Règles typographiques : de Correcteur à Cul-de-lampe


Correcteur Correction.

Vocabulaire

Le correcteur corrige des textes. Le corrigeur introduisait les corrections dans les pages de composition.
Un correcteur n’amende pas un texte, il l’émende. Un texte amendé a été modifié par un ou des amendements. Un texte émendé a été amélioré par des corrections.
Académie 1994, Dumont 1917.
Robert 1993.

On fait parfois de prote un synonyme de correcteur. C’est bien sûr une erreur, mais elle est compréhensible, car seuls les grands ateliers typographiques s’offraient les services de correcteurs. Dans la plupart des imprimeries, le prote se chargeait lui-même de la correction.
Frey 1857.

La profession de correcteur exige de nombreuses compétences mais n’a jamais bien nourri ses membres. Jadis, elle impliquait même quelques risques financiers. Fournier 1903 cite deux textes démonstratifs :
François Ier, article 17 d’un édit du 31 août 1539 : « […] et seront tenuz lesdicts correcteurs bien et soigneusement de corriger les livres, rendre leurs livres aux heures accoutumées d’anciennenté, et en tout faire leur debvoir ; autrement seront tenuz aux intérestz et dommages qui seroient encouruz par leur faulte et coulpe. »
Louis XIV, août 1686 : « Les correcteurs sont tenus de bien et soigneusement corriger les livres ; et au cas que par leur faute il y ait obligation de réimprimer les feuilles qui leur auront été données pour corriger, elles seront réimprimées aux dépens des correcteurs. »


À Typographie, du 25 novembre au 4 décembre 1997.
C. DÔ-DUC : Quelqu’un a-t-il trouvé la bonne méthode ? ? ?
Pas moi… car je ne la cherche pas… Vous avez raison, outre les techniques, ce qui est nouveau c’est la répartition des tâches et, dans une moindre mesure, leur définition. Écriture, composition et mise en pages se chevauchent comme jamais (depuis Gutenberg…). Demain peut-être, tout s’effectuera à nouveau dans le même lieu. Sera-ce une régression ou un progrès ? Bien que pessimiste par choix, je ne jure de rien. On verra bien.
D’accord donc sur le constat, mais je ne suis pas sûr qu’une bonne méthode soit envisageable.
Les conditions de travail ont certes changé au cours des dernières décennies (une part du travail effectué naguère par l’imprimeur est passée du côté de l’éditeur), mais elles sont à peine moins variées aujourd’hui qu’hier (si l’on exclut l’édition « électronique »…). Bon, c’est une évidence, mais quand même… publier un dépliant et éditer une encyclopédie sont des activités qui n’exigent pas les mêmes structures.
Il est exact qu’aujourd’hui la confusion des genres et des activités est de mise dans les travaux légers, mais je ne crois pas que la détérioration soit de même nature dans les grands bazars. On peut vous demander d’effectuer un travail de réécriture, de correction et de mise au point, c’est vrai et c’est déjà fâcheux (il vaut mieux refuser de corriger un texte que l’on a partiellement récrit), mais dans les grands projets éditoriaux on demande rarement à un réviseur ou à un correcteur de concevoir la maquette ou d’œuvrer à la mise en pages, et lycée de Versailles…
Je prends mon exemple : pour plusieurs maisons d’édition, comme collaborateur extérieur, je m’occupe du texte, sous tous ses aspects, donc j’écris, je récris, j’indexe, je corrige (l’orthographe, la syntaxe, le style et l’orthotypographie). Encore une fois, je ne fais pas « tout ça » sur les mêmes textes : on peut associer réécriture et indexation (ou correction et contrôle typographique), mais il est très risqué de s’autocorriger… J’interviens sur papier ou sur écran, sur la copie et les épreuves, à l’encre rouge ou à l’aide d’un traitement de texte, d’un logiciel de mise en pages. L’ensemble de ces activités (écriture, réécriture, correction, contrôle typographique) est cohérent et il correspond à un « profil » (pour parler comme eux) recherché aujourd’hui par les éditeurs (qui, politique de groupe et profit obligent, ont viré imprudemment des salariés compétents).
Lorsque je suis chargé d’établir un texte, c’est moi, et non le directeur artistique, le chef de fab ou le maquettiste, qui décide où sont les caps, les petites caps, l’italique et toutes ces sortes de choses. En revanche, que les marges fassent tant de millimètres, que l’on compose en Baskerville ou en Mistral, ce n’est pas mon problème. Je fais confiance aux professionnels qui sont chargés de ces questions.
Quand se pose un problème situé à l’intersection de nos domaines, nous en discutons et, souvent, tout s’arrange. Il se trouve que de plus en plus tout est sous-traité (sauf la fab…). Entre sous-traitants il est facile de s’entendre.
C. DÔ-DUC : Bref, si je me souviens bien, il y a quelques années, pour faire tout ça, il fallait :
— un rédacteur/rewriter,
— un correcteur,
— un préparateur,
— un compositeur,
— un directeur artistique pour concevoir la maquette et la typo,
— un metteur en pages pour les appliquer,
— un photograveur…
Aujourd’hui, nous autres pauvres indépendants sommes censés savoir tout faire. Et on s’étonne qu’il y ait du chômage et que la qualité des livres ne soit plus ce qu’elle était ! Pire encore, l’expérience semble montrer qu’il vaut effectivement mieux que ce soit une seule et même personne qui fasse la préparation sur document, la compo et la mise en pages, car les fonctions des différents logiciels (Word et Quark Xpress par exemple) se chevauchent, quand elles ne se contredisent pas ou ne s’annulent pas purement et simplement.
D’accord !… mais je suis moins nostalgique que vous… Naguère, un correcteur corrigeait à longueur de jour, d’année, de vie, un préparateur préparait, un compositeur composait… Pas marrant, même en aimant son métier, on devait finir par se lasser… Aujourd’hui on nous demande de tout faire (ou presque…). Eh ! même si pour d’aussi diverses compétences nous sommes mal payés (plutôt mieux qu’hier, d’ailleurs), c’est beaucoup plus intéressant, varié, « enrichissant », agréable…
De toute façon, on n’a pas le choix…
J.-F. PORCHEZ : Je suis bien d’accord, même si on n’est pas aussi bon dans tous ces domaines.
Oui, bien sûr, mais je crois que l’idée (qui n’est pas la vôtre mais qui est assez répandue) selon laquelle les spécialistes qui naguère se partageaient le travail étaient tous « bons » est agréablement nostalgique mais fausse… En d’autres termes : nous ne sommes pas bons partout mais hier il n’y avait pas des bons partout…
Quelques mots encore sur l’éventuelle dégradation des conditions de travail (sans aller jusqu’à comparer le saturnisme et la fatigue oculaire…).
Les éditeurs ont éliminé quelques étapes dans le processus de fabrication des objets imprimés. Pour quelques-unes, on ne peut leur en faire grief : elles étaient « techniquement condamnées ». Souvent, il ne s’agit pas de suppressions mais de déplacements. Nous devrions mettre l’accent sur les amputations abusives, non liées à l’évolution des matériels.
Allez ! je balance une autre évidence (tapez, mais pas trop fort…) : dans nos métiers, si dans certains secteurs (pas tous, loin s’en faut) on observe une dégradation (des objets produits ou des conditions de travail…), celle-ci n’est pas due aux nouvelles techniques * mais à des « impératifs économiques » (ou prétendus tels).
* Sauf à comparer ce qui n’est pas techniquement comparable…
F. PICHAUREAU : Je me pose la question toute bête : c’est quoi le travail d’un correcteur ?
Avant tout « travail » (et les compétences qu’il implique), il y a la disposition d’esprit. L’attention n’est pas suffisante : le correcteur doit être persuadé que ce qu’on lui donne à lire est nul, merdique, bâclé, inepte… et farci de fautes ! C’est le seul moyen de les débusquer toutes (ou presque…).
Ce regard « méchant » explique pourquoi il est vain de vouloir corriger ses propres textes ou ceux sur lesquels on a travaillé sur un autre plan (contenu)… La correction implique un type de lecture assez particulier et plutôt antipathique qu’il faut se garder d’adopter en d’autres circonstances (si l’on peut… j’en connais qui souffrent de séquelles graves). Le mépris est efficace lors de toute correction, mais l’admiration est un des ingrédients du plaisir de lire (et c’est un sentiment qui aide à vivre…).

