribution des rôles que Méron donne aux
différents types de traits et tirets ? [N. D. É. :
Selon J. Tombeur, Jean Méron distingue les tirets
demi-cadratinés, qu’il réserve aux incises, et les tirets
cadratinés, qu’il réserve aux listes et aux dialogues.]
Non…
[…] Plus le trait est graphiquement faible, plus le lien
sémantique est fort. Oublier cela et « hiérarchiser »
les tirets d’incise et d’appel, c’est introduire un surcodage non
seulement arbitraire (c’est une évidence) mais
« contresensique »…
Je
ne comprends d’ailleurs pas ce que peut signifier ce membre de
phrase : « […] et de réserver l’usage du tiret
demi-cadratiné aux signes d’insertion, en remplacement des
parenthèses et de la virgule. » Ça vous arrive souvent
d’avoir à « remplacer » des parenthèses et une virgule
par des tirets ? À moi, jamais. Oubliez la mesquinerie,
c’était pour rester dans l’esprit, j’ai eu tort, je reviens au
fond de l’affaire : les tirets, les parenthèses et les
virgules ne sont pas des signes « interchangeables »,
ils jouent des rôles précis, précieux et plus ou moins codifiés.
Plutôt que d’inventer de nouvelles distinctions et de nouveaux
codes graphiques, on ferait mieux d’essayer de comprendre
sereinement ceux qui sont en activité. Enfin, c’est mon avis…
En
revanche, dans les compositions « normales », je suis
partisan (ça n’engage à rien… d’autant que c’est déjà pratiqué)
d’un occasionnel et léger (et non strictement
« réglementé ») surcodage faisant du tiret sur
demi-cadratin un « trait d’union faible » (on en a déjà
parlé, à propos des « associations » de mots composés).
Non réglementé… car, exceptionnellement, dans les justifications
très étroites, je ne vois pas pourquoi on se priverait du tiret
sur demi-cadratin comme remplaçant systématique du tiret cadratiné
(et, dès lors, la hiérarchie fine… à la poubelle).
On
me dira que cette position est encore plus contresensique (et
d*****) que celle de Mr Méron… puisqu’elle
attribue au tiret sur demi-cadratin deux rôles totalement
différents, voire antagonistes. I know, mais primo… c’est pas
établi… deuzio, c’est tactique.
Primo,
ces deux rôles n’interviennent jamais dans les mêmes
justifications (et rarement dans les mêmes compos). Faut tenir
compte des valeurs (relatives) présentes en un lieu donné… les
seules qui comptent vraiment…
Deuzio,
refuser dogmatiquement, et en toutes circonstances, le recours au
tiret sur demi-cadratin comme remplaçant systématique du tiret
cadratiné c’est ne pas tenir compte du réel. C’est donc, à plus ou
moins long terme, condamner le tiret cadratiné à n’être plus qu’un
artifice pour typomanes. Ce serait très con. Du moins à mon sens…
car j’adore (bêtement) les vrais tirets…
Pour
résumer, le tiret sur demi-cadratin porte un nom un peu trompeur.
C’est en « principe » (histoire d’en placer un) un trait
d’union faible… et exceptionnellement un ersatz rabougri du vrai
tiret. Cela dit, cela ne me gêne nullement qu’ici ou là on lui
attribue tous les rôles imaginables… Pour être complet, ça ne me
gênerait pas énormément si l’on ne l’employait jamais, on a vécu
sans lui pas mal de temps… mais je trouverais quand même idiot de
se priver d’un signe qui peut avoir une utilité (même limitée).
S’agit simplement de pas lui en demander trop…
Titre
de civilité
Madame, mademoiselle, monsieur,
Titre honorifique, Titre
religieux
Titre
de départ
Faux
titre.
Reprise
du titre (parfois abrégé) d’un ouvrage en tête de la première page
du texte courant.
Titre
d’œuvre
Bible,
Bibliographie,
Code, Index,
Italique, Livre
sacré, Majuscule,
Musique.
Les
titres d’œuvres sont doublement « balisés » : par
l’italique (ou les guillemets) et par les capitales. Celles-ci ne
sont pas destinées à marquer le début (parfois fluctuant…) d’un
titre : c’est le rôle de l’italique que d’indiquer clairement
ce qui appartient au titre ; c’est lui qui permet de savoir
où commence et où finit le titre…
Il
est redondant d’utiliser uniquement les capitales pour remplir le
même office. Redondant et néfaste, car on fait ainsi perdre son
véritable emploi à la première capitale : indiquer fermement
(sans passage effarant d’un mot à l’autre…) la place du titre dans
un classement alphabétique.
••• Italique
Les
titres d’œuvres cités se composent en italique, quelle que soit
leur situation (texte courant, bibliographie, index, etc.), leur
forme (complète ou tronquée, exacte ou approximative), la nature
de l’œuvre (littéraire, picturale, musicale, cinématographique,
etc.).
BACHELARD
(Gaston), la Poétique de l’espace, Presses universitaires
de France, Paris, 1957.
« Il
adore la Poétique de l’espace, la Vue de Delft et
Carmen. »
« Personne
m’a pardonné le Voyage… depuis le Voyage mon
compte est bon !… » – Louis-Ferdinand CÉLINE,
D’un château l’autre.
« Le
livre qui compta le plus pour nous cette année, ce fut Voyage
au bout de la nuit de Céline. » – Simone de BEAUVOIR,
la Force de l’âge.
« D’abord,
on causa des choses du jour, entre autres du Stabat de
Rossini […]. » – Gustave FLAUBERT,
l’Éducation sentimentale.
« Un
aveugle jouait l’Internationale, sa sébile devant
lui. » – André MALRAUX,
l’Espoir.
Gouriou
1990 (italique : titre réel), Impr.
nat. 1990 (marque de l’authenticité).
Les
titres non traduits obéissent à la même règle : pendant qu’il
lit le dernier chapitre de Chosen Country, elle écoute Das
Lied von der Erde.
Exceptions (voir aussi Italique § 7)
•
Sont composées en romain et guillemetées les parties d’un
ouvrage : chapitres, nouvelles, poèmes, contributions,
articles, etc. : je crois que « Bénédiction » est
le premier poème des Fleurs du mal.
••
Hors des références, on compose en italique si le titre du recueil
n’est pas cité conjointement : il préfère Une charogne
à l’Albatros.
Code
typ. 1993.
•••
Noms français ou francisés des livres sacrés des religions
monothéistes : la Bible (une bible du XIVe
siècle), le Coran (un coran broché), la Torah, la Genèse, le
Deutéronome, l’Évangile selon saint Matthieu, etc. (mais : Rigveda,
Agama, etc.). Voir : Bible,
Livre sacré.
•••
Codes : le Code pénal, le Code Napoléon, etc. Les
subdivisions se mettent en italique : Code civil, De la
prescription. Voir : Code.
•••
Dans le corps du texte, il convient d’être très attentif au
premier déterminant : s’il n’appartient pas au titre, s’il
est modifié (contraction, substitution) ou déplacé, il doit être
composé en romain.
Exemples.
— Les Châtiments * et les Misérables
sont ses livres de chevet ; il a lu cent fois le dernier
chapitre des Misérables ; son opéra favori est le
Barbier de Séville ; il adore le sublime Barbier de
Séville.
*
Titre de la première édition : Victor Hugo rajoutera l’article (les
Châtiments) dans l’édition de 1870 (N. D. É.).
Devant
un titre tronqué ou approximatif, l’article est toujours composé
en romain : il ne se lasse pas d’écouter le Barbier.
••
Un titre approximatif ou tronqué peut toutefois être précédé d’un
article en italique dans certaines citations (expressions d’un
tiers rapportées fidèlement ou avec ironie) : « Mme Verdurin
[…] tenait la Ronde pour le plus grand chef-d’œuvre de
l’univers avec la Neuvième et la Samothrace. » – Marcel
PROUST,
Du côté de chez Swann.
•••
Dans un texte en italique, les titres d’œuvres se composent en
romain : Pascal n’a jamais lu les Provinciales de
Giraudoux.
•••
Il convient de ne pas confondre le titre et le sujet des œuvres
(singulièrement dans les arts plastiques). Les thèmes et les
genres se composent en romain : les mendiants de Callot, les
Caprices de Callot.
Traditionnellement, certains thèmes religieux prennent la
majuscule : une Crucifixion, une Vierge à l’Enfant. On
accorde l’italique à quelques grandes œuvres :
la Pietà
de Saint-Pierre est la plus célèbre des Pietà de Michel-Ange.
En
revanche, il est inutile (et souvent présomptueux) d’établir une
distinction graphique entre les titres dus aux créateurs des
œuvres et ceux qui ont été attribués ou modifiés (parfois à
plusieurs reprises) par la postérité. L’exemple classique est la
Sortie du capitaine Frans Banning Cocq et de son lieutenant
Willem van Ruytenburch devenue
la
Ronde de nuit à cause de l’encrassement malencontreux de la
toile.
•••
Attention ! Lorsqu’un mot ou un groupe de mots a une forme
identique à celle d’un titre, sans désigner explicitement l’œuvre,
il ne mérite pas l’italique : il ignore les prénoms des
frères Karamazov ; ce gamin est aussi agaçant que le petit
prince de Saint-Exupéry ; vous me faites furieusement songer
à madame Bovary.
