Règles typographiques : de Point cardinal à Proverbe


Point cardinal Abréviation.

••• Nord, sud, est, ouest sont des noms et des adjectifs invariables : les quartiers nord ; le maire de B*** a perdu le nord, la majorité perd le Nord.


Majuscule et minuscule

••• La règle peut se résumer ainsi :

direction  >  minuscule
lieu > majuscule

Cette règle s’applique aux points cardinaux simples (nord, ouest…) ou composés (nord-ouest…), à leurs synonymes (septentrion, noroît, suroît…), aux termes équivalents (occident, orient, couchant, levant, ponant, midi…) ou assimilables (centre…) : le cap Nord, le pôle Nord, le pôle Sud ; la gare de l’Est, la gare du Nord ; le Grand Nord, l’hémisphère nord, l’hémisphère sud.


Abréviation

••• Toutes les abréviations formées par apocope prennent le point abréviatif, les points cardinaux n’échappent pas à la règle : N., S., E., O. Voir : Abréviation, § 3.2.2.
Berthier & Colignon 1979, Bref Larousse 1995, Code typ. 1993, Dumont 1915, Grevisse 1986, Larousse 1997, Ramat 1994, Typogr. romand 1948.
Impr. nat. 1990, Perrousseaux 1995, Typogr. romand 1993.
Les formes abrégées ne s’emploient que dans l’expression des latitudes et des longitudes :
••• .
.
••
Leforestier 1890.
On suggère parfois de remplacer O. (ouest) par W. (West).

Points composés : nord-ouest > N.O. ; nord-sud > N.-S.


À Typographie, le 20 mars 1998.
O. RANDIER : Ben, on écrit bien « S.-E. » (Sud-Est).
Ben non… c’est une exception. On écrit S.E., N.E., S.O…
En revanche, on écrit N.-S., E.-O. ou N.N.O.-S.S.E… Le trait d’union, c’est un peu l’axe de la boussole...

À Langue-Fr., le 15 juillet 1999.
B. CHOMBART : 0°19'34"o - 49°9'20"n.
Cher ami, pardonnez mon absence de longanimité typographique... mais je vous trouve un rien latitudinaire : .


Point d’exclamation Ponctuation.

« Comment ? Qu’est-ce que tu dis ? Qu’un seul point
d’exclamation est insuffisant, compte tenu de la gravité
de la chose ? Tu as raison. Tiens, en voilà d’autres,
rajoute ce que tu jugeras utile : ! ! ! !!!!!!!!!!!!!!! »
S
AN-ANTONIO, Al Capote.

•• L’interjection est exclamative. L’onomatopée, pas toujours : « Là-dessus, vroutt, il se jette sur une place libre et s’y assoit, boum. » – Raymond QUENEAU, Exercices de style.
Ce « boum » résonne magnifiquement. L’exclamation en ferait un médiocre pétard.
•• L’interjection elle-même peut renoncer à l’exclamation ostentatoire : « Qui est là ? Ah très bien : faites entrer l’infini. » – Louis ARAGON, Une vague de rêves.
•• Mis entre crochets et inséré dans une citation [!], le point d’exclamation traduit le sentiment engendré chez le commentateur par une phrase ou par un mot : perplexité, étonnement, agacement, mépris (éventuellement associé à un sourire ou à une franche hilarité), consternation… On n’abusera pas de ce procédé facile, sournois et déloyal. Si l’on considère qu’un mot ou une phrase dus à un tiers sont indiscutablement condamnables à un titre ou à un autre, on leur attribuera un [sic], beaucoup plus explicite. Si la citation ne suscite que de la perplexité, on se contentera d’un point d’interrogation entre crochets [?], beaucoup moins équivoque que le point d’exclamation.
•• Certains auteurs transforment le point d’exclamation entre crochets (ou entre parenthèses) en point d’ironie destiné à souligner la finesse d’un de leurs traits d’esprit ou à sauver un pauvre jeu de mots par l’artifice d’une habile dénonciation.
Comparable à la suspension ironique (voir : Points de suspension § 1.1), le procédé n’est guère recommandable : « Toujours est-il que l’invention et la démocratisation de notre numération de position ont eu sur les sociétés humaines des conséquences incalculables [!], car elles ont facilité l’explosion de la science, des mathématiques et des techniques. » – Georges I
FRAH, Histoire universelle des chiffres.


Point d’interrogation Ponctuation.

Le point d’interrogation marque l’interrogation directe.
Ramat 1994.
Dans une phrase interrogative suivie de « dit-il » (ou d’une formule équivalente), le point d’interrogation se place avant l’incise et ne doit pas être suivi d’une virgule : « Où est l’os ? s’enquit le cadavre de Mor Lame. » – Birago D
IOP, les Nouveaux Contes d’Amadou Koumba.

« Pourquoi a-t-elle mis les adjas quand j’ai neutralisé son garde du corps (ou son geôlier 1 ?) ?
« (1) Je demande à mes potes de l’imprimerie de respecter ma ponctuation. Je sais que deux points d’interrogation successifs font bizarre, néanmoins ils sont justifiés puisque l’un concerne la phrase dans son ensemble et l’autre exclusivement la parenthèse. À part ça, ça va, les gars ? » – S
AN-ANTONIO, le Silence des homards.



Faut-il toujours une capitale
après un point d’interrogation ?

À F.L.L.F., du 5 au 10 décembre 2001.
D. PELLETON : D’après Colignon, je cite : « Derrière un point d’interrogation, on mettra une minuscule si les termes suivant ce point constituent une réponse à la question formulée auparavant par la même personne. »
Tu veux tout savoir ? Je ne suis pas colignonien. Du tout… ou plutôt, un point c’est tout… Sa formule est une généralité. Dans certains cas, elle est valide. Dans d’autres, non. Dans la plupart, le choix est offert… Nous voilà bien avancés.
D. PELLETON : Exemple : « Veux-tu savoir si je suis [hugolien] ? oui, je crois l’être. »
Irréprochable, très chic, mais une majuscule ne serait pas fautive pour autant… Maintenant, essaie un peu d’éliminer celle-ci : « Veux-tu savoir de qui mon cœur a le plus souffert ? Des brunes. » (Comprendre, évidemment : des Gauloises ou des Gitanes, selon les jours.)
D. PELLETON : Un seul locuteur [pose la question et y répond]…
Oui, c’est certain, mais il faut que la notion de « locuteur » soit bien comprise par celui qui se chope la formule magistrale dans les naseaux… Quant à la « réponse formulée par la même personne » proposée par Colignon, elle est beaucoup plus perplexifiante…
Concoctons un exemple qui pourrait rendre songeuse une jeune âme encore peu habituée à débusquer les locuteurs et surtout les « autres personnes » : « […] l’autre crevure s’y met, toujours la même rengaine, t’as pas cent balles ? non, j’ai pas cent balles, j’en ai cinq cents, et je t’emmerde, connard, pas content qu’il était le vioque à moitié moisi, ça m’a fait rigoler […], non je ne veux pas Non. »
Tu me diras que c’est un monologue (donc un seul « locuteur », mais certainement pas « la même personne »…), c’est vrai, élégant et classieux qui plus est, mais c’était juste pour faire observer que les auteurs de manuels devraient être prudents dans la formulation de leurs conseils et surtout de leurs « règles ». Drillon l’est, car il sait de quoi il parle (sauf sur de légers détails typographiques), il sait ce qu’écrire veut dire.
L’auteur d’Un point c’est tout ! (tout un programme) et quantité d’autres directeurs des ressources ponctuatives ne jouent ni sur la même scène ni dans la même catégorie.
D. PELLETON : Si l’on veut donner une impression de vivacité, autant se passer de majuscule.
Oui, éventuellement, dans certains cas.


Points de suspension Ponctuation.

« On entend dire : “Bon. Très bien. Il met
trois points, trois points…” Vous savez,
trois points, les impressionnistes ont fait
trois points. Vous avez Seurat, il mettait
des trois points partout ; il trouvait que
ça aérait, ça faisait voltiger sa peinture.
Il avait raison, cet homme. »
Louis-Ferdinand C
ÉLINE,
Louis-Ferdinand Céline vous parle.

1. ••• Rôle

Les points de suspension sont un signe de ponctuation qui se compose toujours de trois points et qui joue trois rôles différents.

1.1. Suspension, interruption, réticence, aposiopèse (voir ce mot), décence…
Comme leur nom l’indique, les points de suspension expriment que quelque chose est ou s’est interrompu avant son achèvement normal. « Quelque chose », c’est-à-dire tout et n’importe quoi, la forme ou le fond, selon les circonstances… : mot, phrase, construction grammaticale quelconque, cours orthodoxe de la syntaxe, énumération, citation…, mais aussi discours, pensée, sentiment, travail de la mémoire, voix, détermination, certitude, force physique…
Exemples. — Toutes ces bêtises… ces sornettes…, j’en ai ma claque… ; c’est indécent, j’hésite à pours… ; le jeune F… est un vrai f… (voir : Abréviation) ; une seule règle, mon cher : « Patience et longueur de temps… »
« Je devrais sur l’autel où ta main sacrifie
Te… Mais du prix qu’on m’offre il faut me contenter. »
Jean RACINE, Athalie, acte V, scène V.

La pause s’accompagne souvent d’une pose ; le lecteur est informé d’un fait qui aurait pu lui échapper : l’auteur n’en dit pas plus… mais il n’en pense pas moins ; ou il fait observer aux distraits que la proposition ou le mot précédents (ou suivants…) donnent dans la subtilité, l’humour. Les points de suspension se transforment alors en pénibles petits points d’ironie : Hugo est un poète… misérable.

1.2. Reprise.
Phrase qui se poursuit > alinéa, minuscule initiale (même si une ou des phrases « complètes » sont intercalées) :
Je suis malade…
Il ouvre son armoire à pharmacie.
… mais je me soigne.

Nouvelle phrase > alinéa, majuscule initiale :
Le tunnel était long.
… Mais on a fini par en voir le bout.
Parfois, seule la reprise est indiquée (la pause peut intervenir entre deux phrases, deux alinéas, deux chapitres…). L’« avant » suspendu peut n’avoir jamais été exprimé : titre, premier mot d’une œuvre, d’un poème… Nombreux exemples chez Saint-John Perse : « … Ô ! j’ai lieu de louer ! », Éloges.

André Chervel a intitulé un de ses ouvrages : … et il fallut apprendre à écrire à tous les petits français. C’est un très joli titre, et les points de suspension initiaux y sont pour quelque chose. La minuscule initiale du premier mot est admissible, elle est même subtile. (En revanche, celle qui affuble « français » est une faute grave, singulièrement dans le titre d’un procès en règle de la grammaire scolaire…)

Remarque. — Tous les points de suspension placés en tête de phrase ou d’alinéa n’indiquent pas nécessairement une reprise ; ils peuvent conserver leur valeur suspensive ou de réticence :
« — Le barrage était à la hauteur du parc ? répéta Vargas.
— Oui…
— Mais il y avait des camions en avant, vers vous ?
— … Oui. » – André MALRAUX, l’Espoir.
Belle ponctuation… Le premier « oui » est lancé sans attendre mais demeure en suspens…, le locuteur hésite à fournir une réponse plus explicite ; le second n’est émis qu’après une hésitation plus ou moins longue… mais la réponse est définitive, le locuteur n’a pas l’intention d’en dire plus dans l’immédiat. Attention à l’espace, obligatoire, qui sépare les points de suspension et le second « … Oui. »

1.3. Comblement.
Certaines suspensions ne méritent pas leur nom : ce sont d’authentiques suppressions, voire des trous… Les points de suspension ne suspendent rien mais, providentiels, ils se chargent du remplacement ou du comblement :
— Vous en pensez quoi ?
— …
Certains trous n’ont pas à être comblés : ils se traduisent par un blanc d’une longueur au moins égale à celle d’un mot de plusieurs lettres. Ce procédé ne devrait être employé qu’avec prudence. Dans les textes médiocres ou plats, il a des chances d’être ridicule. Ailleurs… il est d’une force exceptionnelle, parfois terrifiante.
Dans l’exemple qui suit, on imagine mal des points de suspension : « Tous les termes que je choisis pour penser sont pour moi des
TERMES au sens propre du mot, de véritables terminaisons, des aboutissants de mes mentales, de tous les états que j’ai fait subir à ma pensée. » – Antonin ARTAUD, le Pèse-Nerfs.