À Typographie, du 11 au 17 février 1999.
J. LAFERRIÈRE : Il existe un logiciel [Prolexis] qui contrôle la typographie et les règles de grammaire de façon absolue.
Si la grammaire et la typographie avaient un quelconque rapport avec l’absolu, tout irait pour le mieux dans notre monde.
Le logiciel dont vous parlez est effectivement extraordinaire : il est véloce, bien conçu, tout ce que vous voudrez… Il n’empêche que je passe une partie de mes jours et de mes nuits à récrire des textes qui sont passés sous son contrôle absolu. Vous n’imaginez pas la surprise d’un auteur à qui l’on annonce que sa progéniture, certifiée viable par Pro truc et dont il est si fier, requiert les soins intensifs généralement accordés aux prématurés.
Il arrive aussi que je me farcisse des épreuves certifiées impeccables par des typographes et leurs logiciels. Travail au neuneuil et même aux deuzyeux (ainsi qu’à la mimine), les seuls instruments appropriés… puisque ce sont également ceux des lecteurs. Léger détail que l’on oublie souvent.
O. RANDIER : En fin de compte, c’est l’auteur qui décide, bien sûr.
Non… sauf chez les amateurs ou dans les diverses modalités de l’auto-édition, ce n’est jamais l’auteur qui décide « en fin de compte », c’est l’éditeur. C’est une affaire de pouvoir : décide celui qui a le pouvoir. L’auteur a les pleins pouvoirs sur son manuscrit, point. Sur l’édition de celui-ci, il n’en a aucun : il n’a que des droits (sans jeu de mots), ce qui n’est pas exactement la même chose.
Évidemment, ce pouvoir se délègue… et il peut arriver qu’un auteur ait le sentiment de « pouvoir » imposer ses points de vue. C’est uniquement parce que l’éditeur (pour une raison ou pour une autre…) lui a laissé la bride sur le cou. En règle générale, les décisions relatives au nettoyage et au polissage des textes sont prises par des nettoyeurs et des polisseurs professionnels. S’il y a conflit ou divergence entre eux et l’auteur, c’est l’éditeur qui tranche. C’est son rôle, son métier…
Je présente les choses d’une façon un peu abrupte : la vie éditoriale est plus complexe que celle de la caserne. Selon les types d’ouvrages édités, l’« autonomie » des auteurs varie considérablement. Tout cela n’est pas bien grave… Dans la quasi-totalité des cas, les auteurs sont ravis de se faire nettoyer… C’est bon pour leur amour-propre.