••• Majuscules et minuscules
Article
défini :
l’Après-Midi
d’un faune (Stéphane MALLARMÉ)
les
Beaux Quartiers (Louis ARAGON)
le
Chef-d’Œuvre inconnu (Honoré de BALZAC)
les
Chevaliers de la Table ronde (cycle romanesque du XIIIe siècle)
le
Feu (Henri BARBUSSE)
le
Génie du christianisme (François René de CHATEAUBRIAND)
le
Journal d’un curé de campagne (Georges BERNANOS)
les
Provinciales (Blaise PASCAL)
le
Temps retrouvé (Marcel PROUST)
le
Vice puni, ou Cartouche (Nicolas de GRANDVAL)
Article
indéfini :
De
l’amour (STENDHAL)
De
la démocratie en Amérique (Alexis de TOCQUEVILLE)
De
l’esprit des lois (Charles de MONTESQUIEU)
De
la religion considérée dans sa source, ses formes et son
développement (Benjamin CONSTANT)
Des
souris et des hommes (John STEINBECK)
Du
côté de chez Swann (Marcel PROUST)
Du
pape (Joseph de MAISTRE)
Un
beau ténébreux (Julien GRACQ)
Un
chapeau de paille d’Italie (Eugène LABICHE)
Un
cœur simple (Gustave FLAUBERT)
Une
saison en enfer (Arthur RIMBAUD)
Une
ténébreuse affaire (Honoré de BALZAC)
Une
vie (Guy de MAUPASSANT)
Phrase
ou fragment de phrase :
Comme
il vous plaira (William SHAKESPEARE)
J’irai
cracher sur vos tombes (Boris VIAN)
On
ne badine pas avec l’amour (Alfred de MUSSET)
Titre
double :
la
Belle et la Bête (Jean COCTEAU)
Bien
Avisé et Mal Avisé (farce anonyme de 1439)
Contes
moraux et Nouvelles Idylles (Denis DIDEROT)
Crime
et Châtiment (Fiodor DOSTOÏEVSKI)
Défense
et Illustration de la langue française (Joachim Du BELLAY)
Émaux
et Camées (Théophile GAUTHIER)
Émile
ou De l’éducation (Jean-Jacques ROUSSEAU)
la
Pesanteur et la Grâce (Simone WEIL)
le
Rouge et le Noir (STENDHAL)
Substantif
suivi d’un verbe relatif :
l’Anglais
tel qu’on le parle (Tristan BERNARD)
Chiffres
et nombres :
Ali-Baba
et les Quarante Voleurs (conte des Mille et Une Nuits,
dans la traduction d’Antoine GALLAND)
les
Deux Amis (Jean de LA
FONTAINE)
les
Quatre Vents de l’esprit (Victor HUGO)
Quatrevingt-treize
(Victor HUGO)
Trois
Contes (Gustave FLAUBERT)
Un
de Baumugnes (Jean GIONO)
Vingt
Mille Lieues sous les mers (Jules VERNE)
Évidence :
l’Âne
Culotte (Henri BOSCO)
Boule
de Suif (Guy de MAUPASSANT)
Alice
au pays des merveilles (Lewis CARROLL)
Angelo,
tyran de Padoue (Victor HUGO)
Barbe-Bleue
(Charles PERRAULT)
Bel-Ami
(Guy de MAUPASSANT)
Chansons
des rues et des bois (Victor HUGO)
Connaissance
de l’Est (Paul CLAUDEL)
la
Critique de l’École des femmes (MOLIÈRE)
Dialogue
sur l’éloquence en général et sur celle de la chaire en
particulier (François de FÉNELON)
Dictionnaire
des idées reçues (Gustave FLAUBERT)
Discours
de la méthode (René DESCARTES)
Discours
sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes
(Jean-Jacques ROUSSEAU)
Double
Assassinat dans la rue Morgue (Edgar Allan POE)
Entretiens
sur la pluralité des mondes (Bernard de FONTENELLE)
Esquisse
d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain
(Marie Jean Antoine Nicolas de CONDORCET)
Essais
(Michel de MONTAIGNE)
Essai
sur l’indifférence en matière de religion (Robert Félicité
de LAMENNAIS)
Histoire
des origines du christianisme (Ernest RENAN)
Introduction
à la vie dévote (saint François de SALES)
Jacques
le Fataliste (Denis DIDEROT)
Lettre
à la noblesse française au moment de sa rentrée en France
(Antoine de RIVAROL)
Lettres
persanes (Charles de MONTESQUIEU)
Mémoires
secrets pour servir à l’histoire de la république des lettres en
France depuis 1762 jusqu’à nos jours... (Louis Petit de BACHAUMONT)
le
Mystère des saints Innocents (Charles PÉGUY)
Napoléon
le Petit (Victor HUGO)
Nouvelles
genevoises (Rodolphe TÖPFFER)
Pensées,
maximes et anecdotes (Sacha GUITRY)
Pot-Bouille
(Émile ZOLA)
Présentation
de la Beauce à Notre-Dame de Chartres (Charles PÉGUY)
Provinciales
(Jean GIRAUDOUX)
Prométhée
enchaîné (ESCHYLE)
le
Prométhée mal enchaîné (André GIDE)
Remarques
sur la langue française (Claude de VAUGELAS)
Traité
des passions de l’âme (René DESCARTES)
I. L’emploi des capitales dans les titres
À
France-Langue, du 28 mars au 3 avril 1997.
BERLOL :
À propos des lettres capitales dans les titres d’ouvrages, j’ai
appris, dans le très officiel cours de bibliographie de D.E.A.
que j’ai suivi à Paris III, que l’on mettait une majuscule
au premier mot d’un titre, ainsi qu’au premier substantif quand
il n’était pas le premier mot (ainsi qu’aux noms propres, bien
entendu) — et c’est tout ! Quelqu’un peut-il nous confirmer
cette règle ?
Oh !
non… je ne confirmerai pas cette « règle »… qui n’existe
que dans le chef de ceux qui cherchent à se faciliter la vie aux
dépens de leurs éventuels lecteurs. C’est un peu plus compliqué
que cela (pour les scripteurs, mais après tout, ils sont
généralement payés…) et plus clair (pour les lecteurs, qui paient,
le plus souvent).
Voici
quelques titres écrits selon la tradition typographique française
(titres placés au sein d’une phrase) : La guerre de Troie
n’aura pas lieu, le Rouge et le Noir, les Beaux
Quartiers, Du côté de chez Swann, Une saison en
enfer.
Cette
« règle », si on l’appliquait, engendrerait : La
Guerre de Troie n’aura pas lieu, Le Rouge et le noir,
Les beaux Quartiers, Du Côté de chez Swann, Une
Saison en enfer…
BERLOL :
Les exemples donnés ci-dessus me paraissent pertinents mais je
ne saisis pas la règle. Pourquoi le « Noir » avec
majuscule : le Rouge et le Noir ; pourquoi
« guerre » sans majuscule : La guerre de
Troie… ?
Que
M. Lacroux se rassure, je ne cherche pas la facilité. Mais une
explication du type : « La tradition veut que… »
ne me paraît pas satisfaisante.
Ce
n’est pas parce que la règle est traditionnelle qu’il faut la
respecter, c’est parce que la tradition est dans ce cas précis
très pertinente qu’elle doit (devrait ?) demeurer la règle…
Sous ce vilain mot — « la tradition » — se cache la
réflexion de plusieurs générations de typographes qui n’ont pas
concocté uniquement des inepties (je vous rassure, il y en a
quelques-unes dans l’héritage typographique…).
Je
me bornerai à apporter quelques détails complémentaires à propos
des titres du type « phrase verbale ». C’est le seul cas
où un titre commençant par un article défini prend la majuscule
initiale à cet article défini (et aux éventuels noms propres).
Pourquoi ?
Outre l’argument principal donné par B. Dupriez (l’essentiel n’est
pas contenu dans le substantif), il en existe d’autres, qui lui
sont liés. Ils découlent presque tous de ce fait : dans les
phrases verbales, il est très difficile de modifier (contracter),
remplacer ou éliminer l’article défini initial… Autant lui foutre
la paix, le maintenir en toutes circonstances et, par conséquent,
lui accorder la majuscule initiale. Ce « par
conséquent » n’est pas sans conséquence. La première capitale
initiale n’a pas pour véritable vocation d’indiquer le début du
titre — c’est le rôle de l’italique ou, si celui-ci n’est pas
envisageable (polices manuaires, scriptes, fractures, etc.), des
guillemets —, elle détermine le classement alphabétique
(indexation). Digression… : voilà pourquoi les graphies (qui
se répandent aujourd’hui) comme Le malade imaginaire sont
ridicules et dangereuses. À moins de vouloir classer les
innombrables titres commençant par un article défini à
« L »… À moins de prendre plaisir à perturber le lecteur
en lui offrant successivement « Le malade imaginaire
est une pièce de Molière » et « Molière est l’auteur du
Malade imaginaire ».
Revenons
à nos phrases verbales.
Premier
point : dans ces occurrences, la contraction de l’article
défini (masculin singulier, masculin et féminin pluriel) est
théoriquement impossible. Si rien n’interdit de dire ou d’écrire
que Courteline est l’auteur du (de « le ») Train de
8 heures 47, il est un peu choquant d’affirmer que Fred
Zinnemann est le réalisateur du (de « le ») [T]rain
sifflera trois fois, ou que Hemingway est l’auteur du [S]oleil
se lève aussi (à lire à haute voix, même si le sujet semble
en apparence uniquement typographique…). Aujourd’hui, personne ne
se soucie de ces futilités. Laissons tomber…
Second
point (mon favori) : dans les titres commençant par un
article défini mais qui ne sont pas des phrases verbales, il est
possible d’intercaler un qualificatif de son cru entre l’article
(qui dès lors n’appartiendra plus au titre…) et le premier
substantif (exemple : le Barbier de Séville, le
sublime Barbier de Séville) ; cela est très
déconseillé dans les titres du type phrase verbale
(« l’inoubliable [T]rain sifflera trois fois »
est simplement grotesque). Dans le premier cas, l’article défini
appartient au titre mais il peut en être détaché, il peut lui
devenir étranger, il peut être contracté, remplacé par un
démonstratif, un possessif… Dans le second cas, l’article est un
constituant essentiel du titre : on ne peut l’éliminer sans
dommage. (« Sa Règle du jeu est un
chef-d’œuvre. » Mais peut-on écrire, sans intention
comique : « Ce Père Noël est une ordure n’est
pas terrible » ?)