2. ••• Cohabitation

2.1. En fin de mot ou de phrase, dans les interruptions, dans les abréviations euphémiques ou de discrétion, les points de suspension sont collés à la dernière lettre (ou à un éventuel signe de ponctuation placé avant eux) et sont suivis d’une espace forte : « Bon… Ça va… je ne suis pas c… J’ai compris !… »

2.2. En début d’alinéa (reprise), les points de suspension sont suivis d’une espace forte : « … Enfin, il me semble que j’ai compris. »
Au sein d’un alinéa, avant un mot ou une phrase (reprise), ou lorsqu’ils remplacent totalement un mot ou un groupe de mots, ils sont précédés et suivis d’une espace forte : « Je ne suis pas aussi … que vous l’imaginez. »
Lorsqu’ils remplacent le début ou la fin d’un mot, les points de suspension doivent être collés au(x) fragment(s) lisible(s). Lorsqu’ils remplacent des lettres médianes, l’orthodoxie typographique voudrait qu’ils soient suivis d’une espace ; il me semble cependant que l’entorse est non seulement admissible mais judicieuse : « Ses dernières paroles, dont le sens m’échappe, furent “Au …cours, un rhi…céros piétine ma bicycl…” »
Dans les vraies suspensions de l’élocution, il convient de respecter la règle… Dans les suspensions-étirements, il convient de la bafouer… : « Lisette est sa…age, / Reste au villa…age… » – Alphonse D
AUDET, « Les Douaniers », Lettres de mon moulin. {Sa… age} et surtout {villa… age…} sonneraient très différemment…
« Ou…i, souffla-t-elle. » – Auguste L
E BRETON, Razzia sur la chnouf. À l’évidence, la graphie adoptée par Le Breton (ou par le typographe…) nous fait entendre un « oui » hésitant (ou-oui) et non un ou-hi dépourvu de sens (syllabe décomposée et, pour les amateurs : synérèse > diérèse).

2.3. Tolérants, les points de suspension acceptent de coopérer avec presque tous les autres signes de ponctuation… mais pas à n’importe quelle condition.

Point.
Quatre points, c’est trop… L’un des points de suspension n’« élimine » pas le point (final ou abréviatif), il se confond avec lui. Deux petits astres noirs se rencontrent sous nos yeux : éclipse totale de l’un d’eux : Grève à la R.A.T.P…
Remarque byzantine… Dans l’exemple précédent, où se cache le point final ? Sans la suspension, il se confondrait avec le dernier point abréviatif… mais elle l’a contraint à se déplacer (après un point final, il n’y a plus rien à suspendre). On peut considérer qu’il y a deux superpositions : le premier point de la suspension se confond avec le point abréviatif, le dernier avec le point final… Un seul point est uniquement suspensif : celui du milieu…
Code typ. 1993, Girodet 1988.
Drillon 1991, sans toutefois le préconiser, semble admettre que le point abréviatif puisse subsister, séparé des points de suspension par une espace. Cette double ponctuation est fautive, pis, elle est nuisible. Exemple : « Demain, grève à la R.A.T.P. … Ça promet. » À quelle phrase appartiennent les points de suspension ? À la seconde… ce qui n’a aucun sens.

Virgule.
Elle se place nécessairement après les points de suspension : c’est normal, logique, compréhensible…, c’est même indiscutable… Aujourd’hui… car naguère on préconisait parfois l’inverse : [« Non,… non,… assez ! »]
Code typ. 1993, Drillon 1991, Girodet 1988.
Règles Hachette 1924.
¶ Pas d’espace entre les points de suspension et la virgule.

Point-virgule.
Si sa rencontre avec les points de suspension est acceptée, le point-virgule se place, comme la virgule, en deuxième position… ; c’est normal, logique, compréhensible… ; mais ce n’est pas indiscutable…
Code typ. 1993, Girodet 1988 admettent la cohabitation.
± Drillon 1991 considère que les points de suspension et le point-virgule sont incompatibles. Sa formulation est excessive… mais il n’a pas tout à fait tort. L’association n’est pas interdite : hideuse et le plus souvent superflue, elle n’est guère recommandable. On la trouve pourtant — irrécusable — chez d’admirables prosateurs : « Ce temps est révolu où l’homme se pensait en termes d’aurore ; reposant sur une matière anémiée, le voilà ouvert à son véritable devoir, au devoir d’étudier sa perte, et d’y courir… ; le voilà au seuil d’une ère nouvelle : celle de la Pitié de soi. » – Émile Michel C
IORAN, Précis de décomposition.
¶ Espace insécable entre les points de suspension et le point-virgule.

Points d’exclamation et d’interrogation.
Selon le sens, ces deux signes se placent avant ou après les points de suspension. Il suffit de déterminer qui intervient en premier lieu. Logique !… Non… ?
Amen 1932, Lefevre 1855.
Suspension après l’interrogation ou l’exclamation : êtes-vous libre ?… Quel culot !…
Suspension avant l’interrogation ou l’exclamation : êtes-vous disposé à… ? Quel s… ! Que préférez-vous ? Les pommes, les poires, les abricots… ? J’aime les pêches, les bananes, les fraises, les framboises… ! « Sur la mer, à la lunette, je vois et je salue au large le vague numéro… ? » – Paul V
ALÉRY, Mélange.
La suspension antérieure à l’exclamation (… !) est, cela se conçoit, assez rare. Admissible après la suspension d’une énumération, elle n’est vraiment crédible qu’après les abréviations euphémiques ou de discrétion.
Dans la plupart des cas, la double ponctuation est superflue. Elle n’est pas fautive, elle est souvent ridicule : cet article l’illustre complaisamment !… Alors que la très utile suspension-interrogation (… ?) est peu employée, l’exclamation-suspension (!…) et l’interrogation-suspension (?…) sont aujourd’hui en plein essor !… Paf ! Je t’assène un argument décisif !… et je te laisse le temps de le savourer !… Je te pose une question ?… J’en souligne la subtilité… Malin, non ?… C’est surtout agaçant.
Et puis, comme toujours, cela fait perdre toute force aux occurrences justifiées. L’admirable et savante ponctuation de Céline a bon dos : ceux qui ponctuent comme Louis-Ferdinand ont sûrement des enfants qui dessinent comme Pablo.
¶ Espace. Les points d’exclamation et d’interrogation sont, en principe, précédés d’une espace insécable. Donc :
— espace insécable entre les deux ponctuations si les points de suspension sont en tête : d’accord… ?
— pas d’espace entre les deux ponctuations si les points de suspension sont en seconde position : d’accord !…

Deux-points, guillemets, voir : Citation, Deux-points, Dialogue, Guillemet.
«Le choix est simple…: Se soumettre ou…» Il ne put en dire plus. L’autre suggéra: «se démettre?»
¶ Dans l’exemple précédent, les espaces insécables sont signalées par le signe : .

Tiret, voir : Dialogue, Tiret.

Parenthèses, crochets.
Emploi, voir : Citation, Crochet, Parenthèse.
¶ Points de suspension collés aux parenthèses ou aux crochets qui les renferment : (…), […].
Points de suspension collés à la parenthèse ou au crochet qui les précède : chevals (sic)…, chevals [sic]…
Espace entre les points de suspension et la parenthèse ou le crochet qui les suit : chevals… (sic), chevals… [sic].

Barre oblique.
Dans la correspondance, des points de suspension placés en bas à droite de la page signalent aux esprits peu curieux qu’il n’y a justement pas de suspension prématurée de la missive et que le texte se poursuit sur la page ou la feuille suivante. Mission difficile : pour la remplir, les points de suspension jouent parfois en double, c’est-à-dire à six, aidés et séparés par une barre oblique :
/… Abréviation équivalente : T. S. V. P.
¶ Points de suspension collés de chaque côté de la barre oblique.


3. Etc

Jamais de points de suspension après etc., qui est déjà suspensif. (Exceptions admissibles, voir : Etc., § 5.)


4.

¶ Aucun adepte sérieux du traitement de texte ou de la publication assistée par ordinateur ne devrait « entrer » trois points successifs : les points de suspension sont un signe de ponctuation ; son caractère peut être obtenu sur les claviers de tous les bons ordinateurs au moyen d’une combinaison de touches.
D’abord parce qu’il y a un risque d’en entrer quatre (ou plus) mais surtout parce que les blancs qui séparent les points sont trop étroits et donc typographiquement fautifs. La différence est évidemment surtout perceptible dans les grands corps.

Points de suspension :  .
Trois points :  .


5.
Suspensions longues, comblements divers…

À cause de l’analogie de sens et de forme, on imagine parfois que les lignes de points sont constituées de points de suspension. C’est inexact : dans une « ligne pointée », le nombre de points n’est pas nécessairement un multiple de trois ; une espace forte sépare chaque point :
. . . . . . . . . . . . .
(faute de quoi, on obtient, à la rigueur, une ligne à découper selon le pointillé […………………]).

Suspension longue :
À huit ans, il partit pour les Amériques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
À son retour, il était marié.

Comblement.

Crayons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 F
Gommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  586 F
Papier bl.  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 F

Attention à l’espace forte entre le dernier signe des mots situés à gauche et le premier point de la ligne (elle permet de discerner d’éventuels points abréviatifs, qui sont collés à la dernière lettre).


Pôle Point cardinal.

« C’est à Eagle Island que tous les plans
des expéditions vers le pôle Nord furent
dressés, et que la femme, la fille et le fils
de l’explorateur [Peary] guettent les messages
tant espérés de la conquête du Pôle. »
Jean M
ALAURIE, Ultima Thulé.

••• Le mot pôle ne prend jamais de majuscule initiale, sauf s’il est employé absolument pour désigner l’un des deux pôles géographiques : le Pôle, les pôles, le pôle Nord, le pôle arctique, le pôle boréal, le pôle Sud, le pôle antarctique, le pôle austral, le pôle sud d’une aiguille aimantée, le pôle magnétique.
Girodet 1988, Robert 1993.
Attention à l’accent circonflexe, qui disparaît dans tous les dérivés de pôle : polaire, polariser, polarisation, etc. : l’étoile Polaire, la Polaire, la baie de l’Étoile-Polaire.


Police Casse.

Étymologiquement, le terme n’a rien de commun avec son homonyme : pour les fondeurs et les typographes comme pour les assureurs, une police est un document écrit. Fournie par le fondeur, une police « typographique » est la liste chiffrée (indication des quantités respectives) de tous les caractères mobiles d’une fonte, dans une graisse et un corps donnés. Par extension, police désigne l’assortiment lui-même, la fonte.
Les photocomposeuses puis l’informatisation de la composition ont rendu cette définition caduque.
Larousse 1999, Lexis 1989, Littré 1872, Robert 1993 (du grec apodeixis, preuve).
Robert 1985 [du grec politeia, de polis, cité].
Exemple. — Une police type de 100 000 caractères destinée à la composition de textes français comptait environ 3 000 chiffres, 4 000 petites capitales, 7 500 signes de ponctuation, 9 000 capitales, 76 500 caractères de bas de casse (dont 4 000 accentués).