À F.L.L.F, le 21 janvier 2000.
VALÉRIE : Combien est payé un correcteur à la page ?
Ça dépend… du secteur (presse, édition, etc.), de la nature de la correction (copie, épreuves) et du texte…
Rien à voir entre une correction à 50 000 signes/heure (si, si, ça existe… et cela explique la belle tenue de nos quotidiens) et une correction-révision à 10 000 signes/heure, voire beaucoup moins…
VALÉRIE : J’ai entendu un correcteur me dire qu’il avait droit à 5 % d’erreur sur un texte.
Hihi… c’est un malin…
VALÉRIE : Il me semble pourtant qu’atteindre les 5 % d’erreur est inacceptable (dans l’imprimerie). Le 1 à 2 % étant la limite commerciale.
Vous êtes bien généreuse… 1 %, c’est déjà beaucoup…
B. LOMBART : Parle-t-on de 1 % par rapport au nombre de signes ? C’est-à-dire 10 à 15 fautes par page A4 ?
Non… évidemment… 1 % de fautes non détectées… (Le correcteur dont il était question tentait de faire admettre l’oubli de 5 fautes sur 100… Autant changer de métier…)

À F.L.L.F, le 22 janvier 2000.
[…] Pour bien corriger, il faut être persuadé qu’on lit des conneries écrites par des débiles. Corollaire : impossible de corriger ses propres textes.
Autre corollaire : cette activité est désobligeante quand elle est effectuée à titre gracieux aux dépens de tiers qui n’en demandaient pas tant…


Correction Correcteur, Deleatur.

On ne corrige pas dans le texte mais dans la marge.
La faute est indiquée dans le texte par un signe de renvoi, qui est répété en marge après la correction.
Les corrections doivent être écrites à l’encre (stylo, stylo-bille, feutre, etc.) : les indications tracées au crayon ne sont pas prises en compte par le compositeur. À l’évidence, il est préférable d’employer une couleur différente de celle du texte composé. Celui-ci étant généralement noir, le meilleur contraste est obtenu avec l’encre rouge.
Les explications ne devant pas entrer dans la composition sont entourées d’un trait ou écrites au crayon.
Certains signes de correction, naguère très utiles, sont aujourd’hui sans emploi : espace ou interligne à baisser, lettre à retourner.

Naguère, trois lectures (synonyme de « corrections ») et une révision étaient effectuées au sein des ateliers d’imprimerie. La « lecture en première typographique » visait à rendre la composition conforme à la copie ( à l’exclusion des fautes éventuelles…). La « lecture en seconde » ou « en bon » s’opérait sans copie, sur une épreuve lue et approuvée (bon à tirer) par l’auteur. La troisième épreuve, ou « tierce », permettait au « tierceur » de vérifier que toutes les corrections demandées avaient été faites et qu’aucune erreur supplémentaire ne s’était introduite lors des remaniements. Une ultime révision précédait immédiatement le tirage.


À Typographie, le 17 décembre 1997.
A. HURTIG : La liste des signes de correction est à l’évidence obsolète : trop de signes ne correspondent plus à des erreurs susceptibles d’être commises (certains Codes présentent des pages et des pages de signes désormais inutiles), ce qui est source de trouble pour les auteurs et certains correcteurs (du coup, les auteurs ne suivent pas les consignes…).
J. ANDRÉ : Typiquement : une lettre à retourner. Aujourd’hui il faudrait beaucoup de bonne volonté pour faire ça !
Moins que les « blancs à baisser »… qui comptent parmi les grands rôles comiques des Codes d’aujourd’hui… Que de bonne volonté pour reproduire la vilaine petite tache noire provoquée par un blanc qui se hausse du col…
A. HURTIG : En plus d’un nécessaire élagage, une hiérarchisation des signes serait à pratiquer : isoler la petite dizaine de signes indispensables… Enfin, de nouveaux signes sont certainement à inventer.
J. ANDRÉ : Je suis d’autant plus intéressé par ce problème […] que nous travaillons sur un système de reconnaissance automatique d’épreuves corrigées (on-line ou off-line, comme on dit).
Ça m’intéresse aussi […], mais je crois qu’à plus ou moins long terme d’autres signes de correction seront obsolètes ou, du moins, que leur « lisibilité » et leur pertinence n’intéresseront pas grand monde, du moins au stade de la copie…
Pourquoi ? Parce que les récriveurs, les correcteurs ou les réviseurs saisiront eux-mêmes les corrections dans des textes « précomposés » par les auteurs… C’est déjà très souvent le cas, j’en sais hélas quelque chose… Dès lors (s’il y a une copie papier, ce qui est de moins en moins vrai…), un seul signe suffit : celui qui indique à l’auteur qu’à tel endroit on a modifié quelque chose ! Inutile d’effectuer deux fois les corrections… (La correction sur manuscrit, qui n’exigeait pas du tout les mêmes signes, a quasiment disparu.) Si la copie est un fichier et que l’éditeur juge inutile de l’imprimer, un marquage quelconque et facilement débrayable fera l’affaire ! Et hop !
Bon, je caricature un peu, mais il y a peut-être du vrai dans cette mort annoncée du deleatur et de ses pairs…
Pour les épreuves… c’est autre chose… mais sait-on jamais ? Quant à la classification (encore une…) des signes, je crois qu’il faut distinguer nettement les signes de correction purement orthographiques (deleatur, ajout, etc.) de leurs collègues orthotypographiques (mise en ital, petites caps, etc.) et, surtout, typographiques (réduction du blanc, alignement, etc.).