Remarque.
— N’entrent évidemment pas dans la catégorie des phrases verbales
les titres du type « article défini + substantif +
relative » (l’Espion qui venait du froid), dans
lesquelles le substantif demeure l’élément principal, le noyau,
pour reprendre le terme de B. Dupriez.
À
France-Langue, le 14 novembre 1997.
B.
DUPRIEZ :
La majuscule à l’adjectif qui précède le nom introduit par
l’article défini dans les titres : le Vieil Homme et
la Mer… Est-ce que c’est tous les adjectifs (y compris les
numéraux et les indéfinis : les Quatre Cents Coups,
les Quelques Remarques) ou bien les seuls
qualificatifs ?
Tous
les adjectifs… et pas qu’eux ! Les adverbes aussi !
Donc, tout ce qui peut éventuellement se trouver entre l’article
défini et le substantif qu’il détermine : les Deux
Orphelines, les Trois Mousquetaires, les Très
Riches Heures du duc de Berry.
Pourquoi ?
C’est toujours la même histoire… L’article défini initial peut
être contracté, voire éliminé. Alors, pour éviter de donner le
tournis au lecteur, il est sage d’accorder une cap à tout ce qui
se situe entre lui et le substantif qu’il détermine. Nos anciens
typographes n’étaient pas idiots !
À
Typographie, du 15 au 26 février 1998.
P.
CAZAUX :
Les autres règles sont très compliquées.
Non,
non… elles ne sont pas compliquées…
D’ailleurs,
l’essentiel n’est pas là. Quand bien même elles seraient
« compliquées », elles ne le seraient que pour le
scripteur ou son éventuel correcteur (il n’est pas absurde de
considérer qu’il s’agit de professionnels). Leur immense mérite
est qu’elles facilitent la vie du lecteur, par exemple grâce à
leur parfaite cohérence avec l’indexation.
La
prétendue « règle simplifiée » est une foutaise adoptée
avec enthousiasme par les scripteurs nonchalants et, plus grave,
oublieux des lecteurs. Mettez-la en œuvre : vous aboutirez à
des complications effectives pour le lecteur (capitales
alternatives…).
J.
FONTAINE :
Elle a publié son livre le Français que j’aime chez
Machin. Vicieux, je vous dis…
S’agissant
de jauger une règle relative à l’emploi des caps, le vice réside
surtout dans le fait de choisir un des rares exemples où
substantif (gentilé) et adjectif (langue) se distinguent par la
casse de la seule initiale…
Ce
vice consiste également à choisir un exemple qui ne peut être
correctement traité que si l’on a compris la différence entre un
titre « Phrase verbale » (Le Français se lève assez
leste, Le français s’épelle aussi) et un titre
« substantif + relative » (le Français qui en savait
trop, le Français tel qu’on le parle)…
Le
vice est de croire qu’une ambiguïté (de toute façon inévitable à
l’oral…) a priori voulue par l’auteur (sinon… le titre est mal
choisi…) devrait être levée par un artifice typographique…
Aucune
règle n’est à l’abri d’un tel contre-exemple. Prenons un cas où
aucune divergence n’existe entre « simplificateurs » et
« orthodoxes », où aucune variante n’est envisageable
(sauf le bas de casse intégral…) : Français du bout du
monde.
Que
ferons-nous pour lever l’ambiguïté de ce titre ? Rien,
surtout rien ! car elle résulte soit de la volonté d’un
auteur facétieux, soit de l’insouciance d’un écriveur qui ferait
mieux de changer son titre…
G.
PEREZ :
Mais, quand je vois un titre du genre le Français
aujourd’hui, je me demande toujours si la règle prévaut.
Certes, le contexte peut lever toute ambiguïté mais pourquoi la
typo des titres ajouterait-elle une ambiguïté là où il n’y en a
pas ?
Si,
si, justement, il y en a une… et ce n’est pas à la typo de la
lever (voir ma réponse à Jean Fontaine).
G.
PEREZ :
Quant au fait que les majuscules permettent de retrouver un
titre plus facilement dans l’index, je ne vois pas. Si on
précise en début d’index que les articles ne rentrent pas en
compte (par exemple) dans le classement, il n’y a plus de
difficultés.
Il
n’y a plus de difficultés… si dans la foulée on met également à
mal les règles de l’indexation, car, à l’exception des articles
définis non situés au début d’une phrase verbale, tous les
articles initiaux sont pris en compte dans l’indexation… Du
rififi chez les hommes, Le cave se rebiffe, Une
ténébreuse affaire, Zizanie (la).
G.
PEREZ :
En effet, avec le système que j’emploie (capitale unique en
début de titre et aux noms propres, bien évidemment, à
l’intérieur), il arrive quelquefois que l’article initial
rencontre un « de » et devienne « du ». À ce
moment-là, je reporte simplement la majuscule au mot suivant.
Sur
le « quelquefois », j’ai des doutes…
Moi,
j’aurais écrit : très fréquemment…
J.
FONTAINE :
Là
on ne parle plus de titres d’œuvres à proprement parler, mais
de journaux, dont plusieurs codes typos font un cas spécial.
Par exemple, ceux qui préconisent de supprimer les capitales
en général font souvent une exception dans le cas des
journaux.
La
question est : pourquoi ? Or, ceux qui préconisent ce
traitement distinct se gardent bien d’y répondre précisément…
J.
FONTAINE :
Autre chose, le fait qu’on puisse composer à peu près n’importe
comment le titre en page de couverture…
Oui…
c’est un fait… Reste à l’analyser…
J.
FONTAINE :
… pourrait parfois induire en erreur les
« fétichistes » de l’intégrité du titre. Par exemple,
la page couverture de la douzième édition (de poche) du Grevisse
porte comme titre : le bon usage, tout en bas de
casse, ce qui va évidemment à l’encontre de ce que l’auteur
préconise (pas de ce qu’il préconise pour les pages de
couverture, mais de ce qu’il préconise quand on cite un titre
dans un texte courant).
Le
fait en question est en partie dû à un autre fait : les
titres des couvertures sont souvent l’œuvre de graphistes ou de
typographistes pour lesquels aucune entrave mesquine ne saurait
entraver la liberté du créateur… Nous sommes ici aux confins de la
typographie et déjà sur le terrain peu sûr de la communication
visuelle.
Pour
être vraiment méchant : dans bien des cas, le bas de casse
téméraire est le seul élément qui justifie la facture… […]
Le
plus ennuyeux dans l’histoire, c’est que les petites audaces
graphiques se répercutent de plus en plus souvent dans les pages
de faux titre et de titre… Économie oblige… Les jaquettes et les
couvertures, on s’en fout, elles sont conçues pour faire vendre,
obéissent aux « lois » et aux modes du genre, et les
jaquettes sont en principe destinées à la poubelle… mais les pages
de titre ? Y a d’l’abus !
B.
LOMBART :
Je crains d’être tombé, à l’époque, dans la manie anglaise de
mettre une majuscule à tous les substantifs du titre principal (Petit
Dictionnaire Éclectique des Termes d’Escrime)… Ma
question : est-ce, aux yeux des intervenants de cette
liste, un péché mortel ?
Oui !
Mais
il vous sera beaucoup pardonné, car vous avez beaucoup péché… (et
pas que sur les substantifs : Petit Dictionnaire
éclectique des termes d’escrime). Cela dit, je ne
qualifierais pas de « manies » les usages des autres…
G.
PEREZ :
J’ai demandé à des personnes censées consulter les index
fréquemment de chercher des titres. Elles ont toutes cherché Du
rififi chez les hommes (ou titre équivalent avec Du en
tête) à « R », Le cave se rebiffe à « C »,
Une ténébreuse affaire à « T », etc. Je
sais que ce mini-mini-sondage ne vaut pas grand-chose, mais bon.
D’autres
sondages vous révéleront que certains usagers cherchent La
Fontaine à F et Hyacinthe à Y…
G.
PEREZ :
Je n’ai jamais écrit que je voulais une unique capitale parce
que ça marquerait le début du titre. L’italique est en effet là
pour ça. Je crois avoir dit que je ne voulais (bien grand mot)
pas de capitales là où il n’y en a pas quand le mot n’est pas un
titre, c’est tout.
Cela
aboutit exactement au même résultat…
G.
PEREZ :
Je ne vois toujours pas l’intérêt de traîner comme un boulet un
titre comme la Fantastique, Merveilleuse et Féerique
Histoire du train pour une « simple » (?) question
d’indexation.
Vous
en traînez beaucoup des titres aussi mauvais ? Sincèrement,
je n’en crois rien…
Je
me répète, mais que faites-vous lorsque l’article défini est
remplacé par un autre déterminant, par exemple un
démonstratif : « Qui est l’auteur de cette f(F)antastique
[…] h(H)istoire du train ? »
À
Typographie, le 3 mai 1998.
P.
MERGEY :
Jusque-là, j’utilisais les guillemets droits pour les textes
inclus (genre nouvelle ou article) et l’italique pour les
ouvrages. Toutefois, un ami me dit qu’il est préférable
d’utiliser les caractères gras pour les titres d’ouvrages et
l’italique pour les titres de textes inclus dans ledit ouvrage.