I. Fonte, police et « type »

À Typographie, du 2 au 12 octobre 1997.
J.-F. PORCHEZ : Le mot police vient de l’italien policia (mot que l’on retrouve dans police d’assurance) et je crois que notre police municipale ou nationale doit aussi son nom aux rapports que les gendarmes faisaient. Je ne sais pas si c’est parce que le sens premier de police désigne les gardiens de la paix, mais je n’aime pas ce terme. Il est dépassé depuis la fin du plomb.
D’accord… mais ce n’est pas le même terme… À l’arrivée, c’est pareil, mais à l’origine ça n’a rien à voir. Vous me direz que le Petit Robert lui-même s’est planté dans ses premières éditions… Nos polices, ainsi que celles des assureurs, viennent d’apodeixis (quittance, reçu), alors que celle de Maigret vient tout simplement de polis (cité) comme le métropolitain ou la politique. À part ça, si l’on tient à une bonne adéquation de la réalité actuelle et du sens hérité, « fonte » me semble encore plus dépassé que « police »…
D’abord, mais c’est pourtant secondaire, parce qu’on ne fond plus rien. Ce qui me retient davantage, c’est ceci : au temps du plomb, les polices ont déjà un caractère (si j’ose dire…) virtuel. Elles sont chiffrées. Elles correspondent à une réalité matérielle mais elles ne la désignent pas (ce dont se charge le terme de « fonte »). Elles ne coïncident pas avec la capacité des casses (celles-ci ne contiennent qu’une petite partie des fontes commandées au fondeur). Les fontes en revanche « désignent » une réalité matérielle intimement liée au plomb : la preuve, on les commandait au poids…
Nos polices demeurent des listes, non chiffrées certes, mais rien n’interdit d’imaginer le signe (infini) devant (ou derrière…) chaque élément… Des listes qui s’allongent même terriblement (voir Unicode)…
Certes il y a une différence considérable entre une police de fondeur (une par corps, par graisse, etc.) et nos polices (toutes les variations imaginables), surtout celles qui s’annoncent… car toutes les listes seront identiques… Je ne vais pas plus loin, car je crains de retomber dans le débat sur les caractères et les glyphes… Je n’aime pas trop « typos », car il introduit une ambiguïté inutile, voire dangereuse. Si on me dit : « Tiens ! voilà une typo originale ! », que dois-je comprendre ? Qu’on loue le choix de cette garalde destroy ou l’audace de la composition ? Je préfère, selon le sens, m’en tenir à police… c’est plus sûr (sécuritaire ?), à famille, à caractère.
Vous créez des caractères, il est donc parfaitement légitime que vous teniez à nommer une des réalités physiques issues de votre travail (versions numériques). En ce sens, « fonte » est évidemment irrécusable, mais je reste persuadé que ce terme ne peut être compris avec précision que dans un cadre restreint, celui des professionnels ou des amateurs très éclairés : il appartient donc au jargon. Pour l’« utilisateur », ce qui compte vraiment, ce n’est ni la fonte ni la police, c’est ce qu’il voit, c’est le caractère. Et c’est d’ailleurs cela que les typographes s’amusent à répartir dans des classifications de plus en plus étranges…
P. JALLON : Si quelqu’un a les définitions du Grand Larousse du XIXe siècle, cela m’intéresserait beaucoup.
Sur le sujet, je crois que les typographes sont de meilleures adresses que les lexicographes… Voici néanmoins les réponses de Pierre Larousse (Dictionnaire universel du
XIXe siècle). Des extraits seulement (sans les exemples, les citations et les développements encyclopédiques…), car, sur police, c’est le plus complet (il a lu Henri Fournier et le reconnaît volontiers)…
« Fonte. Ensemble de toutes les lettres et de tous les signes qui composent un caractère complet de grosseur déterminée […]. »
« Police. Liste de toutes les lettres qui composent un caractère, avec l’indication de leur proportion respective pour un total déterminé […]. Ensemble des caractères portés sur cet état. […] Encycl. Quand un maître imprimeur veut acquérir une fonte, son premier soin doit être de dresser la police du caractère dont il a besoin, c’est-à-dire la liste de toutes les lettres qui composent la casse, avec l’indication de la quantité respective de chaque sorte de lettres pour un poids général déterminé. D’ordinaire, c’est le fondeur qui établit la police ; mais le maître imprimeur peut la modifier suivant les besoins particuliers en vue desquels il commande la fonte. »
« Type. Caractères d’imprimerie […]. »
Tout le monde est d’accord sur la définition de « caractère ». Les ennuis commencent avec le couple « fonte/police ». Je voudrais m’expliquer sur l’opinion que j’ai déjà émise, à savoir que « police » est préférable et que la distinction entre les deux termes ne peut être retenue et comprise que dans un cadre restreint, celui des typographes et des professionnels de l’écrit s’intéressant particulièrement à la typographie.
Le problème est que la technique n’est pas la seule à avoir changé (piètre mot pour traduire les bouleversements engendrés par l’informatique), il y a également le nombre et la qualité de ceux qui la mettent en œuvre. Jadis, seuls les typographes (au sens large) maniaient les fontes. Aujourd’hui, je ne vous apprends rien, secrétaires, journalistes, écrivains, comptables, médecins, boutiquiers, agriculteurs, etc. jonglent avec les polices. Demain, tout le monde le fera.
Or, que voient-ils sur leurs menus francisés ? Polices. Que voient-ils comme type (tsss…) de fichier dans leurs fenêtres ? Police. Que voient-ils sur leurs menus non traduits ? Fonts. Faut-il s’étonner si « police » est employée pour tout désigner et si « fonte » est considérée comme un simple synonyme (certains vont même jusqu’à considérer ce vieux mot français comme un anglicisme…) ? Il me semble illusoire de vouloir faire admettre aux utilisateurs que sous le menu Polices se cachent des polices et des fontes, qu’un fichier désigné comme « police » par le système d’exploitation est en réalité un fichier de fonte…
Je crois qu’il faut tenir compte de l’usage contemporain, même s’il est imprécis. Il ne l’est pas tant que ça d’ailleurs, il est surtout indistinct, et l’emploi plus fréquent de « caractère » permettrait de le clarifier. Je me répète… mais, par exemple, on ne « choisit » pas une police (ou une fonte) pour composer tel ou tel texte, on l’« utilise » (ou on l’achète, on la vole, etc.). Ce que l’on choisit pour ses qualités supposées, c’est un caractère. Pour le reste, pour la mécanique, pour les machins qui se trouvent sous le capot et dans lesquels rares sont ceux qui mettent le nez (les machins que l’on utilise, que l’on achète ou qu’on pique), parlons de polices, comme presque tout le monde.
Je crois aussi qu’il ne faut pas opérer de distinction entre fonte et police qui risque d’être rapidement mise en cause par l’évolution des techniques (on l’a vu à plusieurs reprises depuis quinze ans et même depuis plus d’un siècle, et on en verra d’autres…).
En revanche, il me semble tout à fait légitime et judicieux que les typographes opèrent les distinctions qu’ils souhaitent (sous le capot…). C’est pourquoi j’ai trouvé très intéressante la définition de fonte proposée par Jean-François Porchez. C’est pourquoi aussi j’ai considéré que l’on entrait ici dans le jargon, ce qui n’a rien de péjoratif, disons dans le lexique professionnel. Bref, je ne crois pas que le couple police/fonte, même défini avec précision par les typographes, puisse s’imposer largement dans l’usage courant. C’est pourquoi je privilégie pour l’heure la seule opposition caractère/police, réservant l’opposition fonte/police pour des jours meilleurs où une distinction pérenne sera établie par les typographes (notre discussion peut y contribuer, je le crois).
Sur l’héritage du plomb… Nous lui sommes tous attachés, à juste titre. C’est un patrimoine sur lequel nous allons vivre encore très longtemps, quoi qu’en disent ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur écran. Il est bon que les mots survivent dans des acceptions nouvelles, parfois proches, parfois très éloignées des anciennes. Le bas de casse vit très bien sans les casses, et si un néophyte demande une explication sur l’origine de ce terme il la comprend très bien. Pourquoi ? Parce que l’opposition capitale/bas de casse existe toujours. Avec police et fonte le problème est que le lien qui unissait ces deux termes n’existe plus depuis longtemps. On parle du plomb… mais il faudrait parler de composition manuelle, car dès le
XIXe siècle la Linotype et la Monotype avaient déjà bouleversé le paysage… Dans un message précédent, j’ai indiqué pourquoi, même sur ce plan (continuité du sens), « police » (liste) me semble bien préférable à « fonte » (réalité matérielle). Continuité approximative du sens : s’il est bon de conserver les mots, il est prudent de ne pas vouloir calquer les anciens liens qui les unissaient, du moins si l’on veut être compris du plus grand nombre.

À France-Langue, le 8 octobre 1997.
D. COTE-COLISSON : En toute rigueur, une « police de caractères » (typeface) est constituée de l’ensemble des caractères disponibles (lettres, chiffres, signes de ponctuation et caractères spéciaux) dans un style, un corps et une graisse déterminés.
Pardonnez-moi, mais je ne suis pas tout à fait d’accord… Les définitions étaient jadis précises (et à mon sens différentes de celles que vous donnez), mais cette question lexicale (police, fonte) est loin de faire l’unanimité chez les typographes d’aujourd’hui, et c’est normal, car il n’y a pas que l’héritage du plomb qui brouille les choses, il y a l’évolution très rapide des techniques informatiques. Par exemple, le lien entre corps et police n’est plus ce qu’il était.
Juste un mot sur le sujet. Hors du cadre professionnel, la distinction entre police et fonte est sans grande importance. Ce qui compte vraiment, c’est ce que l’on voit sur le papier (ou sur l’écran), ce n’est donc ni la police ni la fonte, c’est le caractère. C’était déjà vrai au temps du plomb.