Côte Géographie.

« La Côte, c’est toujours un beau jardin,
comme celui où j’écris en ce moment avec,
entre les pins, la Méditerranée. »
François M
AURIAC, le Nouveau Bloc-Notes.

Ce mot et ses nombreux composés fournissent une excellente illustration de la subtile orthographe des dénominations géographiques…

Règles, voir : Géographie.

La côte (le littoral), la Côte (France, ellipse : la Côte d’Azur ; Suisse, dénomination propre : rivage nord-ouest du lac Léman).
La Côte-d’Ivoire, les Côtes-d’Armor, les Côtes-du-Nord, la Côte d’Amour, la Côte d’Argent, la Côte d’Azur, la Côte de Beauté, la Côte d’Émeraude, la Côte Fleurie, la Côte de Nacre, la Côte d’Opale, la Côte Sauvage, la Côte Vermeille.
Académie 1994, Girodet 1988, Impr. nat. 1990, Larousse 1997.
Hanse 1987 {côte d’Azur, d’Émeraude, d’Argent}, Robert 1985 {côte d’Azur}.
La côte des Esclaves.
Impr. nat. 1990.
Larousse 1970 {Côte des Esclaves}.
La Costa Brava, la Costa del Sol. La Côte-d’Or, la côte d’Or (côte de Beaune, côte de Nuits, côte de Dijon), la Côte-de-l’Or (ancien nom du Ghana).
La Côte-Rôtie (vignoble), le côte-rôtie (vin).


Couillard Cabochon, Cul-de-lampe.

Filet maigre de séparation.


À Typographie, le 10 décembre 1997.
J.-D. RONDINET : Un « c… », c’est un petit « cul-de-lampe » (re-pardon, les dames !), c’est-à-dire une petite fioriture, en fin de paragraphe ou de chapitre — comme on en trouve aujourd’hui dans la police « Wood Type Ornaments ».
Les couillards sont des ornements par extension… Les vrais sont beaux dans le plus simple appareil…
À l’origine, ce sont des petits filets maigres employés pour séparer deux articles, deux titres ou pour isoler les notes du texte courant.
Alain Rey donne 1866 comme première apparition de l’acception typographique… mais à la même date Pierre Larousse l’intègre dans son dictionnaire avec la mention « vieux mot »…



Couleur

« Je peins aussi les couleurs du double. Ce n’est
pas nécessairement aux pommettes ou aux lèvres
qu’il a du rouge, mais dans un endroit de lui-même
où est son feu. Je mets donc aussi, je mets du bleu
au front s’il le mérite (car j’oubliais de dire que je
pratique le psychologisme depuis quelque temps). »
Henri M
ICHAUX, « En pensant au phénomène
de la peinture », Passages.

Les véritables adjectifs de couleur (blanc, bleu, brun, céruléen, cramoisi, gris, noir, rouge, vert, violet, etc.) et leurs éventuels dérivés (blanchâtre, bleuâtre, brunâtre, grisâtre, verdâtre, etc.) sont variables et s’accordent en genre et en nombre lorsqu’ils sont employés seuls pour qualifier un ou plusieurs noms : une souris verte, des chaussettes noires, une chemise et un pantalon bleus, une chemise et une cravate bleues.
Exception. — Auburn (châtain cuivré) est toujours invariable.


Noms employés
comme adjectifs de couleur

Seuls les membres du traditionnel groupe des six sont variables (dans les mêmes circonstances que les véritables adjectifs de couleur auxquels ils sont assimilés) : écarlate, fauve, incarnat (rouge clair ; incarnadin : couleur chair), mauve, pourpre (rouge vif ; pourpré, purpurin), rose.
Bien que leur emploi soit limité (robe des équidés), alezan et bai méritent de figurer dans ce groupe.
Impr. nat. 1990.
Tous les autres noms employés comme adjectifs de couleur sont toujours invariables dans cet emploi : des chemises kaki, une veste marron, des pantalons orange.
« La lune brillait au milieu d’un azur sans tache, et sa lumière gris de perle descendait sur la cime indéterminée des forêts. » – François René de CHATEAUBRIAND, Atala.

Employés comme substantifs, ils recouvrent leur éventuelle variabilité : des oranges bleues.
Les adjectifs dérivés de ces noms s’accordent en genre et en nombre : des pantalons orangés, des murs olivâtres.
Remarque. — Châtain s’accorde en nombre : des cheveux châtains. Pour le genre, les avis sont partagés (voir : Châtain).
Voir le tableau des noms des couleurs les plus utilisés et de leurs significations.


À France-Langue, le 5 novembre 1997.
A. LABONTÉ : Quand les papillons déploient leurs ailes, les arbres semblent s’animer de fleurs orange et noires frémissantes. Ce n’est pas tout à fait pareil, mais ça veut dire la même chose, et cela m’apparaît plus poétique qu’une traduction mot à mot. Et cela permet d’illustrer une règle de grammaire du français (accord des couleurs : orange est invariable et noir s’accorde).
Ça dépend… Là, vous considérez qu’il y a des fleurs orange et des fleurs noires… ce qui est envisageable, même si l’illusion est engendrée par une seule espèce de papillons. En revanche, si les « fleurs » sont bicolores (ce qui est également envisageable, puisqu’il s’agit d’ailes de papillons), il est bien préférable d’écrire : des fleurs orange et noir frémissantes.