Cet
ami ne vous veut pas du bien…
Certes,
on peut mettre en gras tout ce que l’on veut, mais il ne faut
jamais oublier deux choses :
—
le gras n’est pas une mise en forme orthotypographique… c’est
juste une mise en évidence typographique (au sein d’un texte
composé dans une graisse donnée) ;
—
par conséquent, aucun emploi * du gras n’est codifié… comme
n’est pas codifié l’usage du maigre ou de l’extra-gras…
Pour
les titres d’ouvrages, c’est bien entendu l’italique qui s’impose
(si votre ami considère que cela ne suffit pas, va pour l’italique
gras… mais seul l’italique « fera sens »… et ça risque
d’être inutilement crade, richaudesque quoi…) ; pour les
titres d’éléments d’une œuvre (nouvelle, poème, etc.) ou pour les
titres d’articles, les guillemets (français…) sont
généralement ** de rigueur.
*
Sauf dans quelques sciences plus ou moins dures…
**
… car dans certains cas, un peu de souplesse ne peut faire de mal.
À
France-Langue, le 15 juillet 1998.
T.
PEACH :
En principe, c’est très simple : voir Grevisse, le Bon
Usage, § 170 : « Lorsqu’un titre d’ouvrage
commence avec l’article, il est normal de donner la majuscule au
substantif qui suit, mais pas aux autres. Ainsi : Le
Lys dans la vallée, Le Rouge et le noir, etc. »
C’est
simple, oui, mais un peu moins que ça tout de même…
—
Article défini : le Lys dans la vallée, le Rouge
et le Noir (symétrie), le Beau Serge (adjectif
antéposé), la Symphonie pastorale (adjectif postposé), La
guerre de Troie n’aura pas lieu (phrase verbale).
—
Article indéfini : Une saison en enfer.
—
Article contracté : Du pape.
À
Typographie, le 3 mars 1999.
P.
BLART :
Il ne s’agit pas, justement, du titre d’une œuvre, mais plutôt
de celui d’un extrait, tiré du roman le Crime de
l’Orient-Express (effectivement d’Agatha Christie,
bravo !), qui a été titré pour les besoins du matériel
didactique.
Titre
de l’œuvre en ital. Pour le reste, ce n’est pas très clair :
s’agit-il d’un titre donné par l’éditeur à un extrait du roman
d’Agatha C. et composé en tant que tel dans la page où figure
l’extrait ?… ou de la première phrase de cet extrait qui
servirait occasionnellement de titre dans la phrase que vous
citez ? Dans les deux cas, guillemets…
Dans
le premier cas, on aura : Quel type de chronologie le texte
« Une enquête pour Poirot » laisse-t-il deviner ?
Dans le second : Quel type de chronologie le texte « Une
enquête pour Poirot […] » laisse-t-il deviner ?
À
Langue-Fr., du 17 au 19 novembre 1999.
CERRI :
Sur le point que vous évoquez (majuscules dans les titres de
livres, etc.), je m’en tiens à l’excellente suggestion de
Grevisse : « Pour éviter l’arbitraire (pourquoi
l’article défini est-il traité autrement que l’article
indéfini ?) et les discordances, l’usage le plus simple et
le plus clair est de mettre la majuscule au premier mot
seulement, quel qu’il soit. »
Parler
d’arbitraire ici, c’est montrer que l’on n’a rien compris, que
l’on ne s’est même pas donné la peine de s’informer et de
réfléchir un brin… Sur ce terrain, Grevisse (en l’occurrence, son
successeur…) n’a aucune autorité : il n’y connaît rien…
L’horrible
drame des conventions orthotypographiques est que la plupart des
grammairiens ne lisent pas les typographes… et que la plupart des
typographes ignorent les grammairiens… et la grammaire. D’où des
chapelets de conneries dans les deux camps.
B.
DUPRIEZ :
Mais qu’advient-il si cet ensemble adjectif + nom est un mot
composé ?
Comme
d’habitude, deux écoles, la bonne et la mauvaise… Selon la mienne,
deux caps : le Haut-Mal, les Faux-Monnayeurs…
Cas identique avec tous les mots composés : les
Années-Lumière, Week-End à Zuydcoote…
B.
PICARD :
Toutefois, Grevisse ajoute que l’on met parfois, dans les titres
un peu longs, seulement une majuscule au premier article :
Les progrès de la civilisation au XXe siècle,
par exemple.
Cette
pratique (à mon sens navrante…) est admise dans les ouvrages dits
spécialisés.
Pour
simplifier la vie d’auteurs qui ignorent tout ou presque de
conventions motivées, on a introduit des exceptions… Mauvaise
idée ! Les problèmes de l’indexation et de l’éventuelle
contraction se posent ici aussi…
B.
PICARD :
Certes, mais le problème ne disparaît pas. Remplaçons la
Liberté… par Les saumons sautant de la rivière (célèbre
tableau de Martin Pêcheur) ; cette phrase semble aussi
verbale que : « Les saumons sont en train de
sauter »…
À
mon sens, elle n’a rien de verbal… Je la vois exclusivement
« nominale ». Le cas est identique avec les relatives (l’Homme
qui rit). La relative comme le participe a une valeur
« adjectivale » (qui restreint l’extension du nom).
Prenons
votre exemple et imaginons deux titres (le second est une
véritable phrase verbale) : les Saumons sautant de la
rivière et Les saumons sautant de la rivière sont
d’intrépides géniteurs. Quel est le problème ? Comme
toujours, l’éventuelle contraction ou l’introduction d’un mot
après l’article défini.
Dans
le premier cas, les deux opérations sont légitimes, coulent de
source : « Martin Pêcheur est l’immortel peintre des Saumons
sautant de la rivière. » « Martin Pêcheur a peint
les célèbres Saumons sautant de la rivière. » Ceux
qui écrivent (à la Goosse…) Les saumons sautant de la rivière
se retrouvent le nez dans leur petit caca… Faut changer de cap…
Elle passe de l’article défini (disparu…) au substantif. C’est le
lecteur qui est content ! Voilà qui « simplifie »
sa lecture !
Dans
le second cas, un soupçon de syntaxe burlesque apparaît :
« Martin Pêcheur est l’immortel peintre des Saumons
sautant de la rivière sont d’intrépides géniteurs. »
« Martin Pêcheur a peint les célèbres Saumons sautant de
la rivière sont d’intrépides géniteurs. »
Ici,
il vaudrait mieux écrire (et dire…) : « Les saumons
sautant de la rivière sont d’intrépides géniteurs est un
célèbre tableau de Martin Pêcheur. » […]
Ah !
mais, ça ne va pas du tout ! me dira-t-on, pas de syntaxe
burlesque ici ! Le titre est un machin autonome, indépendant,
à l’abri des véritables relations syntaxiques avec le reste de la
phrase ! Fort bien… mais attention ! l’objection est
surtout dangereuse pour ceux qui la formulent… car, s’il en est
ainsi, comment « justifier » la contraction de l’article
initial ?…
B.
PICARD :
Maintenant, au risque de subir le sort de Jeanne d’Arc, j’avoue
que l’usage anglais me semble plus simple (tous les mots du
titre avec majuscules sauf les prépositions et conjonctions
(in, of, and…).
Si
vous voulez mon avis, elle n’est pas plus simple… et elle est
anecdotique, vide de sens… Par ailleurs… je ne crois pas que les
anglophones aient à beaucoup se soucier de la contraction de leur
article défini…
Croire
que des conventions « locales » sont interchangeables
est une erreur dramatique. Les conventions typographiques ne sont
pas toutes arbitraires… Elles sont liées à une langue.
À
Typographie, du 21 au 25 janvier 2000.
O.
RANDIER :
On compose La Nouvelle Héloïse…
« On »
peut-être… mais, moi, je compose la Nouvelle Héloïse.
O.
RANDIER :
… mais Un dimanche à la campagne, O.K. ?
Oc,
oc.
O.
RANDIER :
Je comprends cette règle et ses raisons, mais quid des
cardinaux ? Par exemple, je suis tombé sur les titres
suivants : Trois contes, Deux cavaliers de
l’orage. Doit-on considérer le cardinal comme un adjectif
précédant le substantif (ou un article défini ?), et donc
porter également la cap sur le substantif suivant ?
Bien
sûr que oui ! Tes cardinaux sont des adjectifs numéraux et
rien d’autre.
O.
RANDIER :
N’est-on pas alors en contradiction avec la série initiée par
l’article indéfini, qui est également cardinal (de
Richelieu) ?
Dans
la plupart des titres, non, l’article défini n’est pas perçu comme
un numéral.
O.
RANDIER :
En bref, est-il logique de composer Un conte à dormir
debout, mais Trois Histoires à ne pas lire la nuit ?
C’est pourtant ce que préconise ma correctrice, très sérieuse,
voire pointilleuse (j’adore) par ailleurs.
Elle
a raison… Il est vrai que ton premier exemple est particulièrement
bien choisi…
O.
RANDIER :
Comment est-il d’usage de composer les titres de subdivisions
d’œuvre ? Par exemple, la Comédie humaine de Balzac
est découpée en scènes (« Scènes de la vie
parisienne », etc.), composées de romans, parfois découpés
eux-mêmes en nouvelles.
Comment
distinguer clairement les différents niveaux de cette
hiérarchie ? Pour l’instant, j’ai pris le parti de mettre
les titres d’œuvres en italique, mais les titres de nouvelles ou
de textes extraits d’œuvres en romain entre guillemets. Ça
fonctionne, je pense, mais je suis toujours embêté avec
l’Honoré.