À F.L.L.F., le 11 décembre 2000.
D. LIÉGEOIS : [L’étymologie de fonte] est, à mon sens, encore moins que secondaire. On décroche même quand il n’y a rien d’accroché, on carrosse même quand il n’y a pas de carrosse, l’imprimante dépose sans doute bien plus qu’elle ne presse et le papier ne pousse plus au bord du Nil.
Bien entendu […]. À l’époque, il me semble que je répondais à une critique de « police » selon laquelle le terme serait dépassé, ne correspondrait plus aux réalités techniques actuelles. Sur ce strict plan, les fontes sont à mon sens encore plus mal loties… mais cela n’est en rien un handicap rédhibitoire.
D. LIÉGEOIS : Soit, mais « police » est-il compris avec davantage de précision ?
Non, mais son emploi est davantage répandu. […]
D. LIÉGEOIS : Dans l’état actuel de la technique, en tout cas, chacun de ces fichiers est une fonte plutôt qu’une police.
Oui, si vous voulez. C’est une conception défendue par d’éminents typographes. Votre « dans l’état actuel de la technique » est capital et recoupe mon souci précédemment exprimé : évitons d’opérer une distinction entre fonte et police qui risque d’être rapidement mise en cause par l’évolution des techniques.
Lorsque l’on dit que les fichiers Postscript sont les fontes d’une police donnée, on ne fait que déplacer la synonymie vers le couple police/caractère… ce qui n’arrange pas les affaires du dernier nommé qui supporte déjà un fardeau polysémique pas piqué des vers…
D. LIÉGEOIS : Installera-t-on seulement jamais réellement une police, au sens vrai du terme, sur un ordinateur, puisque, si je comprends bien, la police est plutôt quelque chose d’abstrait ?
Ce que l’on installe s’apparente à une liste (police…) de codes renvoyant à des glyphes (fonte…). C’est la seule distinction qui tienne la route, une petite route, un chemin vicinal dans un cadre restreint, celui d’un jargon daté.
Bref, par analogie facile, les machins que l’on installe dans nos machines sont à la fois des polices et des fontes. Faut choisir un terme pour les désigner en tant qu’objets, et il me semble que l’usage s’en est chargé… S’il change son fusil d’épaule et favorise un jour « fonte », je ne verrai aucun inconvénient à le suivre… Je crois que la reprise de mon vieux message a été mal comprise. Je ne choisis pas arbitrairement « police » contre « fonte », je réfute des distinctions floues quoique brutales, personnelles, trompeuses.
D. LIÉGEOIS : À supposer — c’est sans doute déjà possible — qu’un programme soit capable de générer la totalité des caractères existants dans toutes les langues du monde à partir du dessin d’un seul « a », à toutes les tailles et sous toutes les formes imaginables, le résultat sera-t-il plutôt une police qu’une fonte pour autant ? Ou s’il est une police, cessera-t-il pour autant d’être une fonte (ce n’est pas une question oratoire ; j’essaye de voir si j’ai bien compris) ?
Il sera les deux à la fois…
D. LIÉGEOIS : Pour le reste, je ne suis pas certain que faire œuvre pédagogique soit si inutile que cela. Le coup de pouce involontaire de l’anglais a réellement des effets concrets : le bon, c’est que le mot est beaucoup plus connu qu’on ne pourrait le croire.
Sans doute… mais regardez, par exemple, les versions françaises d’Adobe Type Manager… S’il est un logiciel qui gère les machins situés sous les capots des professionnels comme des amateurs, c’est bien lui. Pas trace de « fontes », mais des « polices » à tour de bras. Bon courage à ceux qui voudront expliquer à ses utilisateurs qu’il ne gère pas des polices mais des fontes…
Et Adobe Type Reunion ? Encore plus frappant… car, lui, il est chargé de regrouper les « fontes » en « polices » (selon l’une des écoles en présence)… Eh bien ! toujours pas trace de la moindre fonte… Rien que des polices.
D. LIÉGEOIS : Le mauvais, c’est qu’à force de lire « police », les gens sont souvent convaincus que « fonte » est un mot anglais et l’écrivent même comme en anglais.
C’est évidemment une erreur grossière… « Fonte » est un très ancien et très beau mot français, un des fleurons de notre patrimoine lexicotypographique… Je l’aime, et si mon goût personnel avait quelque chose à voir dans l’affaire, je l’emploierais plus volontiers que « police ». Hélas, lorsque j’emploie un mot c’est le plus souvent à destination d’autrui… Or, pour l’heure, ce salaud d’autrui comprend mieux « police ». Dès qu’il sera mieux informé, je vous rejoindrai… mais j’ai des doutes, des gros…
D. LIÉGEOIS : L’autre option consiste, si je comprends bien, à s’offrir le luxe de s’exprimer comme les professionnels.
Lesquels ? et pour désigner quoi ? Lancez le débat sur un forum de paoïstes… et attachez votre ceinture, ça risque de décoiffer… Des vents irrésolus souffleront en tous sens.
D. LIÉGEOIS : En tout cas, l’étymologie de « fonte » me paraît bien plus simple, bien plus directement à la portée de tous, que celle de « police ».
Oui, incontestablement, mais je ne crois pas que l’argument ait une force suffisante pour modifier un usage bien installé. Plus efficace, si elle est durable, sera peut-être la pratique de certains créateurs de caractères (électroniques) qui nomment leur entreprise « fonderie »…
D. LIÉGEOIS : Je suis toutefois d’avis — là, c’est un principe — que la tactique qui consiste à adopter vis-à-vis du grand public une terminologie différente de celle des spécialistes (réputée trop difficile, à l’un ou l’autre titre) est mauvaise, même si elle part de bons sentiments.
Ce n’est pas ma tactique (je n’en ai pas)… Si un nouvel usage dominant dans les milieux « spécialisés » était discernable et motivé, il s’imposerait sans peine au grand public. Ce n’est pas celui-ci qui a privilégié « police », mais des spécialistes… Le public, pas contrariant, s’est dit : « Bon, j’adopte… » Nul mépris des usagers « ordinaires » dans mon attitude… Au contraire !
M. G
UILLOU : C’est là où je ne comprends plus, mais alors plus du tout. Si tu prends ce parti pris, c’est que tu mets, toi, un sens précis derrière « fontes » qui n’est pas celui du vulgum pecus.
Non, je n’accorde aucun sens précis à « fontes » dans l’usage contemporain (ce qui ne veut pas dire qu’il soit impossible de lui en donner un, par exemple en l’associant à la notion de glyphe, voir ma réponse à Denis Liégeois), j’évoque (globalement, « indistinctement ») des distinctions effectuées par d’autres… pour montrer qu’elles ne sont pas opérationnelles… qu’elles ne reflètent en rien l’usage des usagers des popolices et des fonfontes.
Ne retenons que deux écoles (y en a d’autres, pas meilleures…). Certains pensent qu’une police (I.T.C. Dugenou) comprend plusieurs fontes (Dugenou ital, demi-gras, gras, S.C., etc.). D’autres pensent qu’une police (Dugenou, Garamond, etc.) renvoie aujourd’hui à plusieurs fontes (Adobe Garamond, I.T.C. Garamond, U.R.W. Garamond, etc.), elles-mêmes subdivisées en je ne sais trop quoi qui correspondrait à la distinction précédente…
Bref, c’est le bordel, en partie engendré par l’obsession de recouper au plus près les catégories floues de la nomenclature anglo-saxonne (type, typeface, fonts, etc.). C’est un jeu à la con. Sans intérêt et promis à brève échéance au désastre.
Ne pas oublier les motivations boutiquières… L’intérêt (surtout pour les « petits électrofondeurs ») de la distinction police/fonte est qu’il faut faire comprendre au client qu’il n’achète pas une police mais des fontes… ce qui revient à dire que pour avoir une police complète il faut casquer plusieurs fois. Je ne critique pas cela, car je n’oublie pas que le premier gonzier venu dispose aujourd’hui (honnêtement, pour quelques milliers de francs, ou illégalement, pour beaucoup moins) d’un éventail de polices qui aurait fait baver d’envie le plus riche des ateliers de composition d’antan… Je réfute uniquement des dénominations foireuses.
M. GUILLOU : « C’est pourquoi j’ai trouvé très intéressante la définition de fonte proposée par Jean-François Porchez. » Quelle était-elle ?
Objet numérique. En gros, un créateur de caractères concevrait et dessinerait des polices, mais il produirait et vendrait des fontes.


II. Faut-il mettre une capitale aux noms de polices ?

À Typographie, le 24 mars 1998.
É. ANGELINI : Faut-il capitaliser certains noms de fontes et d’autres pas ? Et quid des noms de vins ?
Bonne question… Ça fait un bail que j’ai envie de la poser… Il me semble que l’usage d’Ol’ Rand est judicieux : il oppose le nom d’une police particulière (le Cochin) à un terme générique (un — quelconque — garamond). « Le Didot de Machin est un didot, une didone. » Si d’assez bonnes raisons pourraient conduire au bas de casse intégral quand le nom d’une police est celui d’un individu, on imagine mal d’avoir à écrire : « Je n’aime pas l’univers. »
Cela dit… ma religion n’est pas faite (sauf pour le pinard, domaine où de solides traditions font loi…). « Pour l’étiquette de votre pauillac, je verrais bien un didot, par exemple du Bauer Bodoni, caractère qui ne manque pas de corps. »

À F.L.L.F., le 3 décembre 2001.
M. GUILLOU : ??? « Ce ne sont pas des noms communs ! » [dit un autre intervenant au débat]. Si, si.
[…] Je crois me souvenir que l’objet du litige est une série de noms de polices (Times, Courier, etc.) mais j’ai oublié certains de ces noms… et le contexte… or, cela est déterminant, décisif. Enfin… pas tant que ça… car, désolé, je pense que la majuscule, si elle est parfois inutile ou maladroite, ne peut jamais (dans ces cas…) être gravement fautive…
Pinaillons un peu, quand même… Selon les cas et les circonstances (et selon moi… car il n’y a pas ici d’usage dominant et indiscuté), la majuscule s’impose ou non… Quand ils sont employés génériquement, certains noms policiers quoique propres […] abandonnent leur majuscule et se comportent comme des noms communs.
Exemples : « Si tu veux un beau didot, prends le Didot de Linotype… Ce Bodoni est trop gras ! Le Walbaum est un bodoni un peu spécial… Envoie-moi le Garamond Book, oui, celui d’I.T.C… C’est dingue le nombre de mauvais garamonds qui circulent… »
Parfois, impossible de s’en sortir honorablement… Comment composerais-tu ceci ? « Ce salaud nous impose un univers frauduleux ! — Et encore, c’est rien, t’as pas vu son courier ! » Même s’il ne s’agit pas (et pour cause…) de polices nommées Univers et Courier, la majuscule est chaudement recommandée. La première n’améliorera guère la situation (au contraire…), mais la seconde aura un avantage non négligeable…


Ponctuation Astérisque, Barre oblique, Citation, Crochet, Deux-points, Espace, Guillemet, Parenthèse, Point d’exclamation, Point d’interrogation, Points de suspension, Tiret, Virgule.

Après une portion de phrase composée en italique (mots étrangers, titres, etc.), la ponctuation sera composée en romain si elle n’appartient pas à l’élément ainsi mis en évidence : « Quel est le deuxième lied du cycle Die schöne Müllerin ? — Il me semble que c’est Wohin ? »


Surponctuation

Surponctuer consiste à multiplier les signes de ponctuation non fautifs (syntaxe) mais inutiles (syntaxe, expression) ou dommageables (expression). Ne sont pas surponctuées les phrases suivantes :
[« Les formes des signes d’écriture, ne sont pas neutres. »] – Robert E
STIVALS, la Bibliologie. (Mais la virgule est gravement fautive…)
« Claudel a dit quelque chose, sur les cathédrales, qui vaut bien qu’on lise l’Annonce faite à Marie, quoique je ne voie rien à comprendre dans ce drame. » – A
LAIN, « Matière et Forme », Propos. À première vue, les deux premières virgules ne sont pas grammaticalement indispensables. Pourtant, leur suppression modifierait la charge du pronom relatif. Ce redoutable « qui » (quelque chose) deviendrait anodin (quelque chose sur les cathédrales).
Opposer sous-ponctuation et surponctuation est utile mais hélas un peu dérisoire. L’essentiel se joue ailleurs, ou avant. Aujourd’hui, quantité de phrases ne sont pas surponctuées mais regorgent de signes de ponctuation indispensables, car imposés par une médiocre construction. La bonne prose n’est ni surponctuée ni sous-ponctuée, elle est peu ponctuée…
C’était ainsi jadis et c’est « l’une des beautés de la prose française du
XVIIe siècle, je veux dire cet agencement savant, ou, pour donner l’idée de quelque chose de plus vivant, cette savante articulation des parties qui se tiennent si bien toutes ensemble, par le seul jeu des conjonctions, que le secours de la virgule et du point et virgule en devient presque superflu », Brunetière 1880.