À France-Langue, le 22 avril 1998.
L’exemple de robes est très intéressant. En effet, on ne peut vouloir « une robe rouge et verte », du moins en français, mais :
une robe rouge et vert,
une robe rouge ou verte,
des robes rouge et vert,
des robes rouges et vertes,
des robes rouges ou vertes.
Chaque accord renvoie à une réalité différente, avec une extrême précision. Ici, le « et/ou »permettrait aux amateurs de néographie de doubler la mise et d’introduire, grâce à sa prétendue « logique », un bordel inextricable :
Je veux des robes rouge(s) et/ou vert(es). Je renonce à compter le nombre de possibilités ainsi offertes…
Je partage l’avis de M. Billard (et de J. Melot) : le « et/ou » est une marque d’insuffisance (et/ou de suffisance…) conceptuelle et grammaticale ; mais ce n’est pas une maladresse, c’est une habileté…
Faire croire que l’on améliore la précision en usant d’un machin qui la détruit, c’est fort…


Coupure Division.

Les coupures en fin de ligne sont de deux sortes.


1. Séparation de deux mots

À la fin d’une ligne, on ne sépare pas le quantième et le mois, le mois et l’année, l’année et l’ère.


2. Division d’un mot plurisyllabique

La division des mots en fin de ligne est essentiellement syllabique.
Lefevre 1883, Tassis 1870.

  Bonne coupure     Mauvaise coupure  
magna [ nimité magn / animité
né [ goce nég / oce
pali [ nodie palin / odie
pro [ sodie pros / odie
stra [ tégie strat / égie
vi [ naigre vin / aigre

Avec Greffier 1898, l’intelligence des typographes d’antan se manifeste dans sa plénitude : « Ce n’est que pour faciliter l’espacement régulier qu’il a été admis de séparer un mot en deux tronçons. Par conséquent, lorsqu’une des règles qui président à la coupure d’un mot mettrait dans la nécessité, pour être suivie, d’espacer irrégulièrement, il vaudrait mieux faire une mauvaise division qu’un mauvais espacement. »
Lefevre 1883.


« Concubite »

Les anciens typographes n’étaient pas tous bégueules. Dans ses exemples de bonnes divisions, Lefevre 1883 donne « con-science »… Dans une phrase comme « La vieille pute se gratte continuellement le cul », on imagine mal qu’un sursaut de décence interdise cette coupure : con | tinuellement.


I. Coupures interdites

À France-Langue, le 12 septembre 1997.
G. PENET : Comment coupe-t-on les mots qui contiennent un y, comme par exemple moyen ? Avant ou après le y ?
Ni avant ni après… Pas moyen de couper moyen… selon l’orthodoxie typographique (et elle n’a pas tort *…), mais ce n’est guère gênant : le mot est bien court, on peut toujours lui faire de la place (même sur des justifications étroites) en coupant habilement une des lignes précédentes.
* Elle n’a pas tort, car, contrairement à ce que pensent beaucoup de nos modernes experts en langues, nos vieux typographes tenaient compte de l’oral… Ici (comme dans bien d’autres cas), y est situé entre deux voyelles et les modifie toutes les deux. Si vous coupez avant lui, on lira mo et non moi en fin de première ligne. Si vous coupez après lui, on lira moi… puis en à la seconde ligne…
Pour les mots contenant un y suivi d’une consonne, coupez après lui :

pay [ san, sy [ node.

Mais attention… ça, c’est la règle dans toute sa raideur. Seulement voilà, les anciens maîtres qui nous ont légué la tradition typographique française n’étaient pas seulement attentifs aux subtilités de l’oral, ils se souciaient également de la beauté des compositions et particulièrement du gris typographique. C’est pourquoi ils vous diraient qu’entre une coupure interdite et un espacement défectueux mieux vaut toujours choisir la coupure interdite…
Nouvel attention… Comme je vous l’ai dit plus haut, moyen est un mot bref qui ne devrait pas vous poser de problème. (J’hésite donc à poursuivre…) Toutefois, s’il vous en posait un ( ?)… coupez plutôt après le y… Et puis non, je me rétracte… Ne coupez pas…

À Typographie, le 4 juillet 1997.
A. HURTIG : Tiens, tant qu’on en est à ces histoires de bas de page… Êtes-vous : 1) très sévère, 2) simplement vigilant, 3) totalement indifférent, aux césures en bas de page et en avant-dernière ligne de paragraphe ? Est-ce que ça dépend pour vous du type de travail, de l’humeur et du temps, ou appliquez-vous un principe général et intangible ?
Comme tout le monde ( ?), j’élimine systématiquement les divisions en dernière ligne de page impaire. Ce n’est pas un problème d’ordre esthétique… Quel que soit le type de travail, c’est à mon sens un principe intangible ! La perception de la seconde partie du mot coupé doit être quasi immédiate.