O.K.
pour l’italique pour la Comédie humaine, ainsi que pour
le Père Goriot, O.K. pour le romain et les guillemets pour
« la Cousine Bette », mais mes « Scènes de la vie
parisienne », j’en fais quoi ? Y a-t-il une règle
canonique claire et fiable pour ce genre de choses ?
Tu
simplifies les choses… et pourtant tu te compliques la vie… la
Cousine Bette appartient aux Parents Pauvres… qui
appartiennent aux Scènes de la vie parisienne… qui
appartiennent aux Études de mœurs… qui appartiennent à la
Comédie humaine…
Fous-moi
tout ça en ital (y compris la Cousine Bette, qui n’est pas
une nouvelle appartenant à un recueil mais un roman à part
entière).
Si
tu veux à tout prix introduire une distinction, plusieurs
solutions, dont la meilleure me semble celle-ci : mets en
romain guillemeté le niveau intermédiaire le plus important (eh
oui…), c’est-à-dire « Scènes de la vie parisienne », car
c’est lui qui a les chances de revenir le plus souvent dans ton
texte…
J.
ANDRÉ :
J’écrirais donc L’amour des trois oranges et Les
trois sœurs.
Et
qu’est-ce que tu fais si tu dois évoquer l’auteur des Trois
Sœurs ?… Tu changes ton fusil d’épaule ?… C’est le
lecteur qui est content, il adore que les caps se baladent d’un
mot à l’autre, ça l’aide à comprendre…
J.-D.
RONDINET :
Ce qui est bien, quand on ne cherche pas à réinventer la roue —
c’est-à-dire à créer sa propre théorie sur tout : les caps,
les guillemets, l´italique, c´est que, quand on a un « trou
de mémoire », il suffit d´ouvrir un ouvrage bien né pour y
chercher un conseil : L´homme qui rit ou l´Homme
qui rit ? Est-ce une « phrase avec verbe » ou
pas ? On ouvre le Larousse à « Hugo ». Et
hop !
Eh
oui… et le Petit Larousse ne se trompe pas, car l’Homme
qui rit n’est pas une phrase verbale : la
« relative » qualifie un substantif, c’est tout. Ici,
l’article est élidé, donc la question ne se pose pas, mais dans
les titres de ce type (article défini [m. s. ou pl., ou f. pl.] +
substantif + relative) la contraction de l’article défini ne pose
aucun problème (même chose avec article + substantif + participe
présent). Puisque l’article peut être modifié (donc perdre son
statut de premier élément du titre, donc perdre l’ital), cap
initiale au substantif…
J.
ANDRÉ :
Tu as écrit la Nouvelle Héloïse, je dis que ta façon
d’écrire est fausse.
Alors,
nombre d’éditeurs sérieux sont dans l’erreur et la fausseté… Il
serait charitable de leur signaler ce fait…
Les
malheureux croient encore qu’au sein d’une phrase l’article défini
initial des titres (phrases non verbales) devrait être composé
intégralement en bas de casse ital. « J’aime bien le
Cousin Pons mais je préfère la Cousine Bette. »
J.
ANDRÉ :
Si je me trompe, alors donne-moi des exemples précis.
Tu
as l’embarras du choix… Puisque tu n’as pas de Petit Larousse
illustré sous la main (?), prends l’Histoire des
littératures de « la Pléiade » en trois beaux
volumes reliés cuir, l’Histoire des littératures de langue
française en quatre volumes (Bordas), le Dictionnaire de
la littérature française et francophone en trois volumes
(Larousse)… ou des dizaines d’autres.
(Attention !
à l’inverse de certains interlocuteurs, je ne prétends pas que les
graphies que je critique soient rares : on les trouve dans
des ouvrages eux aussi estimables et cela… depuis des siècles. Je
perds mon temps à les critiquer précisément parce qu’elles ne sont
pas rares ! Sinon, pourquoi en ferais-je un fromage ?…
Je les trouve stupides, alors je le dis… et je donne mes raisons…)
O.
RANDIER :
Si le titre n’est pas une phrase verbale, on porte la capitale
sur le premier substantif et, éventuellement, sur l’adjectif qui
le précède.
Pas
seulement… N’oublie pas les Très Riches Débats de la liste
typodingue ou les Plus Belles Histoires de l’oncle
Olivier… Par ailleurs, exprimée ainsi (place de
« éventuellement »), ta règle est bien étrange…
O.
RANDIER :
L’auteur du Contrat social… > Contrat
social (le)…
Aaaargh…
Du contrat social !
O.
RANDIER :
… mais je crois que les règles précédentes sont assez
consensuelles.
Non,
justement… Relis ce qui s’est écrit ici… Elles te conviennent et,
en très gros, pourraient me convenir… mais elles ne reflètent pas
la diversité des opinions exprimées ici. […]
O.
RANDIER :
C’est là-dessus que portait ma question : J.-P. m’a donné
son avis, mais ne l’a pas expliqué. Je comprends les Trois
Mousquetaires, mais pas Deux Cavaliers de l’orage.
Parce
que tu as le nez collé sur les titres d’œuvres, ce qui te fait
oublier une des « tendances lourdes » de
l’orthotypographie française : la capitalisation systématique
de l’initiale des adjectifs antéposés dans les dénominations
propres. D’où le malaise face à la décapitalisation du substantif
derrière un adjectif capitalisé…
Il
ne suffit pas de donner à une convention une cohérence interne (ce
qui est très facile mais dangereusement pervers), il faut
s’assurer de son harmonie avec l’ensemble du système…
C’est
pourquoi je ne suis pas favorable aux constructions (codes, FAQ…)
montées brique par brique, sans conception d’ensemble. J’y suis
même franchement hostile, tu le sais bien… car elles confortent le
sentiment général : les conventions orthotypographiques
seraient une accumulation de règles arbitraires… Il se trouve que
je pense exactement le contraire…
O.
RANDIER :
[« Buñuel, dans son Chien andalou… » ? Ou
cette forme est-elle à proscrire ?] Alors la cap saute de Un
à Chien ! N’est-ce pas ce qu’on voulait éviter avec
la règle du premier substantif pour l’article défini ? Ça
m’énerve…
T’as
raison… je m'a gouré sévère… Oublié que le terme initial était un
article indéfini… Donc, reprenons : Buñuel, dans Un chien
andalou…
À
Typographie, les 8 et 9 mars 2000.
O.
RANDIER :
Il est des cas où les règles ne suffisent pas, il faut connaître
l’intention de l’auteur. Je viens de tomber sur ce cas
d’école : les Belles Endormies ou les Belles
endormies ? Le substantif est-il « belles » ou
« endormies » ? […] Je penchais pour les
premières.
Pas
clair… Tu penchais pour le substantif « Belles » ?
Donc pour la seconde graphie ? Tu avais tort…
O.
RANDIER :
Après vérification, l’éditrice a tranché en faveur des
dernières.
Elle
a eu raison… Disons qu’elle fait comme tout le monde, ce qui est
souvent une bonne idée… On écrit les Belles Endormies.
O.
RANDIER :
Comme quoi l’usage des capitales dans les titres relève avant
tout de la langue… Et il peut être délicat de le déterminer si
on ne dispose que de la couverture de l’ouvrage, avec un titre
tout en caps.
Écris
Nemureru bijo, et le tour sera joué…
A.
HURTIG :
Non, le seul tour qui se joue c’est que Nemureru bijo
signifie littéralement : « Les belles qui dorment »…
(ma Japonaise favorite dixit). Donc
« endormies » est un adjectif (ma linguiste favorite dixit,
d’ailleurs c’est la même personne !).
Bien
entendu, on ne saura jamais ce que le traducteur a voulu écrire.
Mais Kawabata, l’auteur du livre, on le sait…
O.
RANDIER :
[« On écrit les Belles Endormies. »] Qui ça,
« On » ? Les ouvrages de référence ?
Oui.
O.
RANDIER :
Mais au nom de quel principe tacite ?
Il
ne s’agit pas d’un principe mais d’une pratique et d’une
constatation. Pratique : les ouvrages de référence me servent
à obtenir des références. Constatation : ceux que j’ai
consultés composent ainsi.
Reste
que ces ouvrages peuvent parfois adopter, reprendre et donc
enkyster des graphies (ou n’importe quel type d’information)
discutables, voire erronées. Il semble que cela soit ici le cas.
Les arguments d’Alain m’en ont presque totalement convaincu.
Toutefois, si j’avais à traiter la question, je m’informerais plus
avant, car voici un véritable principe : ne jamais naviguer
sur des eaux inconnues sans une belle provision de biscuit.
O.
RANDIER :
Il me semble que les deux graphies sont possibles, selon
l’intention de l’auteur.
Évidemment.
Reste à connaître celle-ci ou, dans le cas qui t’occupe, celle du
traducteur. Demande à Albin Michel…
O.
RANDIER :
Selon la graphie (la Belle envolée, la Belle Envolée),
le titre aura deux significations très différentes, et il ne me
semble pas possible de déduire — à coup sûr — la bonne d’une
règle quelconque, non ?
Évidemment.
D’où l’intérêt des ouvrages de référence… quand ils ne se plantent
pas. D’où aussi la redoutable difficulté (pour le scripteur) et
l’admirable efficacité (pour le lecteur) de la règle
traditionnelle…
O.
RANDIER :
Tu parais trouver le cas évident, quel est ton truc ?
Ne
te fie pas trop aux apparences. Si j’ai un truc, c’est
celui-ci : je ne mélange pas les évidences, surtout quand
elles sont à l’évidence contradictoires…
Première
évidence : si j’en crois mes yeux, la graphie A est dominante
dans les sources sérieuses.