Espaces

Les anciens typographes étaient plus souples que les modernes. Ils savaient jouer avec les espaces liées à la ponctuation.
Lefevre 1883 : « On met une espace d’un point avant la virgule, le point-virgule, le point d’exclamation et le point d’interrogation, si la ligne où ils se trouvent est espacée ordinairement ; mais si elle est plus serrée, on se dispense d’en mettre avant la virgule, surtout lorsqu’elle est précédée d’une lettre de forme ronde. Le contraire a lieu, c’est-à-dire que l’on peut augmenter l’espace d’un demi-point avant ces diverses ponctuations, et surtout avant les points d’exclamation et d’interrogation, si la ligne est espacée plus largement. On ne met pas d’espace avant le point qui termine une phrase, ni avant le point abréviatif, ni avant les points suspensifs. »
La virgule a perdu son espace éventuelle. Resquiescat in pace ! En revanche, rien n’interdit de continuer à faire varier les espaces qui précèdent le point-virgule, le point d’exclamation et le point d’interrogation. Aujourd’hui, rares sont les compositeurs qui se donnent la peine de modifier au coup par coup les espaces insécables fixes qui précèdent la ponctuation haute. Dommage, car de très légères modifications — quasi imperceptibles — peuvent éliminer des coupures ou améliorer l’espace justifiante d’une ligne donnée.


I. Sources documentaires

À France-Langue, le 29 mai 1997.
P.-O. FINELTIN : Je cherche un texte sur les emplois des signes de ponctuation. Merci de m’indiquer où je peux me renseigner.
Alors là, no problemo… Sur le sujet, une seule adresse, et c’est un chef-d'œuvre (d’intelligence, de finesse, de style…) : Jacques Drillon, Traité de la ponctuation française, collection « Tel », Gallimard, 1991.

À Typographie, le 6 mai 1998.
P. CAZAUX : Je me demandais ce que tu pensais du « Que sais-je ? » [de Nina Catach] sur la ponctuation. Je le trouve très intéressant.
Il l’est. C’est l’œuvre d’une spécialiste de l’orthographe, donc un point de vue « théorique » très intéressant (bien que rapide… à cause des contraintes de la collection). L’assez gros bouquin de Drillon est l’œuvre d’un écrivain, d’un maître de la langue écrite… Le plaisir procuré comme les services rendus sont sans commune mesure.
P. CAZAUX : Par ailleurs, je ne partage pas ton avis… péremptoire sur le Perrousseaux et sur l’Abrégé du C.F.P.J. Je reconnais leurs défauts, mais mon point de vue est celui du débutant, et ils me paraissent une bonne entrée en matière.
C’est ce que j’ai dit à propos du Perrousseaux. C’est également ce que contient le titre : Typographie élémentaire. L’ennui, c’est qu’en matière d’orthotypographie (donc de « code »), je ne vois guère l’intérêt pratique des « entrées en matière », même aguichantes, pour quiconque est déjà dans la « production ». On ne peut se contenter de rester sur le seuil. D’autant que quelques-uns des rares détails abordés le sont avec une désinvolture dont les vertus formatrices me semblent discutables. Quant à l’Abrégé, c’est en gros tout ce qu’il ne faut pas faire : abréger le chaos pour faire accroire qu’il est ordonné…
P. CAZAUX : Alors que le nouveau Code typo me paraît aberrant, ne serait-ce que dans sa propre compo.
Oui, mais c’est l’héritier (certes un peu fin de race) d’une tradition qui a du poids… On ne peut l’ignorer totalement. Il faut le connaître (ce qui n’est pas le cas du Perrousseaux, de l’Abrégé ou du Guéry).
P. CAZAUX : Je suis assez réticent aussi sur le Ramat, et condamne définitivement le Gouriou.
Le Ramat n’est pas si mauvais qu’on le dit parfois… Le Gouriou n’est guère utilisé (dans les lieux que je fréquente).


II. Des ponctuations hautes
ou des ponctuations doubles ?

Site Web de Jean-Pierre Lacroux.
Dire que ! ? ; : sont des signes de ponctuation « doubles » au seul prétexte qu’ils sont composés de deux éléments disjoints revient à dire que « é, à » ou un simple « i » sont des lettres doubles, des voyelles doubles… et que « ñ » est une consonne double. Vous imaginez le bordel… (À dire vrai… l’expression que je critique ici est couramment employée… Pas grave.)
J’ai ma conception (internationalisante) de l’espacement des signes de ponctuation.
J’ai bien noté que cette conception était personnelle… À mon sens, elle est également nocive. Non parce qu’elle ne respecte pas une « convention typographique française » (il en est d’oubliables), mais parce que cette convention est motivée, utile, efficace, salement subtile. Comme vous le savez — et comme le pressentaient les typographes d’antan —, le lecteur ne lit pas lettre à lettre. Les mots ont une « silhouette » ; or, quand elles ne sont pas isolées par une espace, les ponctuations dites « hautes » (; : ! ?) modifient cette « forme globale » et par conséquent gênent la perception du lecteur. Parfois fort peu, voire pas du tout, parfois considérablement. N’y a-t-il pas là une « évidente raison pratique de communication » ? Ce parasitage n’est bien entendu pas à craindre avec les ponctuations basses (. , …). Voilà pourquoi l’« internationalisme » (qui ne me trouble nullement) est un cache-misère, un alibi au suivisme. Vous me direz que les lecteurs de textes composés dans quelques autres langues ne semblent pas trop perturbés par la soudure des ponctuations hautes, et je vous répondrai : primo et à ma connaissance, cela reste à prouver ; deuzio, chacun fait ce qu’il veut chez lui, cela ne me regarde pas…
Si vous regardez de plus près, vous vous apercevrez que seules ! et ? sont hautes et ; et : simplement « moyennes ». À partir de là, “ ” ( ) [ ] et { } sont hautes (et curieusement non espacées), et « » moyennes mais étrangement espacées.
Vous êtes bien gentil, mais c’est vous qui devriez regarder d’un peu plus près avant de me prodiguer des conseils d’oculiste. « Ponctuation haute » est une expression du jargon typographique qui ne prend pas en compte la distance à la hauteur d’x (ou d’œil) ou à la hauteur de capitale mais à la seule ligne de pied. Les ponctuations hautes « montent » beaucoup plus haut que celle-ci ; les ponctuations basses, non. Examinons d’un peu près les ponctuations « moyennes » : en haut, elles s’alignent sur la hauteur d’x, ce qui en l’absence d’espace implique un parasitage comparable à celui qui est produit par celles qui s’alignent sur la hauteur de capitale. Maintenant, examinons d’encore plus près les parenthèses, les crochets et les accolades : ces signes ont une hauteur (absolue) supérieure à celle de tout autre signe qu’ils sont susceptibles de côtoyer, caractéristique qui élimine le phénomène déjà décrit.
Cette disparité de traitement ne démontre-t-elle pas que cette ségrégation : ponctuation haute/ponctuation basse est purement arbitraire.
Non, car la disparité de traitement n’a pas été démontrée. Non, car la position sur la ligne de pied n’est pas un critère arbitraire.
Elle est effectivement « efficace », mais certainement pas dans la « subtilité » : vous parliez des typographes d’antan, qui positionnaient le texte pour ainsi dire à l’œil.
Et aujourd’hui, ils le positionnent comment ? Ça m’intéresse, pour le cas où ma vue baisserait… ou pour celui, plus improbable, où l’on tenterait de me faire bosser gratos.
Cela signifie qu’ils dépassent légèrement la hauteur de capitale, n’est-ce pas ?
Cela signifie ce que j’ai écrit : ces signes ont une hauteur (absolue) supérieure à celle de tout autre signe qu’ils sont susceptibles de côtoyer, donc, en particulier, de tout signe alphabétique, qu’il soit en cap, petite cap ou bas de casse et, pour ce dernier, que la lettre soit « courte » (a, e, c, etc.), « longue du bas » (g, j, p, etc.) ou « longue du haut » (b, d, f, etc.).
Cela signifie que ces signes ont une extension verticale très supérieure à celle de tout mot qu’ils sont susceptibles de côtoyer, ce qui n’est évidemment pas le cas avec « » ; : ! ?. Cela signifie qu’ils ne parasitent pas la « silhouette globale » de ces mots, qu’ils s’en détachent nettement (en haut et en bas) et qu’ils ne perturbent pas la perception du lecteur pressé ou fatigué.
Mais expliquez-moi pourquoi cela élimine le phénomène de parasitage.
Pour la raison que je vous avais indiquée et que je viens de répéter en la précisant, mais je vous concède qu’« éliminer » est inutilement vrai et que « réduire considérablement » aurait été plus habile. Expliquez-moi plutôt pourquoi vous tenez tant à faire accroire que "l'Ill!" est aussi aisément lu que « l’Ill ! »
Je ne vois pas bien de quelle liberté il s’agit puisque vous exigez un blanc et que vous vous condamnez donc à l’insérer vous-même (= contrainte) : votre liberté n’est que virtuelle.
Non, elle est réelle, et votre assertion est absurde : ce que je peux décider de faire ou de ne pas faire « moi-même » n’est pas une contrainte. J’ai la liberté de ne pas introduire d’espace antérieure dans les occurrences où elle n’a pas sa place — détail qui vous a échappé —, liberté bafouée par les tenants de l’approche antérieure hypertrophiée qui m’imposent un blanc que je ne leur ai pas demandé ! Les liberticides sont dans votre camp.
Quand l’espace est nécessaire — cas bien entendu le plus fréquent, de très loin —, je suis libre de modifier subtilement sa valeur, sans être contraint de tripatouiller l’interlettrage et les approches (horreurs très en vogue) : cela permet parfois de résoudre des problèmes de justification et de mauvaise coupe.


III. Ponctuations hautes
et virgules « mixtes »

À Typographie, le 26 janvier 1998.
J. FONTAINE : Selon le Ramat typographique, « la ponctuation basse (point, virgule, points de suspension) reste toujours dans la même face (romain, italique, gras, etc.) que le mot qui la précède, qu’elle appartienne au mot ou au reste de la phrase. » […]
J’avoue que la découverte de la règle particulière à la ponctuation basse troubla quelque peu l’hémisphère gauche et logique de mon cerveau, mais l’hémisphère droit et artiste peut imaginer les motifs esthétiques qui la sous-tendent (motifs que le Ramat n’explicite pas).
Je dois aussi avouer que je n’avais jamais remarqué auparavant cet usage illogique, ce qui est peut-être le signe que c’est un usage conforme au principe qu’une typo correcte est une typo qui ne se remarque pas… (Faut aussi dire qu’un point romain et un point italique, ça doit être kif-kif, non ?)
Votre message contient toutes les réponses à vos questions… Comme vous le soulignez, la question (ponctuation « basse » appartenant à une phrase en romain mais succédant à un terme en ital) se pose uniquement pour la virgule. C’est un usage et il est illogique. Dans les codes d’hier et d’aujourd’hui vous trouverez des partisans de deux écoles… Les auteurs à mon sens les plus pertinents sont plutôt favorables à l’autre usage (pas de distinction entre ponctuations haute et « basse » dans ces circonstances, donc virgule romaine) mais je crains fort que cela ne soit pas suffisant pour infléchir un usage fondé sur la facilité et la cohérence graphique (par exemple, dans une énumération de termes composés en italique, pourquoi se fatiguer à réintroduire du romain à chaque virgule alors que l’ital coule de source et que sa bizarrerie « sémantique » n’apparaîtra qu’à quelques lecteurs vétilleux). Cela dit… quand je « compose » ou quand je nettoie les compositions des autres, je fais cet effort inutile…
Bien que ses choix soient sur ce point assez fumeux, laissez-moi vous citer Gustave Daupeley-Gouverneur (le Compositeur et le Correcteur typographes, Paris, 1880), qui explique assez bien en quoi certains usages que nous respectons encore ont leur origine dans des pesanteurs techniques qui ne sont plus nécessairement les nôtres (en cas d’erreur, le changement de casse est aujourd’hui plus aisé ; la confusion entre deux petits bouts de plomb quasi identiques est un cauchemar oublié…).
Tous les passages entre crochets sont des commentaires de mon cru.
« [...] En ce qui concerne l’emploi des virgules italiques, il règne malheureusement, dans la plupart des imprimeries, pour ne pas dire dans toutes, une trop grande indifférence de la part du compositeur [source de bien des usages… et de « règles »…]. L’expérience nous prouve tous les jours combien il est difficile d’atteindre ici la perfection [même chez les meilleurs : dans le manuel de Théotiste Lefevre, on trouve quantité d’exemples de virgules fautives…]. Le mélange des virgules italiques et des virgules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minutieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera toujours la désolation de l’homme de goût. […] C’est la difficulté d’obvier à ce mélange qui a fait adopter depuis quelque temps, dans certaines fontes, un genre de virgules mixtes dont l’œil n’est ni tout à fait romain, ni tout à fait italique. Nous approuvons fort ce système [quel « homme de goût » !], qui, n’ayant rien de choquant en lui-même, a l’immense avantage de parer à l’inconvénient que nous signalons (1).
(1) La septième édition du Dictionnaire de l’Académie (1877) a été composée entièrement avec des virgules mixtes. »