À Typographie, le 11 janvier 1998.
E. CURIS : À propos de tiret : considérons un mot comme monoculaire.
Il est clair que ça vient de mono-oculaire, mais peut-on s’en servir pour césurer ? C’est-à-dire, donc, peut-on césurer monoculaire en mono-[oculaire, avec réapparition du o ?
Je ne le crois pas… L’art français de la division (ou de la coupure, mais non de la « césure ») ne s’intéresse guère à l’étymologie (heureusement…). D’ailleurs, dans ce cas précis, il ne s’agit pas d’une formation savante récente (la préfixation n’a pas eu lieu en français mais en latin : monoculus). Si on vous suivait, on pourrait également couper mono[ocle
E. CURIS : Ça m’intéresse d’autant plus que ce genre de choses arrive fréquemment en chimie : hexaamminecobalt (II) par exemple, que je préférerais écrire hexamminecobalt parce que c’est plus joli.
Il faut que j’hexammine la question… Je ne connais pas ce terme, mais a priori il aurait pu être mieux formé, car la forme « hex- » est généralement employée dans des cas similaires, même en chimie (hexose, hexalcool, etc.). Vous avez donc raison : hexamminecobalt est non seulement plus joli mais plus correct qu’hexaamminetruc (morphologiquement, car je ne m’aventure pas sur le terrain chimique…). Mais j’y pense… mon astuce foireuse (homophonie avec « examine ») ne serait-elle pas l’explication de cette entorse ? Rien n’est simple… Cet hideux hexaamachin n’est peut-être pas idiot…
P. CAZAUX : Un p’tit peu quand même. On ne doit pas couper entre deux voyelles, sauf lorsque justement elles proviennent de l’association d’un préfixe et d’un mot, comme coopération, par exemple.
Bien sûr, mais les occasions sont rares, et il convient d’être prudent…

À Typographie, le 1er mars 1998.
D. Collins : Où peut-on couper le mot instrument ? Et où trouver des règles précises pour les césures ? J’ai cherché dans le Robert, à tout hasard, et, dans mon édition, à l’article « Instrument », le mot est coupé une fois in [ strument et une fois ins [ trument ! Quelle césure est juste ?
Chez Little Bob, on est malin…
La division (et non la « césure » !) est avant tout syllabique… donc, la meilleure division est : instru ment… à la rigueur : ins trument ? (et certainement pas inst rument).
Seulement voilà… sous certaines conditions, la division française est éventuellement étymologique, donc, in[strument pourrait être admissible… Si vous voulez mon avis, c’est un peu gros… Bien peu de lecteurs verront la très lointaine racine struere… C’est un abus de pouvoir pédant ! La division étymologique ne devrait intervenir que dans les cas où elle ne modifie pas la prononciation (là-dessus, tout le monde est d’accord) et où (là, on est souvent muet…) sa pertinence est clairement perceptible par un lecteur francophone légitimement ignorant des langues mortes, c’est-à-dire quand le préfixe ou le radical est identifiable par tout un chacun !
Cela dit… dans quel Robert avez-vous vu ça ? Dans les miens, y a rien de tel (pas d’in strument)…

À Typographie, le 8 octobre 1999.
G. PÉREZ-LAMBERT : J’avoue avoir coupé « enseignants-cher-{nouvelle ligne} cheurs ».
Soyez maudit ! Sauf si l’alinéa est très, très court…
G. PÉREZ-LAMBERT : C’est pas bô, c’est gênant mais que faire d’autre ? Je précise que la ligne était insupportablement laide si je coupais au trait d’union.
Que faire d’autre ? Ne pas considérer la seule ligne foireuse, ne pas hésiter à fourgonner subtilement dans l’alinéa concerné… C’est ce qui s’est toujours fait (façon de parler…).
Supposons que « enseignants-chercheurs » soit le dernier mot d’un alinéa ou d’un paragraphe, ce qui, avec un retrait d’alinéa hypertrophié (comme on en voit tant ces jours-ci), engendrera une belle ligne creuse, ou supposons que la division tombe en bas de page impaire… Vous serez bien obligé de gagner (ou, dans le premier cas, éventuellement de perdre) en jouant probablement sur plusieurs lignes (mais pour ça… il ne faut pas avoir composé trop serré, comme c’est la mode ces jours-ci…).
Si on « peut » le faire ici, pourquoi ne pas le faire là ? Par manque de temps ? Alors, tous ces « problèmes de mauvaises coupes » ne sont pas attribuables aux règles de composition ou aux logiciels… mais aux conditions de travail… Pour être précis : à leur incompatibilité d’humeur (qui ne date pas d’aujourd’hui mais qui prend un visage nouveau et sans doute s’aggrave).
Le vrai « que faire ? » est donc : faut-il adapter les règles aux conditions de travail ? Camarades, comme vous le savez, je réponds : niet ! (Mais c’est un niet désespéré…)

À Typographie, le 2 février 2000.
P. HALLET : Personnellement, je m’abstiendrais d’insérer espaces et traits d’union [dans les adresses Internet]…
Indiscutable !
P. HALLET : … mais je continuerais, pour éviter que le lecteur sursaute, à couper les « mots » de manière « acceptable » […] Mais je ne suis ici qu’un profane… Quel est votre avis de professionnels ?
Le même, exaguetly ze sème (mais je ne suis pas un urlien professionnel…). Restent quelques usages de mise en forme pour l’heure non unanimement adoptés… et liés à l’intégration de ces adresses à la phrase, ce qui n’est pas forcément une bonne idée (l’alinéa clarifie bien des choses) : signes d’encadrement (« », < >, etc.) ou non ? Enrichissement typo (ital, souligné, etc.) ou non ? Plutôt non…

À Typographie, le 5 novembre 2001.
J.-L. TOMASI : Par exemple, le découpage de mora [ le, vien [ nent, messa [ ge est tout à fait acceptable théoriquement.
Non, inacceptable théoriquement et pratiquement… avec mention spéciale pour le deuxième exemple…