Seconde
évidence : si j’en crois Alain Hurtig, la graphie B serait
une traduction plus fidèle.
Troisième
évidence : y a un problème !
Quatrième
évidence : il n’est pas encore résolu…
II. Chroniques, Fables et Lettres
À
F.L.L.F., le 11 décembre 2001.
S.
NATARAJA :
Grevisse n’ayant pas répondu correctement à ma question…
C’est
le genre de question qu’il ne faut surtout pas lui poser…
S.
NATARAJA :
Dans Fables, La Fontaine propose une série…
Ouarf…
et dans Contes, Jeannot se laisse aller…
S.
NATARAJA :
Dans les Fables, La Fontaine… ; dans ses Fables,
La Fontaine…
Oui,
impeccable.
S.
NATARAJA :
Dans les Fables, La Fontaine…
Non,
certainement pas… Cela indiquerait que l’article défini appartient
au titre, ce qui n’est pas le cas ici.
S.
NATARAJA :
Bref : le titre de l’ouvrage est Fables, sans
article. L’on me soutient d’un côté qu’il ne faut pas lui en
donner…
Demandez
à ceux qui soutiennent cette ineptie s’ils souhaitent faire
entendre avec force que La Fontaine a écrit un recueil portant le
titre de Fables, ouvrage qui aurait été publié pour la
première fois dans son intégralité sous ce titre exact… Plus
vicieux, car plus rapide à expédier : demandez-leur si
« L’écriture de Fables valut à La Fontaine… »
est une tournure qui les satisfait…
Question
subsidiaire. Que pensent-ils de ceci ? « Fables,
de La Fontaine, est bien supérieur à Fables, de
Fénelon. » Demandez à ceux qui soutiennent cette ineptie
s’ils préconisent aussi : « Dans Lettres, Mme de
Sévigné propose… », « Dans Journal, Léautaud
propose… », « Dans Chroniques, Guillaume Crétin
propose… »
Bref,
demandez-leur pourquoi ils veulent à tout prix gommer le caractère
« générique » de titres dont c’est la grandeur… et la
mystérieuse « spécificité », puisqu’ils ne sont
aujourd’hui déterminés par rien… sauf, au sein d’une phrase, par
un article qui ne leur appartient pas…
Dans
bien des cas, la détermination ne changerait pas grand-chose. Si
« Dans Lettres persanes, Montesquieu propose »
choque un peu moins, il demeure que « Dans les Lettres
persanes, Montesquieu propose » passe beaucoup mieux.
Dans
d’autres cas, ça chahute moins : « Dans Journal d’un
poète, Vigny propose »… mais « Dans le Journal
d’un poète, Vigny propose » est parfaitement correct et
à mon sens préférable.
S.
NATARAJA :
… de l’autre je trouve cela très lourd : dire « Dans Fables »
m’agresse les oreilles et les yeux.
Cela
agresse surtout l’intelligence…
S.
NATARAJA :
Je ne suis pas du tout gêné par « Dans le Dictionnaire
philosophique… », voire « Dans son Dictionnaire
philosophique… », alors que certains collègues, si.
Demandez-leur
si « Dictionnaire philosophique commence par… »
et « La seconde entrée de Dictionnaire philosophique
de Voltaire nous révèle » les satisfont… Demandez-leur si
« Dans la préface de Dictionnaire de l’Académie française,
Maurice Druon propose » les satisfont…
Titre
honorifique
Abréviation,
Titre religieux.
Deux
siècles après Valmy, certains scripteurs francophones sont
contraints ou ravis d’user de formules étranges. Les républicains
peuvent ignorer celles-ci en toute quiétude orthotypographique.
Abréviation
Le
titre honorifique se met au long s’il est employé seul ; il
ne s’abrège que s’il est suivi d’un autre titre, ou du prénom, ou
du patronyme de l’individu qui en est affublé .
Son
Altesse Sérénissime a pris un avion d’une compagnie
scandinave ; mais : S. A. R. la princesse Anne
est sortie à cinq heures.
Son
Altesse Électorale a fait vidanger sa limousine ; mais :
s’il est possible au demeurant qu’on déloge S. A. I. le
chah d’Iran, il y a peu de chances qu’on détrône S. M. le roi
des Cons (librement adapté d’une strophe de Georges Brassens).
Code
typ. 1993, Gouriou
1990, Lefevre
1883.
Cette
règle a toujours souffert d’être violée lorsque le scripteur
souhaite établir un semblant de familiarité avec le personnage
évoqué : j’ai bien connu Sa Sainteté Pie XI.
Singulier | ![]() |
Pluriel | ||||
S. A. | Son Altesse (prince) | LL. AA. | Leurs Altesses | |||
S. A. É. | Son Altesse Électorale | LL. AA. ÉÉ | Leurs Altesses Électorales | |||
S. A. Ém. | Son Altesse Éminentissime | LL. AA. ÉÉm. | Leurs Altesses Éminentissimes | |||
S. A. I. | Son Altesse Impériale | LL. AA. II. | Leurs Altesses Impériales | |||
S. A. R. | Son Altesse Royale | LL. AA. RR. | Leurs Altesses Royales | |||
S. A. S. | Son Altesse Sérénissime | LL. AA. SS. | Leurs Altesses Sérénissimes | |||
S. E. | Son Excellence | LL. EE. | Leurs Excellences | |||
S. Gr. | Sa Grâce (duc) | LL. GGr. | Leurs Grâces | |||
S. H. | Sa Hautesse (sultan) |
—
|
||||
S. M. | Sa Majesté | LL. MM. | Leurs Majestés | |||
S. M. I. | Sa Majesté Impériale | LL. MM. II. | Leurs Majestés Impériales | |||
S. M. R. | Sa Majesté Royale | LL. MM. RR. | Leurs Majestés Royales |
La
liste pourrait s’allonger : S. M. P. (Sa Majesté Prussienne),
S. M. T. C. (Sa Majesté Très Chrétienne, France),
S. M. T. F. (Sa Majesté Très Fidèle, Portugal),
S. A. C. (Son Altesse Celsissime, prince-évêque de
Liège)…
Encore
en activité : S. M. C. (Sa Majesté Catholique,
Espagne), S. T. G. M. (Sa Très Gracieuse Majesté,
Royaume-Uni)…
Attention
à ne pas confondre l’Excellence civile (S. E.) et
l’Excellence religieuse (S. Exc.).
Les
titres de noblesse peuvent s’abréger.
Certaines
graphies traditionnelles sont plaisantes : Cher :
chevalier, Bon : baron, Bonne :
baronne, Vte : vicomte, Vtesse :
vicomtesse, Cte : comte, Ctesse :
comtesse, Mis : marquis, Mise :
marquise.
Souverains
Le
roi des Belges, le Chah, le Prince charmant, le Parc des Princes.
Livre,
partie, chapitre, section, article, paragraphe, alinéa.
Tome
ou volume, livre, partie, titre, sous-titre, chapitre,
sous-chapitre, section, sous-section, article.
Paragraphes,
alinéas : I., II., III., IV., V., etc. ; A., B., C., D.,
E., etc. ; 1., 2., 3., 4., 5., etc. ; a., b., c., d.,
e., etc. ; 1o, 2o, 3o, 4o,
5o, etc.
Le
système numérique international a ses partisans : 1., 1.1.,
1.1.1., 1.2., 1.2.1., 1.2.2., 2., 2.1., 2.1.1., etc.
Titre
religieux
Titre honorifique.
Abréviation
Règle
identique à celle des titres honorifiques : Son Éminence a
pris un petit bateau ; mais : S. S. Jean-Paul II a pris
un navire à vapeur.
Code
typ. 1993, Gouriou
1990.
Singulier | ![]() |
Pluriel | ||||
D. | Dom | — | ||||
F. | Frère | FF. | Frères | |||
Mgr | Monseigneur (évêque) | NN. SS. | Nos Seigneurs | |||
N. S.-P. | Notre Saint-Père (pape) | — | ||||
N. T. C. F. | Notre très cher Frère | NN. TT. CC. FF. | Nos très chers Frères | |||
P. | Père | PP. | Pères | |||
R. P. | Révérend Père | RR. PP. | Révérends Pères | |||
S. Ém. | Son Éminence (cardinal) | LL. ÉÉm. | Leurs Éminences | |||
S. Exc. | Son Excellence (évêque) | LL. EExc. | Leurs Excellences | |||
S. S. | Sa Sainteté (pape) | — | ||||
T. C. F. | Très cher Frère | TT. CC. FF. | Très chers Frères |
Abréviation :
t. (tome, tomes).
••
Le mot tome ne s’abrège que dans les notes, les annexes,
etc. Dans le texte courant, il ne s’abrège que dans les références
situées entre parenthèses.
Lefevre
1883.
Tour
Manifestation
sportive, Monument
Le
Conseil supérieur de la langue française déclare : « Les
hésitations concernant le pluriel de mots composés à l’aide du
trait d’union sont nombreuses. Ce problème ne se pose pas quand
les termes sont soudés (exemples : un portefeuille, des
portefeuilles ; un passeport, des passeports). »
Nom
d’un petit bonhomme (pluriel bonshommes) ! ces
Messieurs (singulier Monsieur) du Conseil sont d’étranges
gentilshommes (singulier gentilhomme), car madame donne
(sans hésitation) mesdames au pluriel, et mademoiselle
devient mesdemoiselles (sans problème).
I.
« Multiplateforme », « anti-sous-marin »,
« micro-informatique »
À
Typographie, les 14 et 15 décembre 1998.
P.