IV. « Pendante ponctuation »

À Typographie, le 26 mai 1997.
J’avoue que la hanging ponctuation me laisse perplexe. Elle a certainement des qualités, mais il me semble que son emploi est nécessairement marginal (oui, je sais, excusez-moi…), disons : limité… J’aimerais bien voir ce que donneraient des textes surponctués, comme Mort à crédit ou un quelconque San-Antonio, composés avec cette ponctuation pendue.

À Typographie, le 17 décembre 1998.
P. MAGUIN : Les ponctuations que l’on met hors justif sont à ma connaissance le point, la virgule, le point-virgule, le deux points et la division.
Pour le point-virgule et le deux-points, l’espace antérieure est-elle également « pendue » ?…
P. MAGUIN : Ce qui me met dans l’embarras, ce sont les points de suspension. Quelqu’un a une idée ?
Oui… Renoncez à Satan, à ses œuvres et à son gibet… Ramenez toutes les brebis égarées au sein douillet du troupeau, ne les abandonnez plus au-dessus du gouffre…
M. BOVANI : Quant à le faire à la main en sortant les ponctuations dans la marge… le remède est bien pire que le mal, non ?
Le « remède » est mille fois pire que le prétendu « mal » ! Le plus rigolo, c’est encore deux colonnes bien serrées, avec les saillies de l’une qui tentent de rejoindre celles de l’autre… Émouvant… Et quelle belle gouttière (rectiligne ?) !
Et les notes marginales ? Quel beau cadeau pour elles que ces traits d’union aventureux ! Imagine trois coupures de suite : on a déjà le début d’une belle fermeture à glissière… Utile, pour ceux qui craignent que la note marginale tombe dans le vide et s’écrase en bas de page…
Sauvons la ponctuation du gibet !
T. BOUCHE : Et les pointes des signes ( ) . V « » - — devraient sortir un peu dans la marge (pour les mêmes raisons que celles qui font placer un V ou un O un peu au-dessous de la ligne de base).
Mais non, cela n’a rien à voir ! Quand je lis, mon œil suit la ligne, les lignes du texte… il est donc judicieux que les caractères posés sur la ligne de base mais qui manquent d’assise soient placés de telle sorte qu’ils n’apparaissent pas à nos faibles yeux comme plus hauts que leurs copains… Cela contrarierait la fluidité de la lecture. En revanche, quand je lis, mon œil ne se promène pas le long des marges de gauche et de droite… Dès lors, il n’en a strictement rien à foutre si l’alignement vertical n’est pas « optiquement » rigoureux au micron près…
Attention ! Provoc sévère ! Cette obsession de la rectitude « optique » absolue des fers est un hochet pour ceux qui ne lisent pas et se contentent d’admirer les pavés… C’est un credo pour secte paoïste… Le slogan de ma chapelle est un peu différent : sous les pavés, le texte !
T. BOUCHE : Objection intéressante. Mais je ne vois pas en quoi ça te défrise qu’un alignement, s’il n’est pas impératif à la lecture, agréable à l’œil soit recherché.
Mais la recherche (et même l’obtention…) d’un alignement vertical parfait ne me défrise pas le moins du monde… Elle ne me passionne pas, c’est vrai, mais ce qui me fait hurler, c’est la méthode employée ! Que l’on rabote virtuellement l’approche du premier et du dernier caractère d’une ligne ne me gêne pas beaucoup, mais qu’on la fasse devenir négative… là, je dis qu’y a d’l’abus… et même risque de farce typographique quand en outre on pend la ponctuation haut et court… Cette exigence de « rectitude optique » devient à mon sens assez drôle quand elle s’accompagne de retraits d’alinéa suralimentés et de notes marginales de petit fond composées en drapeau au fer à gauche…
Mais tu vas voir que je suis à la fois de mauvaise foi et honnête…
Comme le faisait justement remarquer Michel Bovani, on pourrait trouver une justification sémantique à l’exclusion du trait d’union marquant la coupure d’un mot… Dès lors, nous aurions une solution élégante pour les coupures tombant pile-poil sur le trait d’union d’un mot composé : il rentrerait dans le rang !

À Typographie, le 19 décembre 2000.
P. PICHAUREAU : Cela m’a amené à me demander quels symboles de ponctuation on a intérêt à mettre dans la marge.
Aucun.


V. Ponctuations à “l’anglaise”,
à « la française » et à »l’allemande«

À Typographie, le 25 juin 1997.
J. MELOT : À ce propos, examinez bien la matière imprimée moderne (en français). Il est remarquable de constater que l’espace à gauche de la ponctuation haute, lorsqu’elle n’est pas tout simplement escamotée (à l’anglaise), est plus petite que l’espace à droite. On dirait que, sous l’influence de l’imprimé anglo-saxon omniprésent, le typographe français se sent mal à l’aise de mettre la même espace devant et derrière la ponctuation haute comme jadis et procède à une sorte de compromis inconscient en diminuant celle de gauche.
Pas sûr, cher ami… car cette dissymétrie est une très ancienne tradition typographique française. Les anglo-saxophones, pour une fois, n’y sont pour rien…
Nos typographes des siècles précédents (qui étaient un peu grammairiens, les siècles et les typographes… heureux temps !) ont fort bien expliqué les raisons de ce beau (et rationnel…) déséquilibre : les ponctuations hautes comme le point-virgule, les points d’exclamation et d’interrogation appartiennent davantage à la phrase ou au membre de phrase qui les précède qu’à la phrase ou au membre qui les suit… Dans la typographie soignée, l’espace de gauche est donc très inférieure à celle de droite. Seul le deux-points, qui établit une sorte d’égalité, est isolé par deux espaces égales. Toutefois, certains typographes préconisent de diminuer un peu l’espace de gauche (à mon sens, ils n’ont pas tort…).
J. MELOT : J’ai déjà eu l’occasion d’examiner des ouvrages anciens dans lesquels des espaces égales étaient insérées de part et d’autre des virgules et des points et je ne suis pas certain qu’à l’origine l’espacement n’ait pas été égal de part et d’autre de toute ponctuation.
On peut toujours trouver des exemples qui infirment les règles et les usages… mais je vous assure que la dissymétrie en question ne date pas d’aujourd’hui ou d’avant-hier, loin s’en faut. Les grands manuels typographiques des siècles précédents en font état et, lorsqu’ils ne l’évoquent pas explicitement, ils la mettent en œuvre (ainsi que la plupart des ouvrages composés avec soin). Ce qui explique peut-être votre perception, c’est le fait que l’espace qui suit la ponctuation est « justifiante » (variable) : si la composition est très serrée, l’espace justifiante est diminuée et tend à ressembler à l’espace fine qui précède la ponctuation. Dans une composition très aérée, avec de très fortes espaces-mots, l’égalité que vous évoquez est une monstruosité typographique.

À Typographie, le 3 mars 1999.
J. ANDRÉ : On n’arrivera jamais à savoir où est la « logique » dans le fait de mettre une fine avant un point-virgule pour des raisons de lisibilité en français, à croire que les yeux des Anglo-Saxons sont différents. Personnellement je parle d’habitudes culturelles.
… Mais l’insatiable « besoin de logique » est une respectable « habitude culturelle », non ?
Oui, il est « logique » d’éloigner un peu certaines ponctuations hautes du signe qui les précède… Que d’autres s’en abstiennent ne suffit pas à discréditer nos raisons…

À F.L.L.F., du 28 au 30 décembre 2001.
K. ELGART : Quand j’ai appris le français (aux États-Unis) je ne me rappelle pas que mes professeurs demandaient une espace avant ? et ! Qu’est-ce qu’on fait au Québec, en Belgique… ?
En Belgique, le français se compose comme partout… Des espaces fines précèdent les ponctuations hautes (et non « doubles »). Au Québec, si je me fie à Aurel Ramat, ce devrait être kif-kif.
Inutile de citer des contre-exemples : il en existe aussi partout… dus à diverses causes : suivisme béat ou volonté de se singulariser (ce n’est pas incompatible, au contraire), incompétence, etc.
JANTI : Pourquoi l’espace devant ? et ! en français ? Est-ce que quelqu'un connaît l’histoire de cette règle exclusivement française ?
Ce n’est pas une règle exclusivement française.
Il est vrai — et c’est loin d’être le fruit du hasard — que les Français sont aujourd’hui quasiment les seuls à défendre des conventions typographiques rationnelles…
J. KANZE : Les Allemands avec qui j’ai travaillé ne pouvaient pas supporter l’idée que je mette une espace avant les points-virgules dans le programme. Plus généralement, j’avais l’impression que les Allemands avaient horreur des espaces dans le code en général. Je ne peux que croire que ça vient indirectement de leurs habitudes typographiques, avec des mots qui se collent, et tout le reste. L’écriture d’un programme n’a pas grand-chose à voir avec la typographie d’un roman, mais les habitudes semblent rester quand même.
Tout cela montre que les Allemands dont vous parlez ont perdu la mémoire, du moins leur mémoire typographique. Des milliers de livres composés jadis et même naguère en Allemagne et en allemand sont à leur disposition : ils y verront des espaces devant le deux-points et les autres ponctuations hautes. Ils y verront aussi, après le point, des espaces beaucoup plus grandes qu’en français : des cadratins ! Ils y verront des espaces qui ne furent jamais employées en français : celles qui en Fraktur et même parfois en romain remplacent l’italique par un interlettrage hypertrophié…
Leur « horreur » des espaces n’est pas due à des traditions qu’ils ignorent, mais au conformisme ambiant.