II. Coupures malsonnantes

À Typographie, du 6 au 7 août 2002.
O. RANDIER : Il semble que les coupes qu'on juge malsonnantes évoluent avec le vocabulaire moderne des injures.
La tolérance varie surtout en fonction de la nature du texte… […] Dans une encyclique, [la coupure « La vieille pute se gratte con|tinuellement le cul »] serait mal venue… Mais dans les encycliques rares sont les vieilles putes qui se grattent continuellement le cul, alors, tout va bien.
O. RANDIER : Ma correctrice me refuse la coupe à tech [ nique (ta mère)…
Le tech est plus gênant que le nique ! Gênant, mais non dramatiquement fautif… Gênant jadis… du temps où les textes imprimés étaient aussi (parfois surtout…) destinés à la lecture publique… Qui oublie cela ne peut comprendre, par exemple, l’interdiction de couper après x et y précédés et suivis d’une voyelle… Quand tu lis à haute voix, t’as intérêt à pas te planter dans la prononciation de la syllabe située en fin de ligne, juste avant la coupe.
Bon, pour la lecture intime, c’est moins grave… Dans ta petite tête, tu restitues après coup la bonne prononciation, personne n’est là pour se gausser de ta malencontreuse gourance. Moins grave, mais un peu gênant quand même.
Donc, pour aider ton seul maître, le lecteur, bannis les coupures qui peuvent susciter au moins deux prononciations distinctes. Si possible ! Si ça ne l’est pas — en ces temps de justifs bouffonnement étroites, c’est fréquent —, basta ! coupe où ça fout le moins la merde…
O. RANDIER : Par contre, arti [ cule ( ?) est passé, alors que j’avais un doute. Moins amusant, je suis un peu surpris de son refus systématique de couper les numéraux en toutes lettres (deux / machins)…
Mon Dieu… Explique-lui que la composition des nombres en toutes lettres est une des ficelles qui permettent précisément de se libérer à l’occasion des contraintes de la compo des chiffres, en particulier de celles qui concernent les coupures…
O. RANDIER : … et certains composés (lui- [ même, elle- [ même).
Mon Dieu…
N. GESBERT : Imaginons qu’on doive absolument couper le mot connaître.
Pour imaginer une telle obligation, il faut d’abord imaginer une maquette pourrie et des circonstances particulières (occurrence de connaître en fin de première ou de deuxième ligne de l’alinéa), ou une lassitude aiguë ou chronique du metteur en pages (tentation de régler les coupures ligne par ligne et non alinéa par alinéa)…
N. GESBERT : Con | naître est quand même meilleur que connaî|tre, non ?
Mauvais, mais meilleur… sans doute… car connaî tre est inadmissible… Il faut hiérarchiser les contraintes… Compte tenu de la nature du texte (et en admettant que l’« obligation » évoquée en soit réellement une…), quelle est celle que vous hésiteriez le moins à bousculer ?…
La difficulté de la composition typographique ne réside pas dans l’application des règles (elles sont simples), mais dans les choix que le réel nous impose d’effectuer…
M. BOVANI : Je sais bien que la division des mots est a priori un truc trop sérieux pour qu’on la laisse à un programme.
C’est pourtant une pratique de plus en plus répandue…
Je passe une partie de mes jours à éliminer des coupures immondes dans des fichiers livrés par de prétendus maquettistes, metteurs en pages et autres trous-du-graphe ignares. Icônnards à n’y pas croire, ces braves gens oublient qu’ils sont payés pour s’occuper aussi de la composition…
T. BOUCHE : Et pour con / nu ?
Exemple désopilant… mais irréaliste… Ici, le plus typographiquement indécent n’est pas le « con », mais le « nu » : coupure avant les deux dernières lettres… Inadmissible ! Intolérable ! Y a une raison : tu chasses deux signes mais t’en récupères un… Bénéfice ? Que dalle ou à peine plus… Si con- rentre à l’aise, y a fort à parier que connu rentrera itou. Sinon, chasse le tout…


Cour

La Cour de cassation, la Cour des comptes, la Cour supérieure d’arbitrage, la Cour de sûreté de l’État, la Haute Cour de justice.
La cour d’appel, une cour d’assises, la cour.
Toute la Cour en parle.


Cran

Petite entaille faite dans les caractères en plomb pour indiquer dans quel sens ils doivent être placés dans le composteur.


Crénage Accentuation, Italique, Ligature, Œil.

Lettre crénée (plomb) : lettre dont l’œil déborde sur la tige, de telle sorte que l’interlignage (crénage vertical) ou l’approche (crénage horizontal) demeurent homogènes. Les capitales accentuées (É, È, Ê) et plusieurs lettres italiques (T, F, f, j, pk) imposaient un crénage très important. Ces lettres, difficiles à fondre, étaient chères et très fragiles — le crénage risquait de se briser lors du serrage de la composition —, ce qui explique en partie le manque d’empressement des anciens imprimeurs à accentuer les capitales.
Certaines rencontres étaient dangereuses, voire impossibles, sans l’ajout d’une espace fine (qui annihilait le bénéfice du crénage…). Les ligatures en réduisaient le nombre :

Par extension, on donne parfois le nom de crénage au résultat de cette opération, c’est-à-dire à l’empiétement d’un caractère sur le blanc naturel d’un caractère voisin.