JALLON :
Dans le même esprit, j’y réfléchis toujours à deux fois avant
d’employer un mot composé introduit par un préfixe soudé, par
exemple : multiplate-forme. Franchement, ça me
choque…
T’as
qu’à écrire « multiplateforme »… c’est disponible en
magasin…
P.
JALLON :
Sauf que tous les magasins n’ont pas la même enseigne.
C’est
vrai. Par exemple, le Petit Larousse 1999 n’autorise
toujours pas « plateforme ». Si t’as besoin de cet
article (et d’un certificat de garantie), va chez Little Bob,
il a ça en stock (plateforme ou plate-forme)…
Pour
multiplier les plates-formes ou les plateformes, y a pas
trente-six solutions… Y en a que deux :
—
multi-plate(s)-forme(s), pour les prudents ;
—
multiplateforme(s), pour les audacieux…
Multiplate-forme
est une erreur grôssiaire… Pourquoi ? Pasqu’en général on se
garde bien de « coller » des préfixes comme
« multi » ou « anti » à un mot composé…
Antiaérien, oui ! Antisous-marin, non ! Anti-sous-marin…
[…]
Cela dit, je n’ai pas de préférence… Pour tout dire, je m’en fous
un peu… Si tu ne veux pas susciter de remarques désobligeantes,
sois prudent et adopte les deux traits d’union… Si tu veux
facilement clouer le bec de quelques grincheux du dimanche, sois
audacieux et colle…
À
Typographie, les 8 et 9 novembre 2001.
J.
ANDRÉ :
Mais au départ ma question sous-jacente était : peut-on
mettre deux traits d’union dans un mot composé ?
Ah !
si tu lisais les bons auteurs (Angelini, par exemple), tu saurais
que le record à battre (pour les mots « courants »…) est
de quatre traits d’union ! Ça se joue sur le zinc avec trois
dés…
Pour
répondre plus précisément à ta question : l’absence dans les
dictionnaires du jour de tout mot où « multi » est suivi
d’un trait d’union n’implique nullement une interdiction… Il est
des cas où un préfixe « ordinairement, habituellement,
normalement » collé ne peut pas, ne doit pas l’être. Par
exemple devant un nom propre, un sigle… ou un mot composé
contenant déjà un trait d’union… Exemple classique :
« antiaérien » mais « anti-sous-marin ». Nul
ne songerait à écrire « antisous-marin ». J’ajoute
qu’avec quelques préfixes refusant de confondre (ou d’ajouter)
leur finale et l’initiale du terme qu’ils précèdent, le trait
d’union s’impose quand cette finale et cette initiale sont
identiques. Imagine un machin multiple commençant par
« i » (pour l’instant, y en a pas, mais vu la
multifécondité du machin dont on cause, il en viendra, c’est
sûr…), disons « intégrateur », ça tombe bien, je ne sais
pas ce que c’est, eh bien, « multiintégrateur » et
« multintégrateur » sont insoutenables… alors que
« multi-intégrateur » est épatant… enfin, façon de
parler… c’est à chier mais c’est clair, lisible, orthodoxe.
J.-P.
MOREUX :
Ces néologismes faisant le quotidien des éditeurs techniques (et
particulièrement en informatique), j’ai le plaisir de vous
informer qu’ils ne posent plus problème dès lors que l’on décide
de séparer le préfixe avec un trait d’union dans le seul cas
d’hiatus.
Pas
tout à fait d’accord… Cette décision est séduisante, mais elle
peut engendrer de nombreuses fautes…
D’abord,
quantité de mots anciennement formés ou modifiés au XVIIe siècle
séparent certains préfixes par un trait d’union même en l’absence
d’hiatus… mais bornons-nous aux néologismes formés avec les
préfixes que vous citez.
Si
l’hiatus était décisif, il faudrait écrire
« multi-ethnique » et « micro-économie », or
ce n’est pas le cas (multiethnique, microéconomie).
On peut le regretter (je le regrette très fortement !), mais
c’est ainsi… La rencontre de deux voyelles identiques est un
critère plus sûr (encore que…) : micro-ordinateur,
micro-ondes, micro-organisme. L’introduction de « digrammes
piégeux », par exemple « oi » ou « ou »,
est un autre critère (micro-informatique, iso-ionique), parfois
évité par le tréma (monoïdéisme)… J’aimerais appliquer votre
décision et même l’étendre à bien d’autres cas (sans hiatus)…
Impossible,
hélas, en l’état actuel des choses lexicographiques. J’ai une
théorie pour expliquer l’amour insensé que les langouistes
d’aujourd’hui portent à la soudure : ces gens-là haïssent le
trait d’union car c’est un signe qui ne se prononce pas, une
horreur, donc, pour ceux qui ont mal digéré leurs cours et sont,
depuis, constamment à côté de leur saussures.
(Que
les phonocentristes ne me renvoient pas aux états très anciens de
la langue pour montrer que la soudure est une vieille tradition
française… primo, je le sais, deuzio et surtouzio : avant la
fin du XVIe siècle,
le trait d’union n’existe pas… difficile, donc, de l’employer.)
II. Trait d’union semi-long
À
Typographie, du 17 au 18 juin 1997.
E.
CURIS :
Quand emploie-t-on telle ou telle sorte de tiret ? Je sais
déjà distinguer le trait d’union (tiret de césure) du signe
moins et des autres tirets, mais je me demande en fait quand est
employé le tiret long : —, le tiret moyen : –, et tout
autre tiret qui peut exister.
Dans
les divers rôles du tiret (incise, énumération, changement
d’interlocuteur, etc.), le tiret moyen ne devrait jamais remplacer
le tiret long… En revanche, on pourrait l’utiliser en lieu et
place du trait d’union dans quelques cas, par exemple dans la
graphie de certains noms propres « composés ». Cela
permet de distinguer graphiquement des « compositions »
de natures très différentes.
Lorsqu’il
s’agit d’une entité unique, on emploie évidemment le trait
d’union : Robbe-Grillet, Pas-de-Calais, etc.
Lorsqu’il
s’agit d’une entité « multiple » (ou occasionnelle…), on
pourrait employer le tiret moyen (c’est particulièrement utile
quand deux types de composition interviennent) : le tandem
Chirac–Jospin, Forget–Lecomte en finale contre
Durand–Dupont-Lajoie, Erckmann–Chatrian (emploi discutable, car
c’est un nom de plume), Nord–Pas-de-Calais (emploi discutable,
car, si l’on gagne une lecture claire de la composition, on
introduit de l’incohérence dans une série), etc.
En
bref, dans la typographie française, le tiret moyen est à mon sens
moins un « sous-tiret » qu’un « grand trait
d’union »… Plus le signe est petit, plus le lien est fort…
À
F.L.L.F., le 25 février 2000.
D.
B. : Ou pire, comment distinguer deux noms de personnages
différents mais accolés comme dans le cas, je crois, du
boulevard Richard-Lenoir qui concerne un Monsieur Richard et un
Monsieur Lenoir.
Plusieurs
solutions… (si on le souhaite, car la distinction n’est pas
toujours indispensable et, surtout… surtout… il faut être certain
de pouvoir assumer ce choix dans toutes les occurrences…).
Prenons l’exemple classique où les deux types de liaison sont à
l’œuvre.
Emploi
d’un tiret sur demi-cadratin : station
Champs-Élysées–Clemenceau.
Emploi
d’un trait d’union encadré par des espaces fines : station
Champs-Élysées - Clemenceau.
Traité
Accord,
conférence, traité
« Le
mot capitaine, par exemple, écrit
dans mon dictionnaire gabidaine sera
dès lors prononcé par le jeune Prussien
aussi purement que par le même Batignollais. »
Alphonse ALLAIS,
Ne nous frappons pas.
Transcription
et translittération ne sont pas synonymes.
Exemple.
— Selon les pinyinistes, deux arguments seraient décisifs
pour les identifier. Primo, ces formes ont été élaborées et leur
emploi est recommandé par les Chinois eux-mêmes ; secundo,
l’ensemble des nations devant les adopter, les différences parfois
considérables entre les anciennes transcriptions cesseront enfin
de faire obstacle à la communication entre les peuples.
Les
Chinois peuvent écrire Molitg-les-Bains, Graulhet ou Laguiole
comme ils l’entendent, aucun sinologue francophone et sain
d’esprit n’ira leur donner de conseils déplacés sur la question.
Quant
à l’unification des transcriptions, on est saisi de stupeur à
l’idée qu’elle est cautionnée par des universitaires et des
lexicographes : le pinyin est destiné à être lu par des
francophones, des anglophones, des germanophones, des
hispanophones, etc. Eurêka, aujourd’hui Pékin se prononce Beijing
dans toutes les langues. En français : Bégin, d’où risque de
confusion pour le premier pékin venu.
À
Typographie, le 20 décembre 1997.
La
graphie Viet Nam est très critiquable (elle n’est
d’ailleurs soutenue par aucune source française compétente en la
matière… je n’inclus ni l’ISO ni l’UPU dans cette catégorie) […]
Cet accent circonflexe n’est pas destiné à transcrire en français
un son du vietnamien… il est vietnamien (voir plus bas ; les
Vietnamiens utilisent l’alphabet latin, assorti de nombreux signes
diacritiques).
[…]
Cette graphie viole une règle typographique en éliminant le trait
d’union qui doit figurer entre tous les composants des noms
français ou francisés de territoires administrativement organisés
(à quelques exceptions près, mais on en parlera peut-être un autre
jour…). Car Viêtnam, Vietnam (formes recommandées), Viêt-Nam,
Viet-Nam (formes admissibles) sont francisés (toutes les
autres graphies ne sont ni françaises ni vietnamiennes). Si vous
récusez la soudure (ce qui peut se concevoir) et si vous tenez à
vous passer du trait d’union, il vous faut renoncer aux formes
francisées et recourir à l’écriture
[…], et alors là, coucou, retour officiel et obligatoire de
l’accent circonflexe sur le e avec en supplément un petit
point au-dessous de cette voyelle […].