VI. Absorption du point final

À Typographie, du 26 au 28 janvier 1998.
J. FONTAINE : Soit les deux exemples suivants, qui se trouvent dans le Traité de la ponctuation de Jacques Drillon et que je cite de mémoire, car je n’ai pas actuellement l’ouvrage sous la main : Il prétend travailler pour la C.I.A. — Il prétend travailler « pour la C.I.A. » La règle typographique veut que le point abréviatif absorbe le point final de la phrase (ou vice versa ?) pour éviter une répétition inesthétique de points.
Ce n’est pas une question d’esthétique…
J. FONTAINE: Si je me souviens bien, Drillon exprimait toutefois l’avis que, dans le deuxième exemple, il trouverait préférable d’ajouter un point final après le guillemet, mais que c’était interdit par l’usage typographique. Serait-ce effectivement péché mortel ? véniel ?
… en effet, si vous refusez un double statut (ponctuation interne et ponctuation de la phrase) au dernier point (final/abréviatif, d’interrogation, d’exclamation mais pas toujours de suspension) de la citation, que ferez-vous dans un cas comme celui-ci : Pourquoi m’a-t-il dit « Où vas-tu ? » — Pourquoi m’a-t-il dit « Où vas-tu ? » ? —Pourquoi m’a-t-il dit « Où vas-tu » ?
La première formule est de loin la meilleure.
Le bouquin de Drillon est admirable. Sur le sujet, on ne peut trouver mieux. Toutefois, deux ou trois de ses choix ou suggestions « typographiques » sont discutables.
J.-D. RONDINET : On voit sans équivoque que le point final se trouve en dehors du guillemet fermant. Donc : Il prétend travailler « pour la C.I.A. ».
Moi, je veux bien… mais connais-tu des sources qui préconisent explicitement cette formule ? Ça m’intéresse énormément !!!
J. FONTAINE : « Ce n’est pas une question d’esthétique… » (Bibi bis) Hum, réponse absorbante… Pourquoi absorbe-t-on, alors ? Par flemme ? Par économie ? L’économie (économie graphique ; je ne parle pas de fric) peut être considérée comme une qualité esthétique.
Certes… mais la répugnance à doubler un signe de ponctuation (sauf dans les cas de répétition expressive !!!) pour lui attribuer deux rôles différents n’est pas d’ordre esthétique… Du moins pas « avant tout », du moins pas à mon sens. La ponctuation n’est là que pour aider à la lecture et à la compréhension du texte. La surponctuation aboutit généralement au résultat inverse. Il est vrai que des préoccupations d’ordre esthétique peuvent aller dans le même sens… mais pas toujours. Les parenthèses et les crochets engendrent souvent des cohabitations que les guillemets récusent… Cela s’explique. On pourra y revenir.
J. FONTAINE : Supposons que les exemples suivants soient tous les deux des phrases interrogatives (la seconde étant la version relâchée) que je ponctue de la façon typographically correct : M’as-tu dis « Où vas-tu ?  » — Tu m’as dis « Où vas-tu ? »
En tout cas, les deux sont relâchées… orthographiquement…
J. FONTAINE: Il est impossible pour le lecteur de voir que la deuxième phrase est ici une interrogation (du type : Tu viens ?). Glp ! c’est bien ponctué, ici ? Tout deviendrait clair en ponctuant ainsi (Dieu sauve mon âme) : Tu m’as dit « Où vas-tu ? » ?
Certes… mais il est illusoire d’imaginer qu’une surponctuation hyperlogique rendra claire une formulation équivoque… C’est en cela que la question n’est pas avant tout une question d’esthétique typographique (étroitement visuelle) mais qu’elle ressortit, plus profondément, à la stylistique, à la langue écrite (et même orale…). À l’oral, essayez donc de rendre perceptible la double interrogation (sans effectuer une pause après « dit »)…
Écoutons Daru : « [La ponctuation] ne remédie aux obscurités du style qu’en décelant souvent un vice de construction. » […]
L’esthétique et la logique ont été évoquées.
Je n’ai rien contre ces deux disciplines, je les crois même très bénéfiques… mais, s’agissant d’orthotypographie et de ponctuation, elles exigent des précautions. La logique est une aide précieuse pour résoudre les questions simples, celles surtout qui dépendent d’une seule « règle »… Dès lors que l’on concocte des exemples se situant aux confins du genre ou faisant appel à plusieurs règles, il est vain de se montrer logique dans l’application d’une règle si l’on oublie les autres. En d’autres termes, avant d’acculer une règle dans les cordes, il est bon de se souvenir des relations qu’elle entretient avec ses sœurs et singulièrement de leur éventuelle hiérarchie.
J’aime bien les exemples vicieux, rétifs aux normes : pour le plaisir, non pour adapter la règle à leurs caprices.
Si l’on trouve logique d’écrire : Tu m’as dit « Où vas-tu ? ». — ou : Tu m’as dit « Où vas-tu ? » ? pourquoi serait-il illogique d’écrire : Tu m’as dit : « Où vas-tu ? ». — ou : Tu m’as dit : « Où vas-tu ? » ? ?
Or, ici, on est en plein « solécisme typographique »… Question (subsidiaire) : où mettre le point d’interrogation qui correspond à mon pourquoi ? (La réponse se trouve dans le dernier paragraphe…)
Si l’on retient ces façons de faire, on met à mal tout un pan de l’orthotypographie française (ponctuation des citations)… Sous quel prétexte ? Celui de donner une ponctuation logique à des formulations illogiques…
J’entends déjà les objections… alors voici mon sentiment : à l’oral, je crois que les doubles interrogations sont rarissimes et que la plupart des francophones diraient : « Pourquoi m’as-tu demandé où j’allais ? » ou une des innombrables variantes (« Pourquoi qu’tu m’demandes où je vais ? »…). Et là, aucun problème de ponctuation.
Quant à la phrase non interrogative (que je trouverais plus crédible à la troisième personne…), imaginons qu’elle se situe à la fin d’un dialogue globalement sis entre guillemets… Si l’on retenait la méthode examinée plus haut, on aurait un point final après le guillemet fermant le discours cité dans le discours… et on aurait l’air malin, car pour être dans la même logique il faudrait le faire suivre par un nouveau guillemet fermant le dialogue (impossible dans ce cas de laisser un point final à l’extérieur du dernier guillemet)… « Qu’est-ce qu’il t’a demandé ? — Il m’a dit : « Où vas-tu ? ». »
Certes, ça passerait mieux (?) avec des guillemets anglais de second rang : « Qu’est-ce qu’il t’a demandé ? — Il m’a dit : “Où vas-tu ?”. »
Mais mieux vaut (façon de parler…) : « Qu’est-ce qu’il t’a demandé ? — Il m’a dit : “Où vas-tu ?” »
Pour terminer sur une généralité : la solution de la plupart des « cas extrêmes » ne réside pas dans la ponctuation mais dans la gomme, l’encre rouge ou la touche Backspace… Faut tout récrire, histoire que ça devienne ponctuable… qualité (non suffisante, certes) qui témoigne que la phrase correspond peut-être à un cheminement réel de la pensée *.
* Si l’on cherche une solution… Il n’est heureusement pas exclu de jouer avec les embûches, mais ça, c’est déjà tomber dans la littérature.
P. JALLON : Malgré son apparence débonnaire, La Barbouze a un lourd passé d’espion : « Je travaille pour la C.I.A. ».
Tsssss…
P. JALLON : […] La logique « sémantique » voudrait que le point final précédât le guillemet fermant (citation d’une phrase in extenso). En revanche, la logique « graphique » estime absurde de faire suivre le A de C.I.A. de deux points, l’un abréviatif et l’autre final.
Justement…
Donc : Malgré son apparence débonnaire, La Barbouze a un lourd passé d’espion : « Je travaille pour la C.I.A. »
P. JALLON : Quant aux « sources » — sachant que je n’en suis pas une — que réclame Jean-Pierre, la seule que je connaisse sur ce sujet est la sage parole de l’excellent Girodet, dans ses Pièges et difficultés de la langue française (cf. sa glose sur les guillemets, dans l’annexe).
Girodet (un de mes auteurs favoris…) ne préconise pas la double ponctuation… Hormis Drillon, je cherche des sources « autorisées » et favorables à : Il prétend travailler « pour la C.I.A. » ou Il m’a dit : « Je travaille pour la C.I.A. »
SABINE : On peut se reporter à l’ouvrage de Jean-Pierre Colignon, éditions du C.F.P.J., Un point c’est tout !, 120 pages consacrées exclusivement à la ponctuation.
Vous n’y trouverez pas de réponse au problème de la double ponctuation (du « même » signe _) avant et après un guillemet fermant… Si ma mémoire est bonne, les auteurs de manuels ou de « codes » se gardent bien de l’évoquer…
Hormis le cas des deux points finals — coïncidence de la fin des phrases (complètes…) en discours indirect et direct —, pour lequel sa suggestion est discutable, Colignon donne des exemples non problématiques, du genre : Pourquoi donc avez-vous crié « Au feu ! » ? Cessez de demander « Combien ? » !
Quant à Nina Catach, si je suis parfois en désaccord avec certaines de ses suggestions, j’applaudis sans réserve ses « lois » (« Annexe
II »). Chez elle, il y a des éléments de réponse… mais… le problème posé par l’exemple de Drillon est qu’il peut être résolu différemment selon que l’on privilégie une des lois concernées (sobriété, exclusion, neutralisation, absorption…).
Ce qui est très (trop…) particulier dans cet exemple, c’est la présence d’un point abréviatif en fin de phrase (incomplète…) citée entre guillemets en fin de discours indirect… L’absorption n’est a priori pas pertinente… puisqu’elle serait exclue avec d’autres signes qui pourtant l’exigent : Il prétend travailler « pour la C.I.A. »…
Et pourtant… la question est de savoir ce qui interdit à ce point abréviatif d’avoir un double statut…
Une chose néanmoins est certaine : tout renvoi à la règle générale (phrase complète/phrase incomplète) est d’un faible secours… Tenez, sur cet autre aspect de la question, une autre pièce au dossier…
Toujours Drillon (le salaud… je suis pourtant un de ses admirateurs les plus fervents !) :
— Rien ! dit-il. Rien ! (Comme il aurait dit « tout ! ») – Alexandre Vialatte, les Fruits du Congo.
« N.B. Logiquement, il aurait fallu un point après les guillemets fermants ; ou bien un deux-points après “dit” et une majuscule à “tout”. Dans cette configuration, la phrase n’est pas terminée, puisque le point d’exclamation appartient à “tout”, non à la phrase principale. Cette logique a rarement cours, car elle a contre elle certaine loi typographique : la querelle est loin d’être vidée. »
(Fin de citation.)
Effectivement… mais une autre chose est certaine : Vialatte savait ce qu’écrire veut dire (ce qui n’est pas toujours le cas des « faiseurs de lois »).