À F.L.L.F., le 13 juin 2001.
S. NATARAJA : Quillet : « Créner [krene], v. tr., 1er groupe, typo. Évider la partie de l’œil d’une lettre débordant le corps. » Cela ne me renseigne pas vraiment.
Il est vrai que ce n’est pas très clair… et même erroné… Le crénage n’est pas « évidé » : la partie de l’œil qui « déborde » est fondue en surplomb.
L’œil est la partie (la surface) imprimable du caractère, celle qui est en contact avec le papier (à-plat noir dans l’illustration). Attention les yeux, l’œil du typographe, comme celui du marin, du bœuf et de divers volatiles, fait son pluriel en « œils ».
S. NATARAJA : Dans ce cas, le crénage est-il ce que l’on a enlevé pour faire en sorte qu’un diacritique (ou un point sur i ou j) soit détaché du corps ?
Non, non ! Rien n’est enlevé ! Au contraire ! Pour un corps et un caractère donnés, le corps et la chasse étaient fixes, on ne pouvait rien leur enlever… Le crénage s’ajoute, déborde (en haut pour les caps accentuées, latéralement pour les f non ligaturés, pour de nombreux caractères italiques…).
Quant au point des i et des j, situés loin du talus de tête, ils n’eurent jamais besoin d’être crénés.
Le crénage se glisse et se plaque sur le talus du caractère adjacent. Sa fragilité (et donc celle des caps accentuées) est évidente. Tout ce qui dépasse d’un bloc est exposé à de mauvaises rencontres… en particulier lors du serrage de la compo.
Attention bis ! il s’agit du « crénage » dans son acception ancienne, liée au plomb. Aujourd’hui, ce terme est employé dans un sens un peu différent… Même remarque pour « approche », « chasse », « œil » (et surtout « hauteur d’œil » qui, pour certains, signifie aujourd’hui hauteur d’x), « parangonnage », etc.


Crochet Parenthèse, Ponctuation.

Interpolation, complément

« Le mort, le jour de la résurrection, q[ui] s’aperçoit qu’il a oublié son râtelier. » – Paul CLAUDEL, Journal.
Paris, le 12 avril [1871] ; il n’avait jamais vu Mme B[ardeau] en si bonne compagnie.


Parenthèses de second rang

Cette façon de faire n’est envisageable que dans les ouvrages où les crochets ne remplissent aucun autre rôle.


À Typographie, le 17 juin 1998.
J. ANDRÉ : J’ai toujours appris que si tout le contenu d’une incise est en italique les deux parenthèses sont en italique (ce qui évite d’ailleurs des problèmes de correction d’italique), mais que sinon elles sont en romain.
Bien d’accord… mais… que faire avec les crochets ?
Je dis ça… parce qu’une des justifications de la mise en ital des parenthèses encadrant un mot ou un passage intégralement en ital est que ce type d’incise n’appartient pas à la phrase et donc que ses bornes, qui sont également étrangères à la phrase, doivent être composées en harmonie avec ce qu’elles bornent… […] Or, partant d’une analyse similaire, il semble difficile d’arriver à la même conclusion pratique avec les crochets.
Pour qu’il n’y ait pas d’équivoque : dans les cas que tu as évoqués (incise intégralement en ital), je suis plutôt pour la mise en ital des parenthèses… et pour le maintien des crochets en romain… C’est physique… les crochets italiques me foutent la nausée… Ou alors pour se marrer, comme un touriste à Pise…


Croisade Guerre


Croix Décoration.

« On n’échappe pas à surestimer ce qu’on
dédaigne. Celui qui a refusé la croix est un
vigilant scrutateur * des boutonnières. »
Jean R
OSTAND, Pensées d’un biologiste.

* Cette acception première du substantif scrutateur : « Qui
pousse loin ses recherches », donnée par tous les grands
lexicographes, est aujourd’hui absente du Petit Larousse, du
Nouveau Petit Robert et du Dictionnaire Hachette encyclopédique,
qui ne la retiennent que pour l’adjectif. Les scrutateurs du lexique,
qui s’emploient à l’enrichir en faisant de la place aux trouvailles
du jour, sont prompts à rendre des arrêts d’obsolescence.

Les Croix-de-Feu, la Croix-Rouge.
La croix de guerre, la croix latine (
).


Croix latine
(ou « obèle » : )

À Typographie, les 8 et 9 janvier 1998.
Y. BEAUFAYS : Cette rôtissoire en croix ne sert-elle pas aussi lorsqu’il s’agit, dans un colophon par exemple, d’indiquer qu’un fondateur ou rédacteur en chef d’une publication est décédé ?
Si… et c’est même, aujourd’hui, son emploi le plus fréquent (sans date).[…]
Aurel Ramat (1994) attribue à la croix le doux nom d’« obèle » et à la double croix celui d’« obèle double ». Vous me direz qu’il écrit « bas-de-casse »…
Près d’un siècle plus tôt, Émile Leclerc ne donnait « obélisque » que pour désigner l’équivalent anglais de la croix (c’est-à-dire de la dague… puisque dagger, long cross et obelisk désignent le même signe).
Jacques Melot a rappelé très justement qu’astérisque et obèle sont intimement liés, que le premier est associé à un manque et le second à un ajout. C’est vrai et c’est très troublant… car ces deux signes furent également associés pour indiquer les deux bornes de nos vies.
L’astérisque (le manque…) pour la date de naissance, l’obèle (l’ajout) pour la date du décès, pour la mort (rôle qui est encore aujourd’hui le sien)… Vous échapperez peut-être au culte en refusant la croix, vous n’échapperez pas à l’au-delà en adoptant l’obèle…


Cul-de-lampe Cabochon, Couillard.

Vignette plus ou moins triangulaire (pointe en bas), placée à la fin d’un chapitre ou d’un livre :

Composition en cul-de-lampe.