L’accent
circonflexe de la recommandation officielle (Viêtnam) est
certes discutable, mais pour une raison différente de celle que
vous avancez. Cet accent me gêne un peu, car il introduit une
incohérence entre le nom du pays et ses dérivés (vietnamien,
sans accent). Un reproche similaire peut d’ailleurs être adressé à
la graphie qui a votre préférence (Viet Nam, vietnamien).
En
résumé, Viêtnam et Vietnam sont recommandés ;
Viêt-Nam et Viet-Nam sont tolérables ; Viêt
Nam, Viet Nam et toutes les graphies imaginables (sauf une)
sont fautifs. Quant à la graphie vietnamienne officielle […],
(avec un point sous le ê), elle est évidemment
irréprochable mais elle n’a pas à être employée dans les textes
rédigés et composés en français (hormis les travaux spécialisés).
À
Typographie, le 1er mars 2001.
O.
RANDIER :
Quelques difficultés avec les assemblées athéniennes : la boulê ;
l’ekklèsia ; mais « tribunal de
l’Héliée ». Pourquoi un traitement différent, tant au
niveau de la transcription (hèliaia) que des majuscules
et de l’italique ?
Problème
de cohérence à soumettre à l’auteur (qui, je t’en fais le pari, te
répondra que cette façon de faire est classique, attestée [c’est
vrai], épatante, indiscutable [mouais])… car, tel que c’est, rien
à dire, du moins en ce qui concerne l’orthotypo (sauf, à mon sens,
l’accent grave de ton assemblée…).
Seule
l’Héliée est une dénomination propre (ce n’est pas un solarium)…
et francisée (jadis, on était moins timide et l’on parlait de la
Chambre du Soleil…). Majuscule et romain obligatoires.
Quant
aux noms grecs qui ne sont pas véritablement des dénominations
propres au sens où nous l’entendons (mais, perso, une cap initiale
ne me choquerait pas… tention ! ce n’est pas un conseil…
personne, à ma connaissance, n’en met…), même transcrits en
caractères latins, l’italique leur sied… et rien n’interdit
d’employer (d’ajouter) les romaines formes francisées (avec les
Quatre-Cents, tu verras fleurir les majuscules), surtout s’il
s’agit d’un manuel scolaire…
Troncation
Abréviation,
Acronyme,
Apostrophe,
Sigle.
1. Vocabulaire
1.1.
La troncation ne doit pas être confondue avec l’abréviation ou
la siglaison. La troncation élimine d’abord des sons
(phonèmes) ; le langage écrit reproduit cette réduction
orale : [auto]bus > bus, dactylo[graphe] >
dactylo, micro[phone] > micro, [mas]troquet > troquet.
L’abréviation élimine des lettres ; le langage oral ne tient
pas compte de cette réduction graphique : Mme,
ouvr. cité se lisent Madame, ouvrage cité. La siglaison élimine
des lettres ; le langage oral tient compte de cette réduction
graphique : C.G.T. se lit « cégété », OTAN
(acronyme) se lit « otan ».
1.2.
Troncation et diminution.
La
première opère sur la forme et raccourcit la prononciation puis la
graphie d’un mot sans modifier nécessairement sa
signification : tous les autobus peuvent devenir des bus. La
diminution opère nécessairement sur la signification, en
l’altérant, voire en la modifiant profondément ; pour ce
faire, elle peut recourir à la troncation et à quantité d’autres
procédés de dérivation (préfixation, suffixation, gémination,
etc.). Si certains mots subissent une troncation et une diminution
(tous les professeurs peuvent devenir des profs, mais une once de
familiarité est introduite), la plupart des diminutifs ne doivent
rien à la troncation : sœur > sœurette.
2. •• Emploi et formation
Contrairement
aux abréviations (voir : Abréviation
§ 2), les mots obtenus par troncation ne sont soumis à
aucune restriction relevant de l’orthotypographie. Seuls le niveau
de langue et le registre régissent leur emploi.
La
troncation se pratique partout, en plein air, au bistrot, à
l’usine, à l’oral et à l’écrit ; la siglaison et
l’abréviation sont des activités de « bureau ». Si l’on
tient à la vitalité du français, on fera davantage confiance aux
bistrots qu’aux bureaux. Lorsqu’un mot obtenu par troncation est
en concurrence avec un sigle, on adoptera de préférence le
premier, même si les bistrots imposent un préfixe orphelin,
d’origine grecque : télé plutôt que T.V. (ce sigle « mal
formé » peut être considéré comme un belgicisme [tévé] calqué
sur un anglicisme [tivi]). Chargée de diffuser des programmes
francophones, soutenue par des organismes chargés de défendre
notre langue, « TV 5 » a adopté un sigle
déplorable.
Les
mots obtenus par troncation respectent généralement les règles
d’accord de leur catégorie : des dactylos sympas parlent
devant les micros des radios. Nombre d’entre eux ne sont presque
plus perçus comme des formes réduites : les pneus du taxi
(les pneumatiques du véhicule équipé d’un taximètre).
Ils
partagent ces particularités avec certains acronymes (sigles lus
comme des mots ordinaires), qui ont pourtant un mode de formation
radicalement différent : ces taxis sont équipés de radios
(postes récepteurs de radiodiffusion) mais ne disposent pas de
radars (radio detection and ranging).
Ils
ne sont jamais suivis d’un point abréviatif : doc est la
troncation de « docteur », doc. est l’abréviation de
« document » ; typo (fém. typote) la troncation
traditionnelle d’« ouvrier typographe », typ. ou typogr.
sont des abréviations de « typographie ».
L’apostrophe
peut marquer la troncation, singulièrement dans les noms
propres : le Boul’ Mich’. « Ainsi les Parisiens
baptisaient-ils avec une familiarité pompeuse leur vélodrome
d’hiver, notre vieux Vél’ d’Hiv’. » – Antoine BLONDIN,
Ma vie entre les lignes.
Problèmes
posés par l’accord des noms communs et des adjectifs, voir :
Apostrophe
§ 2.2.
3.
La
formation des abréviations obéit à des règles, la troncation
dépend de la fantaisie ou du génie des locuteurs.
Toutes
les abréviations régulièrement formées par le retranchement de
lettres finales s’achèvent par une consonne (et un point
abréviatif…) : paragr., suiv. Les mots obtenus par
retranchement de phonèmes finaux s’achèvent le plus souvent par
une voyelle, mais parfois par une consonne : auto, cinéma,
prof. (Dans quelques cas, une variante graphique ajoute une
voyelle finale muette : permission > perm ou perme.) Le
retranchement de phonèmes initiaux est un mode d’abrègement rare
mais tout à fait admissible (autobus réduit à bus) ; le
retranchement de l’initiale n’intervient jamais dans l’abréviation
française.
Questions
d’apostrophes
À
Typographie, le 9 janvier 1999.
O.
RANDIER :
Entre quat-z-yeux, entre quat’z-yeux, entre
quat’z’yeux, entre quat’-z-yeux. Ceci dit, je reste un
peu perplexe sur cette recherche des signes possibles avant
l’apostrophe. Pour moi, il me semblait que l’apostrophe
représente en français l’élision (et, dans ce cadre, la
recherche paraît possible).
Oui…
c’est pourquoi je conteste y’a et quat’z’yeux…
1.
Y a pas de raison, c’est : « Il n’y a pas de
raison ». Aucune élision entre « y » et
« a ». Dans les cas où « y » devient un pronom
(il, ils, lui), y a substitution graphique. On comprendrait
« i’commence à me gonfler » mais non « Y’commence à
me gonfler », encore moins « Dis-y’ donc »
(dis-le-lui donc) où « y = le + lui »…
2.
La graphie quat’z’yeux (Robert) n’a guère de sens.
Où est l’élision entre « z » et « y » ?
Le bon choix est : « quat’z-yeux » (Larousse).
O.
RANDIER :
Aussi la troncation (et là, il me semble que c’est beaucoup
moins vraisemblable). En français, toutes les lettres ou presque
ne sont-elles pas virtuellement candidates ?
Aujourd’hui,
en français (et hors des honorables graphies d’amuïssement
imposées par la prosodie), la troncation (officialisée ou non…)
n’appelle qu’exceptionnellement l’apostrophe (prof, ciné, mataf,
etc.), sauf parfois dans les expressions et les noms propres
(Boul’ Mich’), et quasiment jamais après une voyelle, or la
voyelle finale est un des charmes de la troncation (aristo, métro,
loco, rata). L’apostrophe dans les troncations est une
timidité : on n’ose pas encore considérer la forme tronquée
comme autonome. C’est donc un frein plus qu’une marque de liberté.
Sans parler des problèmes que pose alors le pluriel…
Et
si nous passions, pour faire la joie des patatypographes, aux cas
où l’apostrophe est précédée d’une espace et suivie d’une
lettre ?…
À
Typographie, le 26 septembre 2000.
O.
RANDIER :
Tiens, bonne question : n’y a-t-il pas quelques cas où on
peut la marquer par une apostrophe ?
Impossible
de répondre brièvement. Pour aller à l’essentiel, disons que
certaines troncations sont, par exemple, la traduction graphique
d’apocopes populaires « occasionnelles ».
Dans
les cas où une ambiguïté est inévitable, le recours à l’apostrophe
est plus que judicieux.