VII. Un point final à chaque phrase ?

À Typographie, le 8 avril 1998.
J.-C. SIEGRIST : Gardons également à l’esprit que, lors du processus de lecture, tout ce qui est inhabituel (formes des lettres et doubles espaces, dans le cas particulier) ralentit la lecture.
C’est pourquoi je ne suis pas persuadé que l’on puisse qualifier de « fonctionnelles » les solutions de Richaudeau…
D’autant que pour lui la plupart de ces procédés visant à marquer lourdement les débuts de phrase (double espace-mot, changement de graisse, vignette, etc.) sont des pis-aller destinés à nous faire patienter jusqu’au jour béni où les créateurs de caractères auront enfin compris que l’ostentation est la nouvelle règle d’or et que les signes de ponctuation doivent être « plus visibles, donc plus gros »…
Ce qui revient à dire que chaque signe de ponctuation marque toujours une articulation essentielle du texte… Ce qui revient à dire que c’est une conception inacceptable…

À Typographie, le 4 septembre 1998.
P. JALLON : La dernière mode consiste notamment à mettre un point à toutes les « phrases ». Y compris aux slogans-titres et autres textes de titraille.
Il y a des modes plus détestables… Celle-ci est d’ailleurs assez « rétro »…
Tout le monde trouve normal que certains titres (ou slogans) s’achèvent sur des ponctuations expressives ou « syntaxico-mélodiques » (points de suspension, d’exclamation, d’interrogation), mais on répugne à employer le point final… Est-ce bien raisonnable ? Sans conséquence ? Une au moins est évidente : quand on ose l’employer dans un titre (ou un slogan) dépourvu de ponctuation interne, le point final peut devenir étrangement expressif.
P. JALLON : Moi, je persiste à considérer que les titres et les slogans ne sont pas, à proprement parler, des phrases ; dans ce cas, pourquoi obéiraient-ils à une logique grammaticale alors qu’ils ne sont pas censés s’y conformer ?
Les titres ou les slogans sont des phrases… et souvent des phrases verbales… des phrases ayant une ponctuation interne ! Celle-ci se conforme à la « logique » que tu évoques. Tout le monde est admis, sauf ce malheureux point final ! Pour justifier cette coutume, on peut avancer des explications historiques ou esthétiques… mais pas un « statut » qui rendrait tous les titres « agrammaticaux » par nature.
(Le débat semble surtout porter sur les « titres de journaux » ou sur les slogans publicitaires, mais la question du point final dans les « titres » est beaucoup plus large et concerne tous les secteurs d’activités où l’on compose des textes… Il n’y a aucune raison pour qu’une « règle » ou une convention unique soit appliquée partout et en toutes circonstances…)

À Typographie, le 1er décembre 1998.
Le temps va me manquer pour répondre à ceux qui exigent de la ponctuation partout, mais j’y reviendrai… En attendant, je leur propose un jeu...
1. Prenez une bible typographique… disons le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale
2. Ouvrez le saint ouvrage à n’importe quelle page.
3. Observez…
4. Une fois remis de votre surprise, comptez dans tout l’ouvrage le nombre d’occurrences où sur ce point précis l’on vous donne tort (et où, par conséquent, on n’est pas loin de me donner raison)…
5. Si le nombre d’occurrences « fautives » ou maladroites (selon vos critères) est supérieur à cent, j’accepterai volontiers de me faire payer un verre…
6. Recevez mon amical salut.
[…] Tiens… pour la peine, je propose un jeu encore plus malhonnête que celui de l’I.N… (après, faut que je bosse…). On oublie les formules farcies de signes étranges, on ne retient que des trucs simples, uniquement composés de lettres…
« J’aime beaucoup cette phrase pour éventails :

Je
puise l’air
dans
un
pays
ficti
f

généralement attribuée à Claudel. »
Si tu me dis qu’il faut mettre une virgule après le « f », je crois que nous allons être brouillés pendant au moins deux jours…
Quoi, qu’est-ce que tu dis ? Il suffit d’écrire autrement ? Oui…
« J’aime beaucoup cette phrase pour éventails, généralement attribuée à Claudel :

Je
puise l’air
dans
un
pays
ficti
f

Qu’est-ce qu’on fait ? On met un point final après le « f » ? C’est pas beaucoup mieux… En outre, il faudrait peut-être ajouter un guillemet fermant ?… Carrément hideux, un massacre pur et simple…

À Typographie, le 18 mars 1999.
J. FONTAINE : Si ce sont les contre-exemples pathologiques qui servent d’arguments aux adversaires du méchant « surcodage », je peux jouer aussi à ce petit jeu…
Jouez tant que vous voudrez, docteur… mais il me semble que vous avez mal lu les messages précédents et que vous confondez deux choses bien différentes : le surcodage (en l’occurrence la surponctuation) de phrases « saines » et le bordel graphique engendré par des phrases « pathologiques ». Si ce genre d’amalgame vous sert d’argument, je ne suis pas sûr de vouloir jouer bien longtemps.
Pour ma part (je personnalise un chouïa à cause du surcodage, qui n’est certes pas mon bien mais que je dénonce fréquemment et avec plaisir), je crois avoir écrit que la profusion de signes de ponctuation est un « symptôme » inquiétant (sauf, évidemment, s’il s’agit d’un jeu, d’une pratique maîtrisée). S’imaginer que la ponctuation va rendre présentables des phrases mal bâties est une croyance qui relève du charlatanisme. Une phrase « saine » peut être surponctuée. Un bordel noir, non : s’il a reçu la ponctuation qu’il mérite, il grouille nécessairement de signes.
J. FONTAINE : (Ce n’est pas que je tienne moi-même mordicus à une ponctuation « logique », mais j’attends toujours d’être convaincu de ses inconvénients…)
Moi, je tiens à une ponctuation logique… Ce que je récuse, c’est la nécessité (et même l’existence autonome…) d’une « logique » graphique. Les exemples « pathologiques » qui vous consternent résultent de la stricte application de cette « logique graphique ». Le bon diagnostic ne consisterait-il pas à réserver le qualificatif « pathologique » à cette « logique graphique ? artificiellement isolée ? Puis à se tourner vers la seule logique susceptible d’éliminer l’éruption de tous ces vilains petits boutons de ponctuation : celle du discours ? (Est-il besoin de préciser que cela ne signifie nullement que tout discours doit être logique ?)
Cela n’éliminera pas les cas particuliers (qui n’ont pas commencé hier à être irritants…). Mais qui croit encore que les conventions typographiques, la ponctuation, la langue écrite constituent un vaste système (ou un magasin d’accessoires) où il suffit de puiser négligemment pour satisfaire sans peine tous nos petits besoins, même les plus rares, les plus inattendus ? « Avez-vous lu Quo vadis ? » Phrase simple, sans pathologie apparente. Un ou deux points d’interrogation ?
Surcoder, c’est prendre le lecteur pour un con.

À Typographie, le 4 octobre 2000.
J. TOMBEUR : C’est pourtant une pratique émergente… Pensons un peu à la ponctuation « à la Rimbaud », virgule verte, point rouge, tirets en dièses et bémols (variations de tons). C’est sans doute une réflexion digne du bêtisier de cette liste… Est-ce si sûr ?
Tu arrives trop tard dans un monde déjà vieux…
Malcolm de Chazal, Sens plastique, 1948 : « Virgules bleues ; points blancs ; points d’exclamation jaunes ; tirets gris ; deux-points mauves… Mauve : couleur qui ne commence ni ne finit ; barrière à claire-voie entre les teintes ; nuance flottante par excellence ; bac des teintes. » 
Points blancs… Il est con, ce Malcolm… Faut dire que des points noirs, ça fait crade.


Porte Monument, Voie et espace public.

La porte des Lilas, la porte d’Orléans, la porte Saint-Denis, la porte Saint-Martin, la porte de Brandebourg.
Exceptions. — La Porte, la Sublime Porte, les Portes de Fer, les Porte-Glaive.


Noms communs composés

Si l’on oublie les facéties du Conseil supérieur de la langue française, les choses sont simples : seule la porte-fenêtre associe deux substantifs ; c’est une porte en même temps qu’une fenêtre. C’est donc le seul mot composé dans lequel « porte » prend la marque du pluriel : des portes-fenêtres.
Invariables : un ou des porte-bonheur, un ou des porte-aéronefs, porte-assiettes, porte-avions, porte-bagages, porte-billets, porte-bouteilles, porte-cartes.
Girodet 1988.
Conseil sup. 1990, Hanse 1987.


Pourcentage Alliage, Fraction.

•• Employé substantivement (par exemple dans la désignation d’un emprunt par son taux d’intérêt), un pourcentage simple peut s’écrire en toutes lettres : le cinq pour cent a été souscrit en trois jours.
J’ai repris un peu de 5 % et un bon paquet de 8,25 %.
/•• 5 %, 5 p. 100. 5 ‰, 5 p. 1 000.


Préfecture, préfet

La préfecture du Tarn, le préfet du Tarn.
La préfecture de Police, le préfet de Police.


Premier Chiffres romains.

Le Premier ministre, voir : Ministère, ministre.
La Première Guerre mondiale (la Grande Guerre, la guerre de 1914-1918), voir : Guerre.
••• Ne pas confondre chiffres arabes et romains, 1er (ou 1er) et Ier, article 1er et Napoléon Ier.


Prénom Abréviation.

Trait d’union

La tradition typographique, qui impose le trait d’union entre tous les prénoms composés français ou francisés, engendre des ambiguïtés : il est déconseillé de la respecter.
Frey 1857, Impr. nat. 1990.
La virgule est à proscrire.


Abréviation

Il est possible de conserver les digrammes (deux lettres pour un seul son) ainsi que les consonnes qui suivent l’initiale ou le digramme :
C. : Casimir, Catherine, etc.
Ch. : Chantal, Charles, etc.
Chr. : Christian, Christine, Christophe, etc.
Cl. : Claire, Claude, Clovis, etc.
Rappelons aux mécréants que Christ n’est pas le deuxième prénom de Jésus : J.-C. est la seule abréviation admise ; J.-Chr. abrège Jean-Christophe ou Jean-Chrétien…


Préparation de copie



Le surlignage avec des marqueurs de couleur est une hérésie qui tend hélas à s’étendre. Pour un avantage illusoire (repérage aisé), ce procédé engendre deux difficultés majeures :
— impossibilité de corriger proprement un changement erroné d’attribut ;
— impossibilité de photocopier, de faxer, de scanner proprement un document ainsi surchargé.


Président Ministère, ministre.

« Le bureau du Président ne m’était pas
ouvert jour et nuit, mais il ne m’était pas
fermé quand je frappais à sa porte. »
Régis D
EBRAY, les Masques.

Le président de la République : Antoine Blondin, Albert Cohen ; le président du Conseil : Jules Romains.
Le Président de la République : Régis Debray, Jules Romains, Marcel Proust.


Produit Saint.

Cet exemple n’est pas à suivre : « J’y ai vu trôner, au-dessus des portugaises qui n’en menaient pas large, les Marennes et les Belons. » – Jules ROMAINS, Examen de conscience des Français.


Prote

« Naturellement un prote a fait du zèle et cru
devoir remettre au féminin “le couleur de rose” ;
que j’avais pourtant indiqué à deux reprises. »
André G
IDE, Journal.

¶ Chef d’une imprimerie ou d’un atelier de composition.
Le prote à manchettes n’effectuait aucun travail manuel. Le prote à tablier dirigeait les typographes.


Proverbe Citation.

« Un proverbe est plus qu’un cliché, c’est
un cliché canonisé par une sorte de concile
du populaire, tandis que le cliché, lui, n’est
encore qu’une façon de bienheureux Labre
de la langue française. »
Lucien R
IGAUD, Dictionnaire des lieux communs.

••• S’il sont considérés comme des citations, les proverbes, les adages et les dictons se composent entre guillemets.
Pour certains scripteurs, les guillemets sont un moyen facile, providentiel et médiocre de dénudation du cliché : cher confrère, permettez-moi de vous faire observer que « les loups ne se mangent pas entre eux ».
•• La plupart des proverbes appartiennent à tous et peuvent être intégrés sans précaution au discours de chacun : ça, mon pote, comme on fait son lit, on se couche.
Impr. nat. 1990.
/•• En revanche, beaucoup de « formules proverbiales » sont des citations qu’il est séant de ne pas s’approprier subrepticement. Les guillemets devraient être obligatoires…
Exemples. — Miguel de Cervantès : « On n’a pas bâti Rome en un jour » ; Louis-Ferdinand Céline : « L’histoire ne repasse pas les plats